Entretien avec Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers
«Si la demande repart, nous n'aurons pas assez d'offres»
En marge du 52ème congrès de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), qui s'est tenu le 27 juin à Marcq-en-Barœul, nous avons rencontré son président Pascal Boulanger, reconduit dans son mandat lors de ce rendez-vous annuel, pour un point d'étape sur la situation du secteur.
Quelle est la particularité de la promotion immobilière dans les Hauts-de-France ?
Il faut savoir qu'un promoteur aime avoir à la vente l'équivalent d'un an de volumes. Or comme la demande s'est effondrée, on est arrivés à 22 mois. Au niveau des Hauts-de-France, c'est bien pire : on est jusqu'à 39 mois. Parce que dans cette région, il y a une grande particularité. Habituellement, c'est 50/50 entre les propriétaires investisseurs et les propriétaires occupants.
Les Hauts-de-France sont quant à eux historiquement bien plus une terre d'investisseurs immobiliers. Et dans cette chute drastique de la demande, on voit que – si celle-ci a fortement baissé au niveau des propriétaires occupants (-35-40% en moyenne en France) –, chez les investisseurs la baisse est de 70%. Donc, quand vous êtes dans une région qui vit sur ce marché, cela est plus que problématique.
Par ailleurs, ici, les propriétaires occupants ont plutôt une culture de maison que d'appartement. Et d'appartements déjà construits, pas en vente sur plan. Cela favorise une volonté d'acheter dans l'ancien. La MEL est très estudiantine. Il y avait donc une grande demande locative. Les investisseurs privés plaçaient dans le logement neuf car il y avait des avantages fiscaux. Mais aujourd'hui, avec les prix et les taux qui ont augmenté, nous n'avons plus forcément les investisseurs de départ indispensables pour commencer nos travaux.
Dans le Pas-de-Calais côtier en revanche, le secteur est moins touché. Car ce sont souvent des personnes qui achètent des résidences secondaires avec des fonds propres, et qui ont donc moins besoin de contracter des prêts. En règle générale, l'immobilier de luxe n'est peu ou pas touché.
Quels sont les tenants et les aboutissants de la crise actuelle ?
Il y a en fait trois crises. Le premier problème, c'est que si la demande repart, nous n'aurons pas assez d'offres. Le gouvernement dit que le logement est trop cher en France. Sauf que nous, nous sommes sur un marché technique, avec des prix de revient. On doit acheter des terrains, payer des architectes, des entreprises. Nous n'avons pas de marge de manœuvre pour baisser nos prix. Si par exemple un immeuble est 10% trop cher à la vente, on se retire du marché, on ne fait pas l'opération car la banque ne suit pas. Pour nous, la question est : «Est-ce que je fais ou est-ce que je ne fais pas ?».
La deuxième crise, c'est celle de la demande, avec les taux d'intérêt élevés. On a beau proposer les logements les plus résilients au monde, on n'a personne pour les acheter. C'est la fameuse voiture de luxe que personne n'a les moyens de s'offrir. Aujourd'hui ce dont on a besoin, c'est d'oxygène. Celui-ci doit notamment arriver par une fiscalité avantageuse et par le desserrement des conditions d'octroi des prêts.
La troisième – et c'est peut-être la plus embêtante –, c'est que comme on a beaucoup réduit nos volumes, nous sommes passés d'une année classique à 165 000 logements à 80 000 cette année. Donc on réduit énormément nos embauches. Il y a même des PSE chez de grands promoteurs.
Le contexte politique peut-il aggraver cette crise ?
Avant l'annonce de la dissolution, on a senti une petite détente sur les taux d'intérêt, on était contents... Mais c'est plutôt depuis les municipales de 2020 que nous avons un vrai problème d'offre. Tous les maires, plutôt bâtisseurs auparavant, se sont vus remplacés par des maires non-bâtisseurs en disant : «si vous votez pour moi, je ne construirai plus». On l'a ressenti très violemment. En novembre 2022, les taux d'intérêt ont monté. On avait une offre faible, mais toujours trop élevée par rapport à une demande, qui n'existait plus. Aujourd'hui, c'est la double peine, la baisse de l'offre et la baisse de la demande. Donc c'est un métier qui est en train de s'arrêter.
Pourquoi avoir choisi «Urgence logement» comme thématique pour le 52ème congrès de la FPI ?
Il ne faut pas oublier que l'on fait un métier chouette. L'acte de construire est nécessaire, utile et noble. Vous avez vu les reportages avec des jeunes qui vivent dans les campings… On a choisi cette thématique car nous pouvons la travailler avec le ministère du Logement. Aujourd'hui les maires n'ont plus envie de construire. C'est trop compliqué. Mais si on disait, par exemple : la ville fait 100 logements par an, et à partir du 101ème logement, elle reçoit un reversement de la TVA, ce serait gagnant-gagnant.
L'autre proposition consiste à retravailler les prêts, notamment les prêts hybrides, qui permettent de mettre 80% en amortissement et 20% en remboursables in fine, à savoir à la fin du prêt ou quand vous vendez. Cela solvabiliserait 30% de la clientèle. Et le prêt portable, qui permet de repartir avec son emprunt ou de le transférer à son acquéreur. Ce sont deux mesures qui ne coûteraient rien à l’État.
Une mesure sur la demande que nous préconisons par ailleurs, c'est celle d’Édouard Balladur dans les années 1990, selon laquelle tout appartement neuf acheté est exonéré de droits de succession et de donation s'il devient la résidence principale.