Propos sur Facebook Nouvelles précisions

Dans une récente décision, la Cour de cassation se prononce, pour la première fois, sur le caractère public ou privé des propos tenus par un salarié sur les réseaux sociaux.

Les réseaux sociaux sont à la Une des décisions de la Cour de cassation
Les réseaux sociaux sont à la Une des décisions de la Cour de cassation
Les réseaux sociaux sont à la Une des décisions de la Cour de cassation

Les réseaux sociaux sont à la Une des décisions de la Cour de cassation

Peut-on librement s’exprimer sur Facebook ? Certes, la liberté d’expression existe. L’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen dispose que «la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi». L’article 19 de la même Déclaration ajoute: «tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit». L’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme consacre lui aussi cette liberté, dont les salariés bénéficient au même titre que tout citoyen. On peut encore citer l’article L 1121-1 du Code du travail français suivant lequel «nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché». De plus, «les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail » (art. L 2281-1 du même code).

Décisions

Toutefois, cette liberté d’expression ne saurait être la porte ouverte à tous les abus.On se souvient ainsi que dans l’affaire Alten, les prud’hommes de Boulogne-Billancourt avaient, fin 2011, eu à juger du licenciement de plusieurs salariés qui avaient dénigré sur Facebook leur employeur, l’un d’eux ayant évoqué un «club des nuisibles», petite coalition de salariés de l’entreprise destinée à mener la vie dure à une responsable de service, pendant plusieurs mois. Pour les juges prud’homaux, ce mode d’accès à Facebook dépassait la sphère privée et la production aux débats de la page mentionnant les propos incriminés constituait un moyen de preuve licite du caractère fondé du licenciement. En outre, l’une des intéressées avait abusé de son droit d’expression et nui à l’image de la société, en raison de ses fonctions de chargée de recrutement, «la conduisant à être en contact avec des candidats et des futurs salariés». Déjà, dans l’arrêt «Est Eclair» du 9 juin 2010, la Cour d’appel de Reims avait eu à statuer sur le cas d’un journaliste auquel avait été infligé un avertissement pour avoir tenu des propos injurieux et diffamatoires à l’encontre de sa hiérarchie, sur le même réseau social. Dans cette affaire, les juges d’appel ont raisonné en deux temps. En mettant un message sur «le mur» d’un «ami», le salarié s’exposait à ce que cette personne ait des centaines «d’amis» ou n’ait pas bloqué les accès à son profil. En d’autres termes, les propos avaient un caractère public et non privé. Toutefois, ils n’étaient pas diffamatoires : en l’espèce, il n’était pas possible d’identifier la personne visée, l’employeur lui-même hésitant entre un collègue ou un membre de la direction. De l’ensemble de ces décisions plusieurs leçons étaient à retenir : d’abord, l’utilisateur des réseaux sociaux se doit, afin d’éviter tout problème, de créer des paramètres de confidentialité ; ensuite, et dès lors que les propos tenus figurent sur le «mur» d’un membre de Facebook auquel chacun peut accéder, les propos sont publics et non privés ; enfin, le salarié ne saurait abuser de sa liberté d’expression.

Nouvel éclairage

Dans une décision du 10 avril 2013, la Cour de cassation vient de se prononcer, pour la première fois, sur le caractère public ou privé des propos tenus par un salarié sur Facebook. En l’espèce, les propos litigieux («l’extermination des directrices ch…» – «éliminons nos patrons et surtout nos patronnes (…) qui nous pourrissent la vie !!!» – «Y’en a marre des c…») avaient été diffusés sur les comptes ouverts par une salariée, tant sur Facebook que sur le site MSN. Toutefois, ils n’étaient accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint. La Haute cour en a déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques. Par un raisonnement en sens contraire, l’injure publique pourrait donc être retenue, si les propos du salarié étaient ouverts à tous ! Qu’on se le dise !