Roubaix : L’Atelier Agile s’engage à produire en sept jours et à la demande
C’est le challenge de l'Atelier Agile, cette jeune entreprise textile roubaisienne portée par de grands donneurs d’ordres comme Blancheporte, Lemahieu ou ÏDGroup. Son directeur général, Guillaume Aelion, nous révèle les secrets de ce modèle innovant.
Le 4 mai dernier, le site de l’ancienne filature Roussel était en ébullition. Quatre machines industrielles textiles de plusieurs tonnes (coupe numérique, impression numérique, post-traitement) étaient réceptionnées, afin de lancer, à partir de l’été 2022, la production à la demande de l’Atelier Agile. Une installation spectaculaire au regard de la taille des machines, mais hautement surveillée par le directeur général, ingénieur de formation.
Triptyque gagnant
Cette entreprise de l’ESS (économie sociale et solidaire) a été créée durant l’été 2021 avec son bureau d’études, son atelier de confection, son service de picking (préparation de commande, contrôle qualité …) et son centre de formation. Le site fonctionne déjà depuis janvier 2022 de façon traditionnelle en répondant à des commandes classiques de production textile ou d’up-cycling (transformation d’invendus -nappes, linge de toilette, jetés de fauteuil… - en nouveaux produits comme des tabliers, trousses de toilette, gants de démaquillage…). Demain, il s’agira de se spécialiser dans la production à la demande, en s’appuyant sur le triptyque «numérique, écoconception et emploi local».
Système en flux tendu
«Pour une commande de 1000 robes, au lieu de les produire d’un coup et d’attendre la commande suivante, nous concevrons, couperons et imprimerons 100 robes en sept jours, que nous renouvellerons dès qu’elles seront vendues. Ce système en flux tendu permet aux marques de mode et linge de maison d’avoir moins de stocks, de réduire les invendus et de permettre des surventes en cas de succès d’un produit», explique Guillaume Aelion, ancien DG de Résilience (fabrication de masques durant le confinement). Cette prouesse technique s’appuie sur le numérique avec une conception 3D, transmise directement aux machines de production. Et au lieu d’acheter la matière première modèle par modèle, l’Atelier n’acquiert que du tissu écru - en maille, en chaîne et trame, etc. - afin de mutualiser les achats. Chaque produit sera ensuite conçu à partir de ce catalogue de matières et personnalisé grâce aux couleurs et motifs.
Croissance maîtrisée
Objectif de la structure, installée sur 800 m² : 2,5 M€ de chiffre d’affaires et 250 000 m² de tissus confectionnés par an, grâce à son équipe de 25 salariés. Elle pourra être amenée à externaliser une partie de la confection, mais elle centralisera le picking. Le site n’a pas vocation à faire plus. «Ce nouveau modèle doit rester agile afin d’être réactif. Cela suppose une entreprise à taille humaine, en ville, qui travaille localement avec ses clients. Si les besoins deviennent plus importants, il s’agira alors de créer une autre structure», précise le directeur général qui envisage déjà des pistes sérieuses sur Paris et Lyon.
Enjeu de compétitivité
Pour les marques, l’intérêt de solliciter l’Atelier Agile est aussi de réduire les coûts de transport, l’impact carbone et de participer à la relocalisation industrielle textile française. Tout l’enjeu sera ensuite de rendre les produits aussi compétitifs et attractifs que ceux venant d’Asie. «Cela passera par une stratégie marketing pour valoriser des produits Made in Roubaix. Mais cela ne pourra jamais remplacer 100% de la production asiatique des clients ; c’est un modèle hybride que nous proposons»,souligne Guillaume Aelion, convaincu que le secteur textile doit se réinventer. A chaque collection, un tiers des produits reste invendu : une aberration sociétale selon lui.
Incarnation de la "Manufacture de proximité"
L’investissement de 600 000€ dans les quatre nouvelles machines a été possible grâce au soutien financier des actionnaires : les Tissages de Charlieu, Lemahieu, ÏDGroup, Blancheporte et Fashion Green Hub. Cette dernière est une association de 350 entreprises mode et textile, qui porte la première "Manufacture de proximité" des Hauts-de-France, intitulée le Plateau Fertile, spécialisée dans la mode circulaire et labellisée par l’Etat en décembre 2021. L’Atelier Agile, installé au coeur du Plateau Fertile, devient ainsi l’incarnation concrète de la volonté de développer des tiers-lieux de production au coeur des territoires.