Prévention

Somme : les entreprises actrices de la lutte contre les violences conjugales

À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la Délégation départementale aux droits des femmes et à l'égalité, le Club régional de l'emploi et partenaire de l'insertion (Crepi), la Direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) et l’association Agena organisaient à Amiens une matinée de prévention auprès des employeurs pour détecter et accompagner les victimes de violences conjugales.

Gwenaël Leroy, Myriam Garcia et Laetitia Créton, directrice de la DDETS ont participé à cette matinée de réflexion. ©Aletheia Press/ DLP
Gwenaël Leroy, Myriam Garcia et Laetitia Créton, directrice de la DDETS ont participé à cette matinée de réflexion. ©Aletheia Press/ DLP

« Il y a plus de 20 ans, alors que j’étais en poste à Toulouse, je suis venue à Amiens pour l’enterrement d’une collègue. Nous étions trois. Elle était sous l’emprise de son ex-mari et était totalement isolée. Elle s’était confiée à nous parce que nous étions son seul contact avec l’extérieur. Je suis donc convaincue que les entreprises ont un rôle à jouer dans la prévention des violences conjugales », confie Myriam Garcia, Secrétaire générale de la préfecture de la Somme et sous-préfète de l’arrondissement d’Amiens.

Quelques minutes plus tôt, elle avait demandé à l’assemblée composée d’une quarantaine de participants – DRH, professionnels de l’insertion, acteurs de la formation…- combien d’entre eux avaient déjà été confrontés à une salariée victime de violences conjugales. Les 2/ 3 avaient levé la main. 

On estime que sur un an, 225 000 femmes de 18 à 75 ans sont victimes de violences par leur conjoint ou ex-conjoint. En 2021, la France a enregistré 122 féminicides (chiffres ministère de l’Intérieur). « Ce n’est pas quelque chose qui arrive à l’autre bout du monde. En avril dernier, deux sœurs de 26 et 25 ans et le fils de l’aînée âgé de 3 ans ont été tués par le compagnon de cette dernière. C’est l’employeur, inquiet de ne pas voir sa salariée, qui a prévenu la police », souligne Gwenaël Leroy, directrice de l’association Agena.

Être attentif

Si de plus en plus d’entreprises se saisissent de cette question – cinq d’entre elles ont inclus les violences conjugales dans leur accord égalité, obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés, cette année –, celle-ci demeure encore tabou dans de nombreuses structures, souvent par peur d’empiéter sur la vie privée. 

« L’important est de créer un climat de confiance et d’être en alerte face à un changement de comportement, des absences injustifiées, la présence d’un compagnon sur un parking ou à l’entrée de l’entreprise », explique Gwenaël Leroy qui rappelle que les violences conjugales peuvent se matérialiser par des violences physiques, psychologiques, administratives ou numériques.

Le bus Nina et Simon.e.s peut être mobilisé lors d’événements en entreprises. ©Aletheia Press/ DLP

« L’employeur, les salariés, sont des relais de proximité, vous pouvez mettre des affiches, des flyers à disposition ou organiser des actions de prévention », ajoute-t-elle. L’association Agena met par exemple le bus Nina et Simon.e.s à disposition lors d’événements. Un lieu où il est possible de s’informer et d’échanger en toute liberté.

Mettre en place des outils

Si des groupes comme EDF ont entamé une réflexion autour des violences conjugales dès 2015 et mis en place un service dédié qui a accompagné 256 salariés (femmes et hommes) depuis trois ans, les PME peuvent, elles aussi créer des outils facilement accessibles comme un coffre-fort numérique où un salarié peut déposer des documents administratifs ou ses fiches de paie. 

« À partir de la fin décembre, l’employeur sera dans l’obligation de verser le salaire d’un collaborateur sur un compte dont il est titulaire ou cotitulaire », rappelle Tamara Perrichet, chargée de projets au sein de l’association FETE. « Cela peut être un bon moyen pour les entreprises d’aborder le sujet », note Fanny Souchon, fondatrice de l’agence Clé de Fa et membre du Centre des jeunes dirigeants Hauts-de-France, avant que les participants partagent leur expérience.

« Les salariés ont accès à une écoute psychologique 24h/ 24, nous avons aussi une assistante sociale et chaque absence donne lieu à un entretien avec le manager. Mais nous avons encore besoin de les sensibiliser pour avoir le bon discours », confie Anthony Picot, DRH du centre de distribution Amazon de Boves, avant que Sabine Verhaegen, directrice d’Ozange alerte sur la nécessité d’anticiper la réception des confidences d’une salariée victime de violences conjugales. « Il y a beaucoup de sidération lorsque ça arrive, mieux vaut avoir préparé un process à suivre pour réagir vite et bien », conseille-t-elle.