Economie

Rencontres régionales de l'économie : bilan 2020 et perspectives 2021 dans les Hauts-de-France

Le 16 février dernier se déroulaient, en distanciel, les Rencontres régionales de l’économie 2021. Autour de la "table" : la CCI, la Chambre d’agriculture, la CMA Hauts-de-France et la Banque de France, tous réunis pour dresser un panorama de la situation économique des Hauts-de-France en 2020 et établir les perspectives pour cette année.

Les acteurs économiques et institutionnels réunis pour décrypter l'économie régionale.
Les acteurs économiques et institutionnels réunis pour décrypter l'économie régionale.

Au premier et second trimestre 2020, la production industrielle mondiale a connu, crise sanitaire oblige, une forte baisse. Même si les pays n’ont pas tous adopté la même stratégie pour résister, « il y a eu un gros plongeon synchronisé au printemps dernier », commente Kathie Werquin-Wattebled, directrice régionale Hauts-de-France de la Banque de France.

Panorama national et régional de l’économie

Le commerce mondial a sans surprise connu un coup d’arrêt brutal en 2020, au premier semestre, avec une baisse de 5%, et une reprise assez rapide au 2nd semestre, grâce au redémarrage de l’ensemble des pays manufacturiers, notamment la Chine. « On s’attend à un fort rebond, déjà en cours, pour 2021, à hauteur de 6 ou 7% », reprend Kathie Werquin-Wattebled.

La zone euro n’a pas réagi de façon homogène à la crise : si le PIB de l’Espagne affiche en 2020 une baisse de 11%, l’Allemagne et la Finlande – moins tournés vers le tourisme et plus manufacturiers – ont mieux résisté, avec une baisse de respectivement 5% et de 4% de leur PIB.

Globalement, l’Europe affiche une baisse de son PIB de 7%, avec -8,3% pour la France. « Notre pays a été pénalisé par un profil sectoriel qui a vraiment accumulé les peines : une forte perte sur les recettes liées au tourisme et un secteur aéronautique fortement impacté. Ce qui explique que la France est plutôt moins bien placée que la moyenne européenne », analyse la directrice régionale de la Banque de France. Les confinements et l’arrêt de l’activité du BTP ayant aussi contribué à ce PIB "moyen".

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Dans la région, le chiffre d'affaires de l'industrie a chuté de 9,2%. (c)AdobeStock


Le PIB devrait afficher cette année une hausse de 5% (idem pour 2022 et +2% en 2023), ce qui permettrait à la France de retrouver son niveau d’activité de février 2020, d’ici mi-2022. Sur le plan de la trésorerie, les entreprises françaises sont plutôt en bonne santé : plus de 130 milliards d’euros ont été distribués via les PGE. La forte épargne des ménages, comprise entre 100 et 120 milliards d’euros en 2020, devrait contribuer à booster la reprise économique, une fois les contraintes sanitaires levées.

Dans les Hauts-de-France, le chiffre d’affaires de l’industrie a fortement chuté, -9,2% et -12,1% pour celui lié à l’export. La plus forte baisse concerne le secteur de la métallurgie et des produits métalliques (-16,4%), suivis des matériels de transport (-13,2%) et des équipements électriques et électroniques (-12,4%). Les artisans ont accusé eux une baisse de leur chiffre d’affaires de 60% au 2nd semestre 2020.

« Ce qui est intéressant, c’est l’amortisseur mis en place par le Gouvernement concernant la préservation des compétences en entreprise, la baisse des effectifs dans l’industrie est de ce fait assez faible et surtout tirée par la baisse assez faible aussi du recours à l’intérim », estime Kathie Werquin-Wattebled, qui s’attend à des bilans 2020 dégradés.

                               

Décryptage secteur par secteur

Bonne surprise de ce bilan économique : la résistance de l’investissement industriel, avec une baisse de 13% au niveau national et de seulement 1,6% dans les Hauts-de-France. Un « beau rebond » de l’activité industrielle, à plus de 7%, est attendu pour 2021, huit branches sur neuf annonçant une hausse de leur chiffre d’affaires pour cette année.

Les services aux entreprises affichent eux en 2020 une baisse de 6% de leur chiffre d’affaires et ont réussi à maintenir une légère progression de leurs effectifs. Avec des prévisions de rebond assez marqué, et un chiffre d’affaires qui s’établit à 5,5%.

Le BTP affiche lui un recul de l’activité historique, à 12,3%, mais qui se tient « plutôt bien » en fin de période. Plus de 50% des artisans ont ainsi réussi à stabiliser – voire augmenter – leur chiffre d’affaires au 2nd semestre 2020. Le secteur s’attend lui aussi à un rebond en 2021, le gros œuvre, qui avait le plus plongé en 2020, annonçant les perspectives les plus toniques.

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Un recul historique de l'activité pour le BTP en 2020. (c)AdobeStock


Près de 60% des entreprises manquent de visibilité

Grégory Stanislawski, directeur CCI études à la CCI Hauts-de-France est revenu sur trois points clés : le frein au développement des entreprises, leur financement et le développement du digital. « Sans grande surprise, 59% des entreprises manquent de visibilité, constate-t-il. Il est difficile aujourd’hui pour elles de faire des prévisions sur le court et moyen terme, elles naviguent à vue. Les dirigeants ont du mal à faire des projets et à se lancer dans les investissements. »

Autre frein majeur : l’organisation du travail et des équipes, pour 25% des entreprises, et le manque de vigueur de l’activité pour 21%. 26% des dirigeants anticipent pour 2021 des difficultés de financement, la trésorerie pour 91% d’entre eux constituant le principal obstacle – 77% des entreprises ont d’ailleurs utilisé le PGE pour pallier des besoins en trésorerie. Dans l’artisanat, 74% des entreprises ont moins de trois mois d’exploitation couverts par leur trésorerie et 58% déclarent des difficultés de financement depuis le début de la crise.

Une crise qui a accéléré la transition vers certains usages numériques : « Le numérique est-il la solution miracle ? interroge Grégory Stanislawski. La digitalisation a été très rapide et très souvent subie par les entreprises qui ont dû faire au mieux pour s’adapter. Elles ont conscience de sa nécessité mais la considèrent encore souvent comme une contrainte. »

Le président de la CCI Hauts-de-France Philippe Hourdain a tenu à saluer la résilience des chefs d’entreprises et de leurs collaborateurs toujours dans l’énergie. « Cette crise très violente est survenue à un moment où l’économie avait de bons fondamentaux et même dans les secteurs les plus touchés, on sent cette volonté de s’en sortir. »


Une année 2020 ponctuée d’aléas pour les agriculteurs

Après ce point général, Pascale Nempont, chef de service "Stratégie et prospective" à la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France s’est elle concentrée sur l’activité agricole régionale : « 2020 a évidemment été une année ponctuée d’aléas, économiques mais aussi climatiques et sanitaires. Un agriculteur sur deux juge tout de même la situation satisfaisante bien qu’en repli, mais 52% estiment qu’elle s’est dégradée comparé à 2019. »

Une dégradation en partie liée au confinement, aux changements d’habitudes alimentaires induits et aux ventes des autres productions mises à l’arrêt. Les produits frais ont mieux tiré leur épingle du jeu que les transformés, qui ont plus souffert de la fermeture des lieux de restauration.

« La production a moins été impactée pendant le confinement, le travail dans les champs ayant continué. Les forts aléas climatiques d’octobre 2019 à mars 2020 ont perturbé les semis des céréales, notamment sur la frange littorale, ce qui a impacté les rendements. La forte sécheresse printanière qui a suivi n’a pas non plus aidé », poursuit Pascale Nempont.

Les moissons ont enregistré en 2020 un repli de 15% par rapport à 2019, avec en parallèle une diminution de 7% de la surface en céréales avec comme conséquence une baisse du rendement (-7 quintaux/ hectares). La production d’herbe des éleveurs a de son côté chuté, ce qui a entraîné des coûts supplémentaires sur la production de viande et les filières n’ont pas toutes réagi de la même façon.

« Pour autant, l’année reste positive pour les producteurs de céréales grâce aux cours qui se sont plutôt bien tenus. La récolte a également été compensée par une très bonne qualité, qui a permis au blé français de se positionner sur les marchés internationaux, d’autant que la demande mondiale est restée dynamique, notamment en Chine, en Algérie et en Égypte », précise Pascale Nempont.

Une année positive donc pour certaines filières - céréales, maraîchage, filière ovine -, la situation est en revanche plus compliquée pour celles de la pomme de terre, des betteraves (avec notamment la baisse des cours du sucre amplifiée par les confinements et la fermeture de quatre sucreries en France, dont celle d’Eppeville dans la Somme) et de la viande porcine.

Pour cette année, les incertitudes économiques sont plus marquées, les agriculteurs ayant des exploitations plus diversifiées étant logiquement moins inquiets que ceux ayant souffert en 2020. Avec comme principale préoccupation pour tous (à 74%) la conjoncture économique, suivie à 60% des aléas climatiques. Malgré ces craintes, 44% des agriculteurs maintiennent pour 2021des projets développement, qui portent pour 59% d’entre eux sur des investissements en bâtiment ou matériel et pour 33% sur de la diversification – circuits courts, accueil, bioéconomie et énergie.

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La situation est tendue pour la filière betterave. (c)AdobeStock

Des disparités dans l’artisanat

S’il a été impacté par la crise, le secteur du commerce de détail « a clairement limité la casse », note Lionel Ditte, responsable du service Évaluation et prospective à la CM Hauts-de-France. Le secteur de l’hôtellerie-restauration est en revanche celui qui a de loin le plus souffert, avec un chiffre d’affaires qui a chuté de 58% et dont tous les indicateurs sont dans le rouge (-48% pour la trésorerie et -54% pour la fréquentation pour ne citer que ces deux-là). « Les chefs d’entreprises pour ces deux secteurs anticipent un recul de leur chiffre d’affaires pour 2021, trois-quarts n’envisagent pas non plus d’investissements », reprend Lionel Ditte.

À l’inverse, les métiers de bouche sont ceux qui ont le mieux résisté, avec des indicateurs de CA, d’effectifs et de trésorerie plutôt positifs. La boulangerie a elle aussi pâti de la crise (baisse du chiffre d’affaires et de l’effectif), de même que les fleuristes et les soins à la personne.

« Les trésoreries et chiffres d’affaires sont clairement très en difficulté, ajoute Lionel Ditte. Pour 2021, en parallèle de l’incertitude généralisée sur l’artisanat, nous avons identifié plusieurs points de vigilance : manque de visibilité sur le chiffre d’affaires pour tous les métiers, des trésoreries à scruter de près, notamment pour les soins à la personne, les fleuristes et la réparation auto/ moto. L’emploi sera un enjeu important, en termes de maintien de production de nos entreprises artisanales. »

L’année 2020 a été qualifiée par Laurent Rigaud, président de la CMA Hauts-de-France, « assez exceptionnelle et difficile moralement et financièrement pour les artisans ».

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La trésorerie des fleuristes a été mise à mal avec la crise. (c)AdobeStock


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La Chambre d’agriculture régionale a mené une enquête portant sur les modes et habitudes de consommation des ménages, impactés comme chacun sait par la crise sanitaire. 

Le premier confinement a amené 64% des habitants des Hauts-de-France a modifié leurs habitudes d’achats alimentaires et 40% d’entre eux déclarent effecteur plus d’achats à la ferme (source : CCI Hauts-de-France).

Les achats de légumes frais ont ainsi augmenté de 35% pendant le confinement, les produits made in France ont eux été privilégiés par 92% des habitants. Des modifications qui ont également porté sur les circuits d’achats, avec une hausse de la fréquentation des magasins spécialisés.

Des tendances qui, c’est à souhaiter, pourraient s’inscrire dans le temps : selon un récent sondage Ifop, acheter local ferait partie des bonnes résolutions de l’après-crise, sept Français sur dix estimant qu’il faut changer nos modes de consommation.