Sur la route des européennes - Dans la voiture d'un médecin de campagne, "lueur d'espoir"
Quand le docteur Serin arrive dans la petite maison défraîchie du hameau de Malicorne, un vieux monsieur est à terre et n'arrive plus à parler. Le médecin redresse...
Quand le docteur Serin arrive dans la petite maison défraîchie du hameau de Malicorne, un vieux monsieur est à terre et n'arrive plus à parler. Le médecin redresse le nonagénaire, conscient, et appelle l'ambulance.
A l'approche des européennes du 9 juin, l'AFP poursuit un périple sur les routes de France pour y saisir les enjeux nationaux comme continentaux, et a sillonné le désert médical de la Nièvre.
"Une ambulance dans deux heures ? Faut que ça aille plus vite", prévient Michel Serin, en ligne avec le Samu. Devant la modeste chambre, un molosse s'est installé - un Beauceron - pour veiller sur son maître de 92 ans, qui commence à articuler quelques mots.
C'est le fils, Jean-Claude, qui a lancé l'alerte, d'un coup de fil à la maison de santé du village voisin de Saint-Amand-en-Puisaye, 1.200 habitants. Le docteur Serin est "indispensable" et "omniprésent" dans "nos régions un peu médicalement abandonnées", dit-il. "Encore une chance qu'on ait cette maison de santé".
Ouvert il y a dix-neuf ans, cet établissement est le coup de maître de Michel Serin, lunettes rondes et bonhomie communicative. Près d'une vingtaine de professionnels y exercent désormais. Des infirmières, kinés, une psychologue, des internes et une troisième généraliste depuis peu, la trentenaire Louise Martin: "c'est l'équipe qui m'a plu".
Tous cumulent les casquettes pour pallier l'absence de spécialistes dans ce bassin de 5.000 patients. La maison multiplie les services: la cryothérapie contre les lésions précancéreuses, la télé-expertise dermatologique avec transmission de photos…
Car "le milieu spécialiste est en grande difficulté". "Les dentistes, c'est une catastrophe et les gens vont à Paris ou à Dijon" à 190 kilomètres "pour se faire soigner" avec un "impact financier pour les patients", raconte Michel Serin.
Selon des sondages, l'état du système de santé figure dans le peloton de tête des "préoccupations" des électeurs, avec le pouvoir d'achat et l'immigration, bien que la santé ne relève pas directement des compétences européennes.
Jamais venus
Et le scrutin du 9 juin sera un test national pour Emmanuel Macron, régulièrement confronté à la fragmentation sociale et territoriale du pays.
Le docteur Serin se dit lui un peu lassé du "Macron bashing", même s'il pourrait se laisser tenter par un vote écologiste ou socialiste.
Après une réunion d'équipe et une visio avec le ministère pour expérimenter un nouveau système de tarification au forfait, le praticien dévale sous la pluie les routes sinueuses du nord de la Nièvre, au volant de sa Peugeot 3008.
Il déboule chez Stella Lemoine, une Anglaise de 75 ans installée dans un pavillon de Dampierre-sous-Bouhy, le village de son défunt mari. Cette grosse fumeuse est épuisée, son coeur change constamment de rythme.
Le médecin de 67 ans est venu avec son sac à dos de matériel - une douzaine de kilos - plus une imprimante portable sous le bras pour délivrer l'ordonnance. Stella est inquiète et la consultation s'étire durant 45 minutes.
"Quand les gens sont isolés, c'est un peu stressant", confie-t-il dans sa voiture. Même s'il reste contre vents et marées "un médecin de campagne heureux", une "lueur d'espoir" pour les patients. Parce que le métier "est extraordinaire sur le plan humain, on suit des arbres généalogiques entiers".
Lui plaide pour une gouvernance "moins centrée sur l'hôpital" et davantage tournée vers "les soins primaires", la "médecine globale" et la "prévention".
Après le déjeuner, ce sera Saint-Fargeau, à 13 kilomètres de là, dans l'Yonne voisine. Ici, le dernier médecin part à la retraite.
Et tout était prêt pour accueillir deux dentistes et un orthodontiste dans un cabinet rutilant, mais "ils ne sont jamais venus", déplore l'ancien maire Jean Joumier, qui se demande bien si cette arrivée avortée ne lui a pas coûté sa réélection aux municipales de 2020.
Deux ans plus tard à Saint-Fargeau, le Rassemblement national a fait une percée à la présidentielle avant de remporter la législative dans cette première circonscription de l'Yonne.
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