Soupçons de favoritisme: EDF et son ancien PDG jugés à Paris
Le procès du géant de l'électricité EDF, de son ancien PDG Henri Proglio et de douze autres personnes pour des soupçons de favoritisme autour de contrats de consulting s'est ouvert mardi devant le tribunal...
Le procès du géant de l'électricité EDF, de son ancien PDG Henri Proglio et de douze autres personnes pour des soupçons de favoritisme autour de contrats de consulting s'est ouvert mardi devant le tribunal de Paris, avec des débats de procédure.
S'adressant à celui qui dirigea l'entreprise entre 2009 et 2014, premier appelé à la barre en début d'après-midi pour décliner son identité, le président Benjamin Blanchet a égrené les 44 contrats de consultants conclus sans mise en concurrence entre 2010 et 2016, au cœur de ce procès qui doit durer deux semaines.
L'enquête ouverte en 2016 par le Parquet national financier (PNF) a exhumé ces dizaines de contrats de conseil signés par des communicants, ex-dirigeants d'entreprises, politiques, magistrats, avocats et journalistes... pour des montants allant de 40.000 à 4 millions d'euros sur plusieurs années.
Pour le PNF, ces contrats n'auraient pas dû être conclus de gré à gré et auraient dû faire l'objet d'une mise en concurrence: aucune des dérogations prévues par la règlementation ne pouvait s'appliquer à ces marchés publics.
Henri Proglio, qui encourt pour favoritisme deux ans d'emprisonnement et 200.000 euros d'amende, clame son innocence.
Le 9 mai, il a déclaré à l'hebdomadaire Le Point: "je venais du privé et quand je suis arrivé chez EDF, j'ai fait comme avant. Personne, à la direction juridique, ne m'a alerté sur la nécessité de faire des appels d'offres".
Cataclysmiques
L'audience a débuté par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par la société de l'ex-PDG de Vivendi Jean-Marie Messier, qui fut consultant d'EDF et s'est vu refuser une procédure de "plaider-coupable" dans cette affaire. Après une courte délibération, le tribunal a refusé de transmettre cette QPC.
Une rafale d'arguments de procédure ont ensuite été plaidés par la défense, l'accusation répliquant en appelant à leur rejet total. Le tribunal tranchera sur ce sujet mercredi à 13H30.
La situation de l'ancien secrétaire général, Alain Tchernonog, cité pour favoritisme et absent pour des raisons de santé, a notamment été débattue.
Son avocat a demandé que les poursuites soient abandonnées à son encontre, d'autres ont relevé l'importance de son témoignage, arguant qu'il n'était pas possible de poursuivre sans lui. Le parquet a suggéré que son cas soit disjoint.
Me Jean Reinhart, avocat de l’entreprise redevenue 100% publique en 2023 après une privatisation partielle, a évoqué les "conséquences cataclysmiques" d'une éventuelle condamnation d'EDF, "tant pour des contrats à venir que pour les contrats passés". Il a demandé l'annulation de la procédure.
Conseil d'Henri Proglio, Me Pierre-Emmanuel Blard a de son côté soutenu "qu'au moins 26 contrats" étaient prescrits.
Veille stratégique
A l'issue de son enquête, le PNF a décidé de ne pas poursuivre les consultants ayant bénéficié de marchés inférieurs au seuil de "procédure formalisée" (environ 400.000 euros à l'époque).
Parmi ceux concernés par des montants supérieurs, six ont déjà été condamnés à des amendes via des procédures de "plaider-coupable".
In fine, onze ex-consultants sont cités devant le tribunal, soit directement, soit via leur société, pour recel de favoritisme. Pendant l'enquête, tous ont contesté avoir commis une infraction.
Parmi eux figure Loïk Le Floch-Prigent, condamné en 2003 dans l'affaire Elf, poursuivi pour des contrats totalisant 1,36 million d'euros HT entre 2010 et 2015, selon lesquels il était "associé à l'élaboration de la stratégie de développement international" d'EDF et devait "apporter son expérience" dans différents domaines.
Autre prévenu, le journaliste Laïd Sammari a paraphé des contrats totalisant 1,032 million HT (2010-2014) pour du "conseil pour la communication et l'image auprès du PDG - protection de l'image du client dans les médias", puis "conseil à la direction de l'intelligence économique dans les domaines des médias".
L'ancien magistrat Alexandre Medvedowsky est quant à lui mis en cause pour un montant total de 2,44 millions HT de 2009 à 2013. Ses missions: "veille politique, syndicale, administrative et juridique" ou "mise en place d'un dispositif de veille stratégique auprès des principaux acteurs du gaz en Europe".
Sont aussi jugés le criminologue Alain Bauer, l'ancien directeur de rédaction du Figaro Jean de Belot, le journaliste Roland Jacquard, Valérie Terranova, qui fut conseillère de Jacques Chirac à l'Elysée, un ancien d'EDF, un banquier italien et l'entreprise Eurotradia.
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