Sous pression du gouvernement, Le Pen cherche à dédramatiser la censure
Sous pression du gouvernement qui l’accuse de vouloir précipiter "la France dans le gouffre", voire de "bluffer" ou de faire le jeu de la gauche, Marine Le Pen se défend d'un procès en irresponsabilité et dédramatise...
Sous pression du gouvernement qui l’accuse de vouloir précipiter "la France dans le gouffre", voire de "bluffer" ou de faire le jeu de la gauche, Marine Le Pen se défend d'un procès en irresponsabilité et dédramatise l'impact d’une motion de censure sur le budget.
La patronne du RN a les moyens de faire tomber le gouvernement de Michel Barnier dans quelques jours, mais c'est une décision très délicate dans un contexte d'instabilité politique et de finances publiques dégradées.
Au lendemain de sa première rencontre formelle avec Michel Barnier à Matignon, elle prend la plume mardi dans Le Figaro pour contre-attaquer face à ce qu'elle dénonce comme de "fausses informations" diffusées par l'exécutif.
D'un revers de main, elle écarte tout risque d'un "shutdown" en France, une situation américaine où les fonctionnaires fédéraux ne sont pas payés et les services publics sont bloqués en l'absence d'accord au Congrès sur un budget.
"Même en cas de censure, l'impôt serait levé, les fonctionnaires payés, les pensions versées et les soins médicaux remboursés", soutient Marine Le Pen qui a réitéré au chef du gouvernement ses "lignes rouges" dans le projet de budget.
En piste pour la prochaine présidentielle, elle doit aussi préserver l'image de sérieux qu'elle veut donner de son parti tout en montrant son souci des classes populaires.
Elle juge notamment "inadmissible" l'augmentation des taxes sur l'électricité et le compromis sur les retraites, et réclame des économies "claires" sur l'immigration et le fonctionnement de l'État. Manifestement, elle établit ainsi un rapport de force avec le gouvernement pour obtenir des concessions et éviter in fine le vote de la censure.
Plusieurs personnalités appartenant à la coalition de Michel Barnier ont alerté sur le risque de crise financière que provoquerait une chute du gouvernement sans adoption préalable d'un budget. La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a notamment dit dimanche craindre "un scénario à la grecque".
Message martelé mardi soir par le Premier ministre lui-même. "Il y aura une tempête probablement assez grave et des turbulences graves sur les marchés financiers", a-t-il dit sur TF1, en affirmant que les Français veulent la "stabilité".
Bluff ou pas ?
C'est la semaine prochaine que le gouvernement pourrait être amené à recourir pour la première fois à l'article 49.3 et donc s'exposer à une censure.
Au sein du gouvernement, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a probablement été le plus virulent en ciblant directement Marine Le Pen lors d'un discours lundi soir devant près de 500 militants de la fédération LR de Paris.
Dans son intervention, il a repris un argument qui tourne en boucle chez les Républicains pour défendre Michel Barnier, issu de leur famille politique : le risque de faire tomber un gouvernement ancré à droite pour qu'il soit remplacé par un autre de gauche.
"La sécurité des Français serait-elle mieux assurée si, prenons un exemple au hasard, (le député insoumis) Louis Boyard était à ma place, lui qui affirme que la police tue?", s'est interrogé Bruno Retailleau.
L'attaque du ministre de l'Intérieur n'est pas restée longtemps sans réponse : Marine Le Pen a rejeté sur X un argument "gros-rouge-qui-tache", avant de chercher une fois encore à dédramatiser, écartant la possibilité que la gauche arrive au pouvoir, car un tel gouvernement serait aussitôt censuré.
Si 67% des électeurs du RN se disent favorables à la censure du gouvernement, selon le dernier baromètre Ifop pour le Journal du Dimanche, il n'a pas échappé à la droite qu'un tiers d'entre eux ne la soutiennent pas et qu'ils seraient mécontents si la chute du gouvernement entraînait une période d'instabilité.
Un responsable de LR divisait récemment auprès de l'AFP les soutiens du RN en trois groupes, le premier formé par les électeurs de longue date, le second par ceux qui expriment leur ras-le-bol et un troisième constitué par d'anciens électeurs de droite qui verraient d'un mauvais œil une censure.
Certains, comme ce ténor du PS, croient qu'elle bluffe sur la censure. "Mais parfois quand on bluffe on finit par se faire entraîner par son propre bluff".
À l'inverse, un député de droite se dit désormais convaincu que Marine Le Pen est prête à "aller jusqu'au bout" après l'avoir entendue détailler les mesures qu'elle rejette catégoriquement dans le budget.
"Quand vous entrez autant dans les détails, c'est que vous cherchez un prétexte pour frapper", affirme-t-il.
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