Qair veut produire 200 000 tonnes de e-méthanol au Havre
En cours de développement, le projet Méthavert devrait voir le jour en 2030. Il accueillera une unité de production d'hydrogène à partir duquel sera synthétisé du méthanol "décarboné".
Foncier sécurisé… L'énergéticien français Qair (650 salariés) dispose depuis début novembre d'une parcelle sur le port du Havre, pour implanter son projet Méthavert. Celui-ci comporte une unité de production d’hydrogène par électrolyse et une unité de méthanolation. "Dans une première phase, l'objectif est de produire 100 000 tonnes de méthanol à l'horizon 2030. Puis, dans une deuxième phase, de doubler cette production à partir de 2035", explique Fabio Rotondo, chef de projet chez Qair.
En plein cœur de la zone portuaire, Qair compte sur l'écosystème local pour mener à bien son projet. "Nous sommes ravis d'avoir remporté cet appel à projets, car tant que l'on n'a pas le foncier on ne peut pas réellement lancer un projet. Et là, nous disposons d'un emplacement à proximité des matières premières, des clients potentiels, et d'un important bassin d'emplois", commente Louis Latournerie, business developer Qair.
Captation de dioxyde de carbone industriel
Matières premières ? Producteur d'électricité depuis de nombreuses années, Qair n'a pas de crainte de ce côté-là, pour alimenter notamment l'unité d'électrolyse. Environ 150 MW sont nécessaires dans la première phase du projet, et l'entreprise compte principalement utiliser pour cela ses propres actifs. L'enjeu pour le projet Méthavert réside donc surtout dans l'approvisionnement en dioxyde de carbone. "Ce que nous voulons, c'est utiliser du dioxyde de carbone issu de l'activité industrielle", insiste Louis Latournerie. "C'est l'une des raisons pour lesquelles nous voulions nous installer au Havre".
D'autant que les producteurs de dioxyde de carbone sont aussi des clients potentiels pour le e-méthanol. "100 millions de tonnes de méthanol sont consommées chaque année dans le monde. Mais il est pour le moment intégralement produit à partir de gaz naturel ou de charbon. L'objectif de Méthavert, c'est de proposer une alternative, avec un e-méthanol dont l'impact carbone est beaucoup plus faible."
Transport aérien ou maritime
Le débouché industriel n'est pas le seul qui s'offre à Qair. Le transport maritime cherche aussi à se décarboner, et le transport aérien aura, dès 2030, l'obligation d'incorporer du kérosène de synthèse dans ses carburants. Tous auront potentiellement besoin de méthanol. "Chaque marché a ses enjeux", précise Louis Latournerie. Pour le secteur industriel, il s'agit surtout de faire accepter un coût légèrement supérieur au méthanol d'origine fossile. Pour le transport aérien, c'est l'étape supplémentaire du "méthanol to jet" qui soulève encore quelques questions (aucune unité industrielle n'est pour l'heure présente sur le sol français). Et pour le transport maritime, qui dispose de plusieurs pistes de décarbonation, "il va falloir convaincre que le méthanol est la bonne solution" résume le business developer de chez Qair.
En tout cas, l'énergéticien espère bien pouvoir prendre une place de choix sur ce nouveau marché convoité. Et ce, à brève échéance. Pour le site havrais, l'entreprise espère disposer du permis de construire mi-2027 et achever les travaux fin 2029. "Nous pouvons nous appuyer sur notre expérience, notamment dans la production d'hydrogène" poursuit Fabio Rotondo, qui rappelle que Qair achève la construction d'une unité de production d'hydrogène à Port La Nouvelle (Aude). 550 millions d'euros sont engagés sur ce projet havrais qui devrait créer à terme 150 emplois directs et 350 indirects.
Pour Aletheia Press, Benoit Delabre