Procès libyen: une peine "dissuasive" de sept ans de prison requise contre Nicolas Sarkozy

Une peine "ferme", "juste", et "dissuasive", au regard de la "gravité des faits": le parquet financier a requis jeudi sept ans de prison à l'encontre de l'ex-chef de l'Etat Nicolas Sarkozy, accusé d'avoir noué un pacte de corruption avec l'"infréquentable" dictateur...

L'ancien président Nicolas Sarkozy arrive à une audience du procès des soupçons de financement libyen, le 25 mars 2025 à Paris © Hugo MATHY
L'ancien président Nicolas Sarkozy arrive à une audience du procès des soupçons de financement libyen, le 25 mars 2025 à Paris © Hugo MATHY

Une peine "ferme", "juste", et "dissuasive", au regard de la "gravité des faits": le parquet financier a requis jeudi sept ans de prison à l'encontre de l'ex-chef de l'Etat Nicolas Sarkozy, accusé d'avoir noué un pacte de corruption avec l'"infréquentable" dictateur libyen Mouammar Kadhafi pour satisfaire ses "ambitions politiques dévorantes".

Au terme de trois mois de procès et de 10 ans d'enquête, "c'est un tableau très sombre d'une partie de notre République qui s'est dessiné", a déclaré à la fin d'un réquisitoire fleuve à trois voix le procureur financier Sébastien de la Touanne.

"Un tableau marqué par une corruption de haute intensité, attisée par l'ambition, la soif de pouvoir, la cupidité et qui a tissé sa toile jusqu'aux plus hautes sphères de l'Etat", a-t-il ajouté.

L'accusation n'avait pas mâché ses mots contre l'ancien président pendant les deux premiers jours des réquisitions, et est resté sur la même ligne, devant un Nicolas Sarkozy à la mine grave, et à l'air pétrifié au moment de l'annonce de la peine demandée contre lui.

Alors qu'il était ministre de l'Intérieur en 2005, Nicolas Sarkozy s'est engagé, avec ses "plus proches collaborateurs" Claude Guéant et Brice Hortefeux, dans une "quête effrénée" de financements pour satisfaire ses "ambitions politiques dévorantes", poursuit le magistrat.

Il n'a "pas hésité" à conclure "un pacte de corruption faustien avec un des dictateurs les plus infréquentables de ces 30 dernières années", pour pouvoir "accéder à la magistrature suprême", ajoute-t-il.

Devoir d'exemplarité

L'accusation a également réclamé une peine d'inéligibilité de cinq ans contre Nicolas Sarkozy, et 300.000 euros d'amende.

Il est un "homme public" qui a exercé des multiples fonctions mais a fait fi de son "devoir d'exemplarité", a "méprisé" les règles encadrant la vie politique, continue le procureur d'un ton sobre.

Depuis le début de cette affaire, Nicolas Sarkozy "a contesté les faits dans leur intégralité, et ne semble pas prendre la mesure de la gravité des atteintes à la probité qui lui sont reprochées", martèle le procureur, rappelant qu'il a déjà été condamné. C'est son cinquième procès en cinq ans.

Quelques minutes après la fin des réquisitions, l'ex-président a dénoncé "la fausseté et la violence des accusations et l'outrance de la peine réclamée", qui ne visent selon lui qu'à "masquer la faiblesse des charges alléguées". Il a ajouté vouloir "croire dans la sagesse du tribunal", qui ne rendra sa décision que dans plusieurs mois.

Contre Claude Guéant (absent pour des raisons de santé) accusé d'être impliqué dans toutes les étapes du "pacte de corruption" et de s'être "personnellement enrichi", le parquet a requis six ans de prison et 100.000 euros d'amende.

Ce serviteur de l'Etat était "tout comme Nicolas Sarkozy tenu à un devoir d'exemplarité et d'intégrité", a souligné le procureur.

Trois ans de prison et 150.000 euros d'amende ont aussi été requis contre Brice Hortefeux.

Contre le trésorier de la campagne Eric Woerth, qui selon le procureur a "recueilli et accepté des fonds" libyens, un an de prison (aménagé d'office) et 3.750 euros d'amende ont été requis. 

Agents de corruption

Le PNF a également requis contre les "agents de corruption" et intermédiaires Ziad Takieddine (en fuite) et Alexandre Djouhri des peines de respectivement six ans de prison et trois millions d'euros d'amende, et de cinq ans et quatre millions, pour avoir mis en place selon l'accusation les canaux de financement libyen vers la campagne.

Tout au long du réquisitoire, les procureurs ont dépeint Nicolas Sarkozy en "véritable décisionnaire" et "commanditaire" d'un pacte de corruption "inconcevable, inouï, indécent", noué avec l'ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi pour qu'il finance sa campagne présidentielle de 2007.

Ils ont aussi détaillé les "contreparties" diplomatiques, juridiques et économiques promises selon eux au régime libyen et ont affirmé que des "traces" d'argent liquide dans la campagne victorieuse alimentaient le "faisceau d'indices" du dossier.

Pour les procureurs, tous les délits pour lesquels il est jugé depuis le 6 janvier sont constitués: ils ont demandé au tribunal de le reconnaître coupable de corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs.

Nicolas Sarkozy, qui clame vigoureusement son innocence depuis l'origine, et dont la défense plaidera au dernier jour du procès le 8 avril, avait enragé en silence, genoux agités, souriant parfois jaune ou ne pouvant réprimer une remarque outrée, indéchiffrable depuis les bancs de la presse.

Définitivement condamné à un an de prison ferme pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite des écoutes ou Bismuth, il porte depuis le 7 février un bracelet électronique à la cheville.

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