Chimie verte
Quel avenir pour Metex ?
Le groupe Metex, leader de la fermentation industrielle pour la fabrication d’ingrédients d’origine naturelle destinés aux marchés de la nutrition animale, de la cosmétique et des biopolymères, a annoncé le 13 mars dernier l’ouverture d’une procédure de sauvegarde auprès du Tribunal de commerce concomitamment à la demande d’ouverture de procédures de redressement judiciaire pour sa filiale opérationnelle Metex Noovistago située à Amiens à cause des inflations et des différentes crises. Ce lundi 8 avril, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Énergie, se rendra sur le site.
Metex, Metabolic Explorer, pionnier dans le secteur de la chimie verte dans les secteurs de la nutrition animale et pharmaceutique, est producteur de lysine (ingrédient naturel décarboné). C’est aussi le seul producteur en Europe. Le groupe affronte depuis plusieurs mois un environnement économique hostile en raison de causes exogènes bien identifiées : la hausse des prix des matières premières et surtout le dumping pratiqué par ses concurrents chinois. « Face à cette situation complexe, nous attendons un réel soutien de la part de l’État pour que le prix du sucre soit protégé et fixé à un prix juste face à la concurrence chinoise. La survie de Metex et le maintien des emplois sur ces différents sites en France en dépendent. Concrètement, il y a plusieurs enjeux. Il en va de la souveraineté alimentaire et de la réindustrialisation de la France. En effet, les poulets consomment dans leur alimentation de la lysine saine et au final le consommateur sait ce que mange le poulet. Face à la concurrence chinoise, il n'y a plus de mécanisme de protection de prix. L’État doit conserver cette industrie en France et faire face à la concurrence chinoise. L’industrie pharmaceutique en Europe est également dépendante du savoir-faire de Metex. Pour la pharmacie, cet ingrédient rentre dans la composition de l’Aspégic et des poches de transfusion. 1 500 tonnes de lysine à destination de l’industrie pharmaceutique sont produites par l'entreprise. Il faudrait deux ans à l’industrie pharmaceutique pour avoir un autre fournisseur le temps d’avoir l’autorisation de mise sur le marché », alerte Rudolph Hidalgo, nommé en novembre 2023 Directeur général adjoint, dont la mission est d’accompagner l’exécution du plan de transformation du Groupe initié en 2021, en identifiant de nouvelles opportunités de croissance et tout en renforçant l’efficacité opérationnelle.
Des emplois en péril
Les salariés font face à
une conjoncture difficile marquée par l’augmentation du prix de
l’énergie, une inflation sans précédent et une hausse
significative des prix des matières premières, et en particulier du
sucre. Pour la deuxième fois en un an, l’entreprise a dû
instaurer le chômage partiel sur son site d’Amiens, avant d’être
placée en redressement judiciaire le 20 mars dernier. « Metabolic
Explorer est un modèle pour renforcer la souveraineté alimentaire
via une production décarbonée et innovante, enjeu au cœur du plan
France 2030 porté par le gouvernement. Notre équipe reste
déterminée à réaliser une transformation positive pour notre
économie en France et en Europe », assure-t-il. Le groupe
emploie plus de 300 salariés à Amiens et est implanté sur
plusieurs sites en France notamment dans des régions sinistrées
donc si la société ferme ses portes, ces employés seront
licenciés.... et les clients de Metex et l’ensemble de la filière
sucrière risquent d’être touchés.
Le groupe a donc annoncé, ces derniers mois, la mise en place d’un plan de transformation stratégique. En mars, c'est l'ouverture d’une procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire pour ses filiales qui est intervenue. « L’accompagnement des équipes Metex Noovistago Amiens constitue à cette heure la priorité de l’action municipale et métropolitaine en matière de soutien à l’économie et la préservation de l’emploi. Plus que jamais, les collectivités locales unissent leurs efforts et leur ingénierie afin d’identifier, au côté de l’État, les mesures visant à permettre de consolider les activités productives du Groupe METEX et, bien évidemment, du site amiénois situé sur l’Espace Industriel Nord. Dans le cadre d’un dialogue nourri avec les représentants de l’entreprise, diverses initiatives sont d’ores et déjà engagées pour identifier les leviers de court terme », ont annoncé Brigitte Fouré, maire d’Amiens et Alain Gest, président d’Amiens Métropole, qui avaient déjà sollicité le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.
À la recherche de nouveaux partenaires
En effet, l’entreprise
est accompagnée depuis les premières difficultés par le ministère
de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et Numérique, ainsi que le ministère de l'Agriculture et de la
Souveraineté alimentaire. Ce soutien porte notamment sur les
problématiques de trésorerie, l’approvisionnement en sucre et les
mesures anti-dumping face à la concurrence inéquitable de certains
acteurs extra-européens.
Au niveau local, le préfet de la Somme et la commissaire à la restructuration et à la prévention des difficultés des entreprises accompagnent également l’entreprise. Pour rappel, l’entreprise est notamment bénéficiaire du programme France 2030 avec 9,5 millions d’euros d’aides destinées à l’innovation et à la transformation des processus de production des acides aminés. Le processus d’adossement à un nouvel acteur industriel, lancé par le groupe il y a quelques mois afin de pérenniser son activité et financer son développement, n’a pas permis d’aboutir à une solution satisfaisante à ce jour. Le groupe a donc sollicité l’ouverture de procédures collectives afin de poursuivre cette recherche dans un cadre adapté et sécurisé. Les prochains mois pourront ainsi être utilisés pour rechercher de nouveaux partenaires à même de reprendre les sites et les salariés du groupe.
Bouclier contre le dumping
Le Groupe est positionné
au cœur des enjeux en matière de souveraineté alimentaire, de
traçabilité des aliments et de décarbonation de l’économie. Il
bénéficie à cet égard du soutien de nombreux acteurs de l’aval,
en particulier ceux de l’industrie du secteur de la nutrition
animale et ceux des filières avicoles et porcines françaises.
Rappelons qu'à partir de matières premières renouvelables, le
Groupe développe et industrialise des procédés de fermentation
industriels innovants et compétitifs comme alternatives aux procédés
pétrochimiques pour répondre aux nouvelles attentes sociétales des
consommateurs et aux enjeux de transition énergétique. « Metex
revêt une importance stratégique pour la France et l’Union
européenne étant l’unique usine du continent à produire, à
partir de sucre de betterave, de la lysine. Cet acide aminé est
essentiel à la croissance musculaire des animaux d’élevage, et
entre également dans la composition de certains médicaments. Les
pays asiatiques, et en particulier la Chine, développent des
capacités de production très importantes et inondent le marché
européen pratiquant un dumping auquel les producteurs européens ne
peuvent pas résister. Le fermeture de l’usine Metex aurait pour
conséquence de mettre la France et avec elle l’Europe, dans une
situation de dépendance quasi-totale vis-à-vis de la production
asiatique et plus particulièrement chinoise », souligne le
sénateur Rémi Cardon, qui appelle à une union sacrée pour la
sauvegarde de l’usine et des emplois et continue de militer pour un
cadre qui protège des prix excessifs de l’énergie et du dumping.