Quand le coton retrouve une seconde vie
Deux millions d’euros d’investissement ont été nécessaires pour l’installation de ces machines expérimentales, inédites en Europe. Dans une industrie du textile en pleine reconversion, le CETI veut démontrer qu’il est possible de recycler du coton à partir de vêtements usagés.
Les machines tournent depuis quelques semaines seulement, mais elles intéressent déjà les industriels, parmi lesquels le groupe ÏDKIDS (Okaïdi, Oxybul, Jacadi…) et Decathlon. Ce démonstrateur de recyclage, installé dans les locaux du CETI à Tourcoing, redonnera vie aux vêtements usagés et permettra d’imaginer de futurs produits textiles recyclés. «Ce démonstrateur de recyclage mécanique de fibres courtes est unique en Europe», se félicite Pascal Denizart, directeur général du CETI. Fruit de deux ans de R&D, cette installation permet de recycler mécaniquement toutes les fibres, en particulier le coton, pour en faire un nouveau fil avec un composant majoritaire recyclé. Broyés et effilochés, les vêtements usagés se transforment en un mélange homogène de fibres vierges. Et les premiers résultats sont encourageants : le fil en 100% coton est composé de 70% de fibres recyclées et de 30% de fibres vierges. Quand on sait que 600 000 tonnes de textile sont mises sur le marché français chaque année mais que seule la moitié est collectée – dans l’habillement, 45% de la production est en coton –, le gisement est énorme. Depuis 2014, le CETI travaille sur l’écoconception ; l’acquisition de ces machines est un pas supplémentaire vers l’upcycling, soutenu par le Comité stratégique de filière mode et luxe, un comité initié par l’Etat français dont de grandes marques sont partenaires (Okaïdi, Decathlon, TDV industries en Mayenne et le constructeur de machines Laroche).
De la «co R&D» avec les industriels
Les machines peuvent traiter une capacité de 100 kilos par jour. «Notre vocation n’est pas de produire mais bien de tester cette innovation sur le marché», précise Pascal Denizart. Et dans une période où le cours du coton s’est effondré à cause de la guerre entre les Etats-Unis et la Chine et où les surfaces dédiées à l’agriculture du coton se réduisent, l’enjeu pour les industriels est de taille, comme l’explique Nagy Bensid, directeur industriel chez Decathlon en charge des fibres et des fils naturels. «On s’essaie depuis plusieurs années au recyclage, mais quand on est tout seul, c’est difficile.» D’où ce partenariat avec le CETI : «On veut passer à un stade industriel et on ne peut que l’envisager à un stade local, sinon cela n’a aucun sens.» Le groupe régional travaille donc sur un pantalon de chasse ultra-résistant ainsi que sur un fil recyclé pour les chaussettes. C’est aussi le même cas de figure pour ÏDKIDS, associé au CETI depuis trois ans et qui lancera une ligne complète de tee-shirts en coton recyclés dès 2020. «Ici, on ne fait pas du mécénat, on veut tester la ligne», insiste Didier Souflet, directeur industriel.
Le CETI dans la mouvance du «zero waste design»
Depuis cinq ans, le chef de file tourquennois reçoit des demandes de groupes internationaux : en 2015, c’est avec Adidas que le CETI a travaillé pour la création d’une chaussure de foot en polyuréthane jusqu’à dix fois recyclable (accessible au consommateur sous forme d’abonnement) et qui sera commercialisée l’an prochain «Il faut intégrer le recyclage dans l’économie circulaire. Naturellement, le consommateur est beaucoup plus exigeant envers une matière recyclée», analyse le directeur général du CETI.
Quelques chiffres de la filière des textiles et chaussures
• 624 000 tonnes mises en marché en 2018 : 409 500 pour les textiles d’habillement (66%), 95 500 pour le linge de maison (15%) et 119 000 tonnes pour les chaussures (19%).
• Plus de 38% sont collectés.
• Chaque année, un citoyen donne en moyenne une 2e vie à 3,6 kg de TLC (textiles d’habillement, linge de maison et chaussures).