Artisanat
Quand le luxe fait rêver les artisans d'art
Habiller une bouteille de Moët & Chandon, réaliser un décor pour Chanel... Certains artisans d'art travaillent pour des marques de luxe qui leur demandent un travail à façon. Témoignages.
C'est l'avantage du numérique : une toute petite association peut réunir plus de 90 participants sur un sujet qui les passionne... C'était manifestement le cas, le 8 octobre dernier, pour le webinaire pratique « collaborer avec les maisons de luxe », organisé par l'association Artisans d'avenir qui accompagne les artisans d'art dans leur démarche entrepreneuriale. Les intervenantes : Anouchka Potdevin, artiste métallière et Laure Chollat-Namy, fondatrice de La Fabrique Singulière qui met en relation artisans d'art et maisons de luxe (et aussi présidente de l'association Artisans d'avenir). C'est en 2020 que Laure Chollat-Namy a créé son entreprise, après une longue carrière chez Chanel. Sa mission : « faciliter les projets entre les artisans d'art et les maisons », explique-t-elle. Parmi ses clients, Celine, le Relais Plaza, Boucheron et Moët & Chandon lui ont demandé des « gifts pour clients VIP », des éléments pour décorer leurs vitrines, des habillages de bouteilles... Dans certains cas, les marques ont déjà défini leur design, dans d'autres, elles attendent aussi des artisans de la créativité. La Fabrique Singulière, qui se rémunère via une commission des marques clientes, cultive ses relations avec un réseau d'ateliers capables de répondre à des demandes très précises.
Un facteur de notoriété
Parmi eux, celui d'Anouchka Potdevin, artiste métallière basée en Bretagne qui crée des pièces uniques et des petites séries pour des décorateurs ou des marques de luxe. Via La Fabrique Singulière, elle a réalisé des feuilles en bronze (ensuite dorées) qui épousent le col d'une bouteille de champagne Moët & Chandon, dans le cadre d'une œuvre collective, avec un doreur et un designer. « Je voulais absolument ce projet. Quand on est animé... on ne peut pas s' empêcher », s'enthousiasme Anouchka Potdevin. « j'ai travaillé le métal de manière très particulière pour produire des feuilles de bronze. D'habitude, le bronze se fond. Là, j'ai taillé dans un bloc. j'ai débité, gravé, poli, jusqu'à casser les arrêtes, pour obtenir un métal presque liquide, en adéquation avec le sujet du champagne », explique-t-elle .
Précédemment, Anouchka Potdevin avait déjà travaillé avec des marques de luxe dont Cartier. Pour la réouverture d'une boutique à Cannes, la société lui a demandé une pièce déjà réalisée par l'artiste métallière : un siège qui ressemble à une cage à oiseau à dimension humaine. Exposé en 2013 au salon professionnel Maison et Objet, il avait connu un grand succès médiatique et commercial. Pour Guerlain, Anouchka Potdevin avait collaboré à un projet avec Maryse Dubois, une artiste spécialiste du papier. Les deux femmes se connaissaient déjà et Maryse Dubois l'a introduite auprès de Guerlain. Travailler avec des marques de luxe permet d'acquérir de la notoriété, convient Anouchka Potdevin. Mais elle met en garde contre la complexité des projets et les conséquences des potentiels dérapages. « Par exemple, un travail pour les vitrines, cela peut impliquer de faire travailler des personnes, embaucher... On rentre dans une autre dimension. Si on se plante, l'atelier peut fermer ses portes. Il faut faire attention à tout ».