Salon VivaTech : la «tech» rattrapée, dépassée par les start-up ?

Le salon VivaTech a accueilli, cette année, plus de 2 000 start-up, plus souvent hébergées par de grandes marques que par des acteurs des nouvelles technologies. Le vent de l’innovation a-t-il tourné ?

Salon VivaTech : la «tech» rattrapée, dépassée par les start-up ?

Pour sa 7e édition, le salon VivaTech (Viva Technology, du 14 au 17 juin, à Paris) a additionné les records : 150 000 visiteurs (contre 91 000 en 2022) venus de 174 pays - dont la Corée du Sud, le pays invité, cette année. Pas moins de 2 500 exposants y étaient réunis, dont plus de 2 000 start-up invitées sur les stands de divers grands groupes : L’Oréal, LVMH, Publicis (dont son président, Maurice Levy, cofondateur du salon, qui a interviewé Elon Musk - fondateur de Tesla, Space X- sous un Dôme de Paris archi-complet). Citons encore le groupe La Poste, la RATP… La formule fonctionne toujours, mais désormais portée par les marques. Les territoires y étaient également bien représentés, dont l’Occitanie notamment, et des pays (Sénégal, Maroc, Tunisie - avec des associations partenaires de la French Tech). Emmanuel Macron, «fan» déclaré de ce salon, y a annoncé un plan de 6 Mds€ en faveur du financement des start-up «à impact environnemental positif» et 500 millions d’euros pour l’intelligence artificielle (IA). Cette dernière était l’une des thématiques clés, tout comme la «Climate Tech», l'inclusion dans la Tech et le «Future of Sport». Le prix «Female Founder Challenge», soutenu par Axa, Mazars et Société Générale, a récompensé Zuzanna Stamirowska, fondatrice de la start-up française Pathway (plateforme de développement en langage de programmation Python) ; elle vient de lever 4,5 millions de dollars. L’association Girls in Tech Germany, qui promeut les femmes dans le secteur numérique, a fait venir de Berlin, une star des «geeks», Barbara Vargas Zarate, experte en data-analyse.

Les absents de la «tech»

À l’inverse des premières éditions et à l’exception de Dell, IBM, Microsoft (comme sponsor) ou encore du chinois Huawei (montré du doigt par l’UE…), les grands acteurs de l’informatique étaient peu présents : Apple, HP, Oracle, Samsung, SAP n’étaient pas visibles, comme occultés ou évincés par les géants du Cloud très repérables - Amazon, Google, Meta (Facebook), Salesforce… Comme si ces derniers s’accaparaient le concept d’innovation. On a également noté que ce salon - où il faut utiliser son smartphone pour payer en ligne un bretzel à 3 euros… - ne fait plus la part belle aux robots humanoïdes, qui jadis, arpentaient les allées. Ne subsistent guère que les automates industriels, comme celui de la Poste qui trie les colis ou encore le mastodonte d’Alibaba destiné à la manutention dans les entrepôts. Les drones, à quelques exceptions près, étaient, eux aussi, en retrait.

Joyeux brassage…

De tout cet amalgame, il reste un sentiment de joyeux brassage, toutes générations comprises : beaucoup d’étudiants en master ou doctorants, des entrepreneurs de start-up de tous bords, des managers de grands groupes, des institutionnels. La clé du succès est là, sans doute. Tout ceci ressemble à une gigantesque bourse à l’emploi. Durant quatre jours, on boude le virtuel pour s’épancher dans le présentiel. Subsiste une question : l’informatique et les nouvelles technologies sont-elles dépassées par l’élan d’innovation des start-up, qui se feraient aspirées directement par les marques ? «Plus ça va, plus le rayonnement des start-up grandit», constate la responsable du programme Start-up de la RATP (elle-même un ex-start-upeuse). «Cela dépasse les pros de la «tech». Ce salon est devenu le salon de l’innovation globale, au-delà des nouvelles technologies, pour inventer des services destinés au mieux-vivre ensemble. C’est l’innovation en interne, désormais portée par les collaborateurs et les métiers. C’est la perception des visiteurs, ici.» Le Baromètre 2023 de la relation start-up/grands groupes, réalisé depuis 2017 par Le Village by CA Paris avec le cabinet Deloitte, constate : «En adoptant des stratégies bien définies et en cultivant une compréhension commune des objectifs, [il est possible de] construire un écosystème d'innovation où l'agilité des start-up se marie avec la puissance des grands groupes. (…) Les start-up expriment une préoccupation constante concernant la lenteur des processus de décision et des délais de paiement de la part des grands groupes. (…). Par contre, les grands groupes accordent davantage d'importance à la capacité des start-up à se développer rapidement et à monter en échelle, pour accéder à de nouvelles opportunités.» Bref, il doit être possible de mieux coopérer !

Pierre MANGIN