Près de Toulouse, la réinsertion via la transition écologique

Loin des salles de classe et du stress des examens, l'école de la transition écologique (ETRE) forme aux métiers verts de demain, non loin de Toulouse, des jeunes "en quête de sens" après s'être trouvés...

Yoan Fauvel (D) examine le travail d'une étudiante lors d'un atelier de menuiserie à l'école de la transition écologique (ETRE) de Lahage, près de Toulouse, le 18 avril 2024 © Ed JONES
Yoan Fauvel (D) examine le travail d'une étudiante lors d'un atelier de menuiserie à l'école de la transition écologique (ETRE) de Lahage, près de Toulouse, le 18 avril 2024 © Ed JONES

Loin des salles de classe et du stress des examens, l'école de la transition écologique (ETRE) forme aux métiers verts de demain, non loin de Toulouse, des jeunes "en quête de sens" après s'être trouvés éloignés de la scolarité ou de l'emploi.

En ce vendredi printanier à Lahage (Haute-Garonne), la quinzaine d'élèves de 16 à 25 ans, déposés en navette depuis la gare la plus proche, se dirige vers le petit pré où se trouve leur chantier: une cabane circulaire d'environ 3 mètres de diamètre en bois recyclé.

Il reste à compléter les pans de mur, puis installer le toit, dessiné par l'artiste invité Michaël Feneux à l'aide de dizaines de losanges.

Répartis en trois groupes, qui tourneront au cours de la matinée, les apprentis menuisiers s'attellent donc à fabriquer ces losanges, à donner un coup de main en cuisine pour préparer le déjeuner, et à préparer les boulons coudés dont ils ont besoin pour fixer la charpente circulaire.

Thomas Ensinas, 22 ans, s'arc-boute sur sa pince pour tordre les boulons, immobilisés dans un étau, selon l'angle approprié. Cheveux longs, barbe encore clairsemée, voilà longtemps que le timide jeune homme est en délicatesse avec l'école.

Enfant, il y ressentait beaucoup de "pression" et avait avoué à ses parents: "Ça me stresse un peu l'école."

Il avait alors été décidé de le déscolariser et de l'instruire à domicile. "Mais j'ai commencé à décrocher aussi. Les maths, c'était pas trop mon truc. Mais voilà, ça ne m'empêche pas d'être ici, de travailler", sourit-il.

Flippant

Ici, c'est ce tiers lieu niché sur une colline en pente douce qui, outre l'école ETRE, accueille pêle-mêle une brasserie artisanale, une friperie/recyclerie et une ferme pédagogique.

L'école est une émanation de l'association 3PA ("Penser, parler, partager, agir"), fondée en 2004 par quatre éducateurs de quartiers défavorisés partis du constat que les jeunes ne se sentaient pas concernés par le changement climatique.

"Ils disaient +C'est très flippant, c'est très anxiogène toutes ces questions-là, mais nous, on a des priorités: remplir notre frigo, trouver une formation, un emploi...+", se souvient l'un des quatre fondateurs, Frédérick Mathis, 42 ans.

Alors, plutôt que de s'en tenir à la théorie, l'association décide d'emmener le public visé "à la campagne pour aller pratiquer cette écologie, mettre les mains concrètement dans la terre", raconte-t-il.

Après des années d'expérimentations, l'école ETRE voit le jour en 2017, et accueille désormais environ 80 stagiaires chaque année, grâce notamment aux subventions de la région Occitanie.

Elle propose trois formations: une "remobilisation" d'une semaine visant à découvrir les métiers de la transition écologique et à formuler un projet, une "requalification" de trois mois où les stagiaires touchent à tout, de la menuiserie au maraîchage bio, ainsi qu'un diplôme (titre professionnel) sur dix mois de menuisier agenceur en économie circulaire, avec des matériaux de récupération.

La fac, il faut être prêt

Alice Barberousse, 23 ans, s'applique à assembler les losanges qui formeront la toiture. 

Après avoir découpé aux dimensions adéquates, sous la supervision d'encadrants, le bois de récupération issu de palettes ayant servi à livrer des panneaux solaires dans la région, elle assemble le tout à grands coups de visseuse, sur des établis installés à l'extérieur.

La jeune femme souriante aux cheveux courts et bras parsemés de tatouages, avait d'abord commencé une licence archéologie et histoire de l'art.

"C'était ultra-intéressant, mais voilà, le rythme de la fac, il faut être prêt, il faut être un peu mature scolairement parlant. Et moi je ne l'étais pas du tout", confie-t-elle. "Du coup, j'ai abandonné la fac et j'ai commencé à travailler."

Commis de cuisine, vendeuse, elle égrène alors les petits boulots, mais ne se voit pas poursuivre sur cette voie. Branchée menuiserie, elle s'est donc tournée vers l'école ETRE, où elle termine ce vendredi sa "requalification".

Signe du succès de ces formations, les écoles de la transition écologique fleurissent un peu partout en France. Il en existe déjà une vingtaine et une dizaine d'autres s'apprêtent à ouvrir.

On s'y forme aux énergies renouvelables à Paris, au maraîchage bio à Alénya (Pyrénées-Orientales), près de Perpignan, ou encore aux métiers de la montagne à Grenoble.

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