Sans le Tunnel, pas de plage...
C’est une étude qui tombe à pic. À quelques mois de la sortie du document qui cadrera la sortie de l’Angleterre du marché européen, elle fait écho à un premier travail statistique (chiffres 2016) sur la valeur qui passe par le tunnel sous la Manche, entre la Grande-Bretagne et les 27 pays de l’Union européenne (UE).
Amarrée depuis 30 ans au Continent, la Grande-Bretagne devrait sortir de l’UE dans moins d’une année. En novembre prochain, le gouvernement britannique rendra sa copie et présentera à la Commission son plan de sortie. Exploitante du tunnel sous la Manche, la société franco-britannique, de droit européen, Getlink (ex-groupe Eurotunnel) s’est rappelé au bon souvenir de tous les acteurs de cette négociation en présentant à la Commission sa «nouvelle étude sur les flux commerciaux». Avec force détails. Ce document de 38 pages (Analysis of the Value of Trade Travelling Through the Channel Tunnel. June 2018) réalisé avec le cabinet Ernst & Young pointe sans surprise l’importance cruciale de l’équipement qui voit défiler 137,8 milliards d’euros de valeur dans les deux sens. L’analyse s’attache aux principaux partenaires de l’Angleterre : 21,8 milliards d’euros avec la Belgique, 12,9 milliards avec les Pays-Bas, 30,8 milliards avec l’Allemagne et 23 milliards avec la France. On remarque d’emblée l’équilibre entre la Grande-Bretagne et les pays continentaux : l’UE exporte pour 69 milliards d’euros tandis que la Grande-Bretagne nous envoie des marchandises et des services pour 68,8 milliards d’euros.
«Le tunnel sous la Manche est un trait d’union physique, vecteur de développement et créateur de valeur.»
Le rapport de force reste équilibré dans un contexte où la valeur des flux croît. Ceux-ci résident dans 1,6 million de camions et 1 797 trains de fret ; les 53 623 bus, 20,61 millions de passagers et 2,6 millions de véhicules de tourisme sont hors périmètre de l’étude et présentent donc un bonus substantiel quoique non chiffré. Autant de secteurs d’activités sur lesquels s’échinent les équipes de négociateurs avant la sortie. Jacques Gounon, président-directeur général de Getlink, a commenté l’étude ainsi : «Le tunnel sous la Manche est plus qu’un lien vital entre la Grande-Bretagne et l’Europe continentale. C’est un trait d’union physique, vecteur de développement et créateur de valeur. La dynamique actuelle doit rester une priorité pour l’Europe géographique, au service des populations.» Ce qu’il faut également lire en filigrane : tout impact négatif sur le flux dans le tunnel dessert tout le monde… Un avis partagé par le professeur Alan Winters, directeur de l’Observatoire des politiques commerciales du Royaume-Uni : «Cette étude constitue une base très solide pour comprendre la contribution du tunnel sous la Manche aux économies des deux côtés de la Manche.» Chez EY, on insiste sur une fin de négociation de toute façon paisible : «Le Brexit pourrait bien représenter un changement important dans les relations économiques et politiques entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, mais le tunnel sous la Manche conservera un rôle essentiel en tant que facilitateur des liens économiques et culturels entre les deux. Le maintien des flux de trafic actuels assurera la poursuite de la croissance à ce jour.»
Les Hauts-de-France au centre
La France, à travers les Hauts-de-France, tient une place particulière avec les retombées économiques conséquentes dans la région : plateformes logistiques, entreprises afférentes, fournisseurs de marchandises et de services…
«Le maintien des flux de trafic actuels assurera la poursuite de la croissance à ce jour.»
Le tunnel transporte en valeur 27% des exportations françaises vers le Royaume-Uni et 42% des importations françaises en provenance du Royaume-Uni. Dans le tourisme, ce sont 15,4% des visiteurs qui sont britanniques, soit 12 millions de personnes : la nationalité la plus représentée. Quand ils sont chez eux, ces touristes consomment pour 15% des exportations françaises de bière1. Pour les Allemands, l’enjeu réside dans les 4,3 milliards d’euros de pièces automobiles qui transitent entre les deux pays. Les chaînes de montage des usines des deux côtés sont «interconnectées» et pourraient faire peser une menace sur les 818 000 salariés du secteur en Allemagne. Dans la région, les bassins miniers (avec Renault à Douai et Faurecia à Auchel) et le Valenciennois (avec Toyota) regarderont de près cette étude.
1. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.