Audience solennelle du tribunal de commerce de Beauvais
TC Beauvais : une année 2024 morose mais soutenue par la prévention et les sanctions
Lors de l'audience solennelle du tribunal de commerce (TC) de Beauvais, la hausse des défaillances d'entreprises en 2024 a été confirmée par son président, Claude Michaux. L'année 2024 a aussi été marquée par la prévention et la politique de la sanction, respectivement dans le but de soutenir et d'assainir l'économie locale.
![Au centre, Claude Michaux, président du TC Beauvais.](/thumbs/1368×1026/articles/2025/02/IMG-0611.jpg)
L'année 2023 a été difficile pour
les entreprises du territoire, l'année 2024 a été morose entre les
crises structurelles et conjoncturelles et l'année de 2025 est
dictée par une crainte d'une situation davantage compliquée. Tel est le constat dressé par le procureur général, Frédéric
Trinh, lors de l'audience solennelle du tribunal de commerce de Beauvais, le
7 janvier, au sein du palais de justice.
Une situation attestée par les
chiffres : si la région Hauts-de-France connaît une hausse de
9,7% des défaillances d'entreprises, le TC Beauvais enregistre une
hausse de plus de 23% de redressements judiciaires et une hausse de
20% des procédures de liquidations judiciaires. «Ce chiffre de
20% est impressionnant mais il doit s'analyser du fait aussi que
l’État a mis en pause les procédures», explique Claude
Michaux, président du TC Beauvais.
Les TPE et PME durement touchées
Les
PME et les TPE fondent l'économie française et notamment l'économie
locale, aujourd'hui ébranlée : les faillites personnelles ont
plus que doublé et, au total, 225 TPE et PME du territoire ont été
liquidées, touchant 247 emplois. Et sur ces 225 entreprises, 64%
embauchent moins de cinq salariés. «Les plus
petites entreprises sont durement touchées, et en 2024 ce chiffre
est exceptionnel, c'est un record»,
rappelle Claude Michaux.
Les fermetures d'usines et les restructurations de grands groupes ont également mis à mal l'économie locale. Du côté des secteurs, les entreprises du BTP continuent d'être les plus impactées par les crises successives, avec une hausse de 22% de défaillances.
La prévention et la conciliation pour soutenir l'économie locale
Dans
ce contexte, la prévention est une solution adoptée par le TC de
Beauvais depuis quelques années et qui s'est accentuée depuis 2021.
«La prévention est le cœur des droit des
entreprises en difficulté»,
précise le procureur général. En 2024, plus de 40 entreprises en
difficulté ont été suivies et accompagnées. «La
prévention est un axe essentiel», note Claude Michaux, rappelant l'existence du Fonds de secours
Région, octroyant des prêts allant jusqu'à 50 000 euros aux
entreprises de moins de 25 salariés confrontées à des difficultés
économiques. Le tribunal enregistre également 450 entretiens de
prévention, soit 150 de plus qu'en 2023. Ces entretiens ont été
amenés via la "prévention sur convocation", soit un
travail de coopération entre le TC Beauvais et les greffiers,
alertés par des signes rouges de difficulté.
Dans cette prévention, le président du TC Beauvais rappelle l'existence du mandat ad hoc comme solution. Cette mesure de prévention permet à l'entreprise qui n'est pas en cessation des paiements de rétablir rapidement sa situation. La prévention est d'ailleurs accentuée dans tous les tribunaux de France. En juillet 2023, un décret a créé l'ARA pour l'audience de règlement amiable, permettent au juge d’aider les parties à trouver un accord à n'importe quel stade de la procédure. Actuellement en test dans certains tribunaux de commerce avant d'être déployée sur tout le territoire, l'ARA est une bonne nouvelle pour Claude Michaux et des formatons seront destinées en 2025 à ces juges conciliateurs.
La politique de sanction pour assainir l'économie locale
En
2024, une politique de sanction a été amplifiée, jugée «efficace»
par le procureur général, et qui sera menée durant l'année
2025. L'enjeu ? «Détecter les dirigeants
malhonnêtes et assainir l'économie locale»,
éclaire le procureur général. Cette politique s'applique notamment
à ceux qui ne respectent pas l'obligation de la
publication des comptes
des
entreprises via l'INPI pour le greffe du tribunal de commerce, chaque
année, après la clôture de leur exercice comptable.
Via ces sanctions, le tribunal de commerce engage une chasse aux
entreprises
dites
"zombies",
se maintenant sur le marché alors qu'elles apparaissent comme des
candidates naturelles à la défaillance, chassant en même temps le
blanchissement d'argent. Et l'enjeu demeure structurant : «un
tiers des entreprises en défaillance n'ont pas publié leurs
comptes annuels durant les deux dernières années précédant la liquidation»,
remarque encore le procureur général.
2025, l'année du numérique
L'exerce
judiciaire 2024 clôturé, c'est maintenant une nouvelle année
judiciaire 2025 ouverte qui se veut connectée. La signature
électronique sera généralisée et certains tribunaux de commerce
testeront l'open
data des décisions de justice, c'est-à-dire la diffusion
numérique des décisions de justice, et donc l'ouverture des données
publiques, dont l'objectif est de favoriser la transparence de
l’action publique et l’innovation. «Je
suis inquiet par la technologie notamment celle
de l'intelligence artificielle,
confie Claude Michaux. Il
faut être prudent et vigilent quant à son utilisation au sein de
nos tribunaux. Elle doit apporter de l'aide et non pas remplacer
l'humain dans les décisions de jugements».
Si le président du tribunal de commerce fait part de son étonnement face au dysfonctionnement du guichet unique pointant «l'échec de l’État», il a mis en lumière l'isolement de la profession de juge. «Les tribunaux de commerce représentent le monde silencieux. Les juges, nous sommes peu connus, on parle peu de nous et pourtant nous avons un rôle primordial au sein de l'économie locale», termine ainsi Claude Michaux, qui a donné sa dernière audience solennelle, atteignant l'âge de départ des juges fixé à 75 ans, et qu'il fêtera en 2025.