Tribunal de commerce de Compiègne :

Une crise terminée mais des entreprises encore fragiles

C'est une année en demi-teinte pour les entreprises du compiégnois en 2023. Lors de son audience solennelle, le 19 janvier, le tribunal de commerce de Compiègne, a dressé un bilan économique morose : si les immatriculations se portent bien, les hausses des liquidations judiciaires sont les conséquences de la fin du « quoi qu'il en coûte ». L'année 2023 est aussi l'année d'un contexte judiciaire en mouvement et d'un tribunal actif.

Chantal Lenoir, présidente du Tibunal de Commerce de Compiègne, a décrit une année 2023 chargée. (c)VK
Chantal Lenoir, présidente du Tibunal de Commerce de Compiègne, a décrit une année 2023 chargée. (c)VK

Si en 2022 l'hécatombe redoutée n'a pas eu lieu, l'économie du compiégnois avait toutefois gardé les séquelles de deux années de crise économique, engendrant la neutralisation des trésoreries. En 2023, le tissu économique s'est revigoré mais reste fragile.

Dans son bilan économique, le tribunal de commerce enregistre une hausse de 41% d'ouvertures de procédures collectives par rapport à 2022 (soit 327 vs 232), qui avait elle-même enregistré une hausse de 62% de ces ouvertures, par rapport à l'année 2021. « Le ralentissement du nombre de procédures, qui avait caractérisé la période de crise sanitaire, est désormais bien terminé, sans que l’on assiste pour autant à une vague de défaillances », note Chantal Lenoir, présidente du TC Compiègne. Par ailleurs, la hausse des liquidations judiciaires (58, soit +6%) et des liquidations judiciaires simplifiées (188 soit +47%) montre une santé fragile des entreprises. Ce contexte économique engendre des conséquences sur l'emploi local : 909 emplois ont été impactés, contre 547 en 2022.

Hausse des micro-entreprises

La hausse exceptionnelle des créations d'entreprise en 2021 (3 879) perdure et les immatriculations « se portent bien », précise Chantal Lenoir. Au nombre de 3 609 en 2023, les créations enregistrent seulement une baisse de 4%. Comparativement, 2 781 entreprises ont été créées en 2018, 2 973 en 2020.

L'augmentation du nombre de micro-entreprise impacte directement ce bilan : le tribunal enregistre une augmentations de 4% du nombre de créations de ces entreprises (soit 1 338). Des micro-entreprises qui se créent massivement depuis 2020 : 695 micro-entreprises ont été créées en 2018, elles étaient au nombre de 1 095 en 2020, 1 441 en 2021 et 1 276 en 2022.

Une politique amiable prônée

Accélérées il y a quelques années, les procédures à l'amiable sont au cœur du tribunal de commerce de Compiègne. Mais 2023 marque un tournant. Une véritable politique de l'amiable a été annoncée par le ministre, qui a souhaité introduire deux nouveaux dispositifs : l’audience de règlement amiable (ARA) permettrait au juge d’aider les parties, avec leurs avocats, à trouver un accord et la césure inciterait les parties, après que le juge ait tranché le fond du litige à trouver un accord sur le volet indemnitaire.

Le TC de Compiègne compte 21 juges.

Une politique que le tribunal de commerce de Compiègne ne cesse de prôner. « Il faudrait que ces procédures à l'amiable soit inscrite dans le Code du commerce, pour aller plus loin », déclare Chantal Lenoir. Une politique qui se voit dans les actes : en 2023, les sauvegardes ont augmenté (+160%, passant de 5 en 2022 à 13 en 2023), les plans de sauvegarde pour les entreprises en difficulté également, +100%, ainsi que les plans de redressement, +37,50% et les plans de cession ont diminué de 30%.

La présidente du TC Compiègne insiste également sur une façon alternative de rendre la justice, en utilisant davantage les modes amiables de règlement des différends (MARD) : « il est nécessaire de développer les MARD avec la mise en place de référent MARD dans chaque tribunal et des avenants MARD dans la convention existante entre le ou les barreaux, le tribunal de commerce et le greffe faciliteront cette action. »

Futur tribunal des activités économiques ?

L'année 2023 est aussi l'année de la loi d’orientation et de programmation pour la justice 2023-2027. Dans le prolongement des états généraux est prévu le tribunal des activités économiques (TAE). Candidat pour une expérimentation de quatre ans, le tribunal de commerce de Compiègne se positionne clairement en faveur de la création de TAE, qui élargit les compétences du tribunal de commerce, obtenant un plus large champ d'application.

Les agriculteurs, les associations, les professions libérales (hors professions juridiques et réglementées) dépendraient intégralement du périmètre de ce TAE, là où ils dépendent aujourd'hui de tribunaux judiciaires. « Ce TAE pourra également connaître des litiges concernant le bail commercial nés pendant la procédure collective et en rapport avec celle-ci, explique Chantal Lenoir. Des exploitants agricoles nommés par le ministre de la justice pourront, après une formation initiale, être membres des formations de jugement du TAE en qualité d’assesseur. » Une candidature logique : le TC de Compiègne a sous sa juridiction deux tiers du PIB départemental et le secteur enregistre 3 800 exploitations.

Un tribunal en action

L'année 2023 a également été une année riche en rencontres. En juin, le TC de Compiègne a organisé le congrès régional de la 8ème Délégation Régionale, regroupant les tribunaux de commerce de Douai, Arras, Lille, Boulogne, Soissons, Dunkerque, Saint-Quentin, Valenciennes, Beauvais, Amiens et Compiègne. Mais aussi, novembre 2023, le congrès national des juges consulaires de France. Avec 300 participants, ce congrès de qualité a été salué par tous.

Enfin, pour la première fois, le tribunal judiciaire de Compiègne et le tribunal de commerce de Compiègne se sont associés pour organiser "La nuit du droit", en octobre, « avec la participation efficace de juges consulaires, des administrateurs, mandataires, du barreau et du greffe, précise Chantal Lenoir. Un succès à la mesure de la participation d’un public interactif et nombreux. »

Les nouveaux juges élus et en renouvellement

Lors de l'audience solennelle, trois nouveaux juges ont été élus : Philippe Lesure,

- Elizabeth Lepoitevin
: dirigeante de l’Hotel du nord et de la table d’ELISA, président du réseau Femmes chef d’entreprise (FCE) Oise.

- Antonia Palazzo Lacanfora : dirigeante de la société CMETIK dont les domaines de prédilection sont :
Stratégie/ Finance/ Gestion /FacilitateurStratégie/ Finance/ Gestion /Facilitateur.

- Philippe Lesure : ancien expert-comptable et commissaire aux comptes retraité.

Et trois juges en renouvellement :

- Bernard Delalleau : ancien Directeur Général Délégué de l'entreprise ZUB, entreprise de construction et de rénovation, impliqué au sein de ce tribunal depuis 2017.

- Nathalie Pischedda : Directrice Générale de la société Francem, spécialisée dans la conception et fabrication de profilés caoutchouc alvéolaires et compacts, engagée au sein de ce tribunal depuis 2017.

- Bernard Fernet : Directeur Général adjoint chez HEIDELBERG WEB/ GOSS. Ses domaines de prédilection : financement des ventes ,administration des ventes, informatique, comptabilité, relations avec les banques, juridique et fiscal. Entré au tribunal de Senlis en 1993 puis de Compiègne en 2009, président de la chambre des Référés. Juge chevronné, il parraine de nouveaux juges afin de transmettre son savoir.

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