Patrimoine

Rendez-vous avec l’histoire au château d’Avesnes-Chaussoy

Tous les après-midis de l’été, il est possible de visiter les extérieurs du château d’Avesnes-Chaussoy. En 2007, dans le bois situé derrière, la famille de Calonne a mis en valeur l’ancien site allemand de lancement de V1, un témoignage pour les générations actuelles et futures.

Le château a été agrandi à deux reprises.
Le château a été agrandi à deux reprises.

Inscrit au titre des Monuments historiques, le château de briques et de pierres d’Avesnes-Chaussoy, près d’Airaines, a traversé les décennies presque sans encombres et ce malgré la Révolution française et les deux conflits mondiaux. Au Moyen Âge, un château fort s’élevait sur une butte de terre située au nord est à environ 500 mètres. À la fin du XVe siècle, Jehan de Calonne l’abandonne. Il entreprend au XVIsiècle la construction de l’actuel château de style Renaissance.

En témoigne encore la tour d’escalier à six pans, en briques cuites au feu de bois, coiffée d’une toiture en poivrière, et qui servait pour observer. Au XVIIsiècle, un corps de logis est ajouté puis agrandi au XVIIIsiècle. Le cadran solaire est une des particularités de même que les pierres décoratives entourant les fenêtres. Elles sont posées en alternant une pierre longue, suivie d’une pierre courte et ainsi de suite, une technique baptisée chaînage en harpe. Sous l’enduit posé au XIXe, et qui a été retiré par endroits, des pierres décoratives en losange apparaissent. Au XVIIIsiècle, une petite aile est ajoutée, sur un soubassement de silex, lits de pierres et de briques alternent, l’aile est elle couverte d’un toit à la Mansart.

L’emblématique colombier, symbole des droits des seigneurs.

« À l’origine, le château donnait sur la cour principale, explique Roland de Calonne, actuel propriétaire, qui représente la quatorzième génération. En 1836, un de mes aïeuls a fait démolir les bâtiments situés au sud et à l’ouest afin d’agrandir la cour et d’améliorer la perspective sur la vallée et l’horizon. »

Dédiée à l’élevage, la propriété garde la trace de l’écurie, de la bergerie et surtout du colombier octogonal : « Il a été construit avant la Révolution française lorsque le droit du colombier s’exerçait, poursuit-il. Ce droit a été aboli le 4 août 1789. On trouve à l’intérieur 620 boulins ou niches pour les pigeons. Un boulin représentait une demi-hectare, ce qui signifie que les terres s’étendaient sur 310 hectares. »

L'histoire en toile de fond

En 1793, Jean-Ferdinand de Calonne et son épouse, très estimés, ne sont pas emprisonnés à Amiens mais assignés à résidence. Durant la Première Guerre mondiale, le château est mis à la disposition des soldats Américains, Canadiens, Français… pour des soins et du repos avant un retour au front. Un soldat anglais a été enterré dans le jardin. La Seconde Guerre mondiale n’épargne pas le château occupé par les Allemands en 1944. D’autant qu’ils ont jeté leur dévolu pour des raisons de discrétion et d’invisibilité sur le bois situé derrière pour y faire construire par des prisonniers une base de lancement de missiles V1 en direction de Londres. Une quarantaine de soldats allemands y seront affectés.

Des blockhaus se trouvent sur l’ancienne base de lancement des V1.

Le 13 juin 1944 à 3 h 50, les ancêtres de Roland de Calonne, qui ont découvert le projet, contactent la Résistance. Le 3 août 1944, les alliés lâchent 274 bombes sur les lieux avant de revenir cinq jours plus tard pilonner le site avec 244 bombes. « Ce site a été mis de côté par mes grands-parents et mes parents, confie Roland de Calonne. Ils avaient vécu la guerre, vus les toitures et les fenêtres du château très abimés par les déflagrations suite aux lancements des V1… Les Allemands avaient même découpé le toit de la tour pour surveiller les environs. Ils ne voulaient pas en parler. Pour ma part, j’ai estimé qu’il fallait le faire sortir de l’oubli pour transmettre ce passé aux générations actuelles et futures, le rénover en mémoire des nombreux tués et blessés de ces bombes volantes tirées de France. En 2007, avec mes enfants, nous avons entrepris de mettre en valeur la base. Une de mes plus grandes satisfactions c’est de voir les enfants des centres aérés venir la visiter et poser de nombreuses questions. »

La réplique d’un V1 est à découvrir dans le bois.

La base de lancement de V1, qui aurait été opérationnelle en juin, juillet et août 1944, est visitable toute l’année grâce à un accès isolé. Elle est composée de différents blockhaus qui avaient tous leur utilité : il y avait par exemple la plate-forme de montage, l’atelier générateur à vapeur, le groupe électrogène, le stockage du réactif T. La rampe de lancement à elle été démontée. Une quinzaine de panneaux très pédagogiques sont également à découvrir sur place.

La famille de Calonne a également fait installer une réplique d’un V1, fabriqué en Angleterre, comme prêt à attaquer Londres, qui se situe à 220 kilomètres et était atteinte en 22 minutes : « Il y avait énormément de ratés, rapporte Roland de Calonne. On les estime à 60%. Parfois, ils basculaient du pas de tir, tombaient à la mer ou pire dans des villages. Là, des enfants amusés montaient dessus. Malheureusement, les V1 équipés de détonateurs ne leur laissaient aucune chance. »

Les extérieurs du château sont ouverts jusqu’au 23 août, de 13 heures à 19 heures.