Quels défis pour l'entreprise d'après Covid-19 ?

Face à la paralysie complète du pays et à la reprise d'activité depuis quelques jours, les chefs d'entreprise peinent à masquer leurs inquiétudes. Face aux difficultés de trésorerie, aux éventuels licenciements, mais aussi à un monde économique en reconstruction, plus de la moitié d'entre eux ont vu leur chiffre d'affaires baisser mais espèrent un retour à la normale dans six mois.

© Kawee
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Il s’agit du troisième baromètre que la CCI Hauts-de-France a réalisé durant cette période : le premier mi-mars à l’annonce du confinement, le deuxième fin mars et ce dernier, du 5 au 12 mai. L’occasion de livrer quelques premiers chiffres sur le déconfinement et les besoins des entreprises. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ont toutes été impactées (96% des répondants). En moyenne, le chiffre d’affaires a reculé de 51% dans les entreprises : une situation qui s’est aggravée par rapport à l’enquête précédente (44%). «Nous n’avions jamais observé une baisse si importante de chiffre d’affaires», s’inquiète Grégory Stanislawski, directeur des études à la CCI Hauts-de-France. Ces baisses sont d’autant plus importantes dans le secteur HCR (hôtellerie, cafés, restaurants : -64%), le commerce de détail (-52%), les services aux particuliers (-59%), le transport/logistique (-53%) et la construction (-45%).

Les chefs d’entreprise doivent se préparer aux nouvelles attentes des salariés

Aucun territoire de la région n’a été épargné et 63% des établissements régionaux ont fermé leurs portes durant la période de confinement. «Une partie du secteur de la restauration a pu rebondir grâce aux ventes en ligne ou aux drives, mais il accusait déjà des pertes depuis le début de l’année 2020…» précise Grégory Stanislawski. Quant à la construction, c’est le secteur qui semble pâtir le plus de la crise, avec une perte de chiffre d’affaires de 12% uniquement sur le mois d’avril – et un arrêt d’activité à hauteur de 90% durant le confinement –, impacté dans un second temps par les réouvertures rendues plus compliquées avec l’application des mesures sanitaires. Si on observe aucune défaillance en avril grâce aux aides gouvernementales, les mois prochains seront révélateurs… D’ailleurs, 32% des entreprises du secteur des HCR (et une entreprise sur cinq, tous secteurs confondus, ndlr) envisageraient de licencier à la reprise, alors même que la restauration n’a pas encore repris. «Moins on a de trésorerie, plus la période est difficile. Heureusement qu’il y a eu de nombreuses aides de la part de l’Etat, mais le tissu économique local et de proximité a été très touché.»

Le commerce, en inéluctable réflexion sur les nouveaux modes de consommation. © nastya_gepp

Un recours massif au chômage partiel

54% des entreprises ont eu recours au chômage partiel, qu’il s’agisse du BTP (80%), des hôtels-restaurants (69%) et de l’industrie (67%), impulsées par les différentes mesures mises en place par le Gouvernement. Un quart a eu recours au télétravail, principalement dans les services aux entreprises, l’industrie et le commerce interentreprises. «Le chômage partiel atténue les conséquences en termes de licenciement», tempère le directeur des études. Il faudra d’ailleurs en moyenne six mois aux entreprises pour retrouver leur niveau d’activité d’avant-crise, voire entre six et douze mois pour le transport-logistique et les services aux entreprises. Heureusement, l’activité reprend : 41% des dirigeants vont reprendre leur activité d’ici la fin du mois de mai, 35% de façon partielle ; 13% ne sont pas encore autorisés à ouvrir ; 10% sont indécis et seulement 1% envisage de l’arrêter.

Vers une nouvelle organisation du travail ?

Malgré des chiffres encore alarmants concernant la baisse du chiffre d’affaires ou le manque de trésorerie, certains enseignements positifs ressortent de cette crise et c’est là que les chefs d’entreprise peuvent y puiser de la ressource. En effet, 20% des entreprises ont mis en place des outils numériques afin de poursuivre leurs ventes durant le confinement (services aux particuliers, services aux entreprises, commerce de gros et de détail…). «Avec la crise, de nombreuses entreprises qui n’étaient pas du tout présentes sur le digital s’y sont mises, et c’est clairement un impact positif. Il y aura un effet d’entraînement pour d’autres entreprises. L’enjeu est de taille : quel sera le comportement des consommateurs ? Vont-ils continuer à consommer comme ils le faisaient durant le confinement, de manière locale ? C’est stratégique pour les entreprises et le commerce, ils ont tout intérêt à trouver d’autres canaux de vente.» D’autant plus que 51% des répondants déclarent vouloir maintenir la livraison à domicile, 64% le retrait de marchandises ou encore 71% la communication digitale.

Parmi les autres enseignements de cette crise, réside une nouvelle relation qu’ont développée les salariés avec le travail. Pour la majorité d’entre eux, le recours au télétravail a été une grande première et s’est parfaitement ancré dans les habitudes de vie ; 47% des entreprises envisageraient d’ailleurs de maintenir tout ou partie de leurs salariés en télétravail durant la période de déconfinement. «En tant que CCI, notre rôle est d’alerter et de prévenir les chefs d’entreprise sur les nouvelles attentes des salariés. Ils doivent s’y préparer. On sent que les dirigeants sont préoccupés par le bien-être des salariés, dont certains qui sont inquiets pour la suite», explique Grégory Stanislawski. Ce changement sociétal dans le monde du travail et dans son organisation marque un vrai changement dans la vie des entreprises.


Trois questions à Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France

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Dans quel état d’esprit se trouvent les dirigeants d’entreprise ?

Ils sont inquiets et ont toutes les raisons de l’être ! Mais seul 1% envisage d’arrêter leur activité ! J’admire leur combativité et leur résilience. Je ressens l’envie de se battre ainsi qu’une solidarité extraordinaire que je n’avais jamais vue. Bien évidemment, il y a de quoi s’inquiéter. Que va devenir ce virus ? Y aura-t-il un rebond ? C’est clairement une catastrophe, mais j’ai la sensation d’une bagarre générale derrière l’entreprise, avec une entente entre entrepreneurs et salariés qui est très forte.

On a pu observer le recours massif au télétravail, probablement amené à s’installer durablement dans les entreprises. Est-ce une étape cruciale dans le combat contre la thrombose routière que vous menez depuis des années ?

La CCI Hauts-de-France préconisait déjà le télétravail depuis des années, avec peu de succès puisqu’on observait seulement une amélioration de 1 à 1,5% par an. Mais quand cela se met en place rapidement comme cela a été le cas, cela nécessite une étude approfondie : les restaurateurs auront-ils le temps de s’adapter ? Quid du marché des bureaux à Lille, un des plus dynamiques de France ? Que va-t-il devenir ? Sur la thrombose routière, j’ai longtemps préconisé des investissements, il va désormais falloir être efficients en matière de transports, en repensant de nouveaux modèles.

Qu’en est-il des consommateurs, véritables décisionnaires dans la reprise économique ?

Les commerçants se sont mis à Internet lors de cette période de crise et sur ce point, nous avons gagné plusieurs années ! Si la consommation est au rendez-vous, ils devront se remettre en question, sans savoir vers qui ou vers quoi se tournera le consommateur. Il est clair que cette crise démultiplie les problématiques, mais il y a des raisons de se dire qu’il faut se transformer. Alors qu’en 2008, on avait pu observer un certain état d’esprit négatif, aujourd’hui prime la capacité de se battre. Clairement, il faut se positionner sur 2021, après une année 2020 d’hyper crise, où il y aura un creux dans l’investissement. Il y aura un avant et un après. Je ne dis pas que cela sera facile, mais il y a une vraie volonté de tous.