Rencontre avec Hager Khezami, directrice de la CRESS Hauts-de-France
Pas à pas, l'ESS s'installe et accélère son dynamisme
L'économie sociale et solidaire est une autre forme d'économie, avec des structures créées sous forme de coopératives, mutuelles, associations ou fondations, et dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d'utilité sociale. Dans la région, l'ESS progresse et a montré, pendant la crise, son rôle et ses forces que sont le collectif et la richesse humaine... Elle ambitionne d'être présente structurellement au sein de la société.
C'est un changement qui s'opère pas à pas. L'économie sociale et solidaire (ESS) est de plus en plus présente dans la société, et a pris une autre dimension depuis la crise de la Covid-19. Si les acteurs de l'ESS ont toujours été présents, le sens de l'ESS agit au quotidien, notamment dans les modes de consommation - à l'instar des vêtements de seconde main -, dans une société en pleine transformation. Son action est aussi de plus en plus dynamique d'un point de vue économique tant en nombre d'ouvertures de structures qu'en masse salariale, et ce, sur tout le territoire national.
La région des Hauts-de-France suit cette tendance positive. La Chambre régionale de l'économie sociale et solidaire (CRESS) a dressé le bilan 2019/2020 : en 2019, elle comptabilise 1 250 créations d'entreprise de plus, une augmentation de 2% de la masse salariale, même si elle enregistre par ailleurs une perte du nombre de ses structures (-1,1%/-0,2% au niveau national).
2020, une année de césure
Comme pour de nombreux secteurs d'activité, cette dynamique de 2019 a été stoppée par la crise en 2020, sans toutefois l'anéantir. Avec une perte de 3 670 postes - dont 80% dans le secteur associatif - au deuxième trimestre 2020 par rapport au deuxième trimestre 2019, «l’ESS est toutefois moins impactée que l’ensemble de l’économie privée des Hauts-de-France, précise Hager Khezami, directrice de la CRESS Hauts-de-France. Il faut savoir que l'ESS, ce sont des emplois locaux et non délocalisables, les structures interviennent localement, dans un périmètre d'une EPCI.» Néanmoins, la CRESS Hauts-de-France alerte : «De nombreux établissements n’ont pas repris un rythme d’activité normal. D’autres font un pas de côté pour répondre localement à des besoins sociaux non couverts du fait de la crise résultant de la pandémie, mais également de choix économiques et politiques.»
Durant la crise également, la solidité de la CRESS, qui a été intégrée aux décisions nationales en 2020, a donné sa pleine mesure. «Durant la crise, nous avons tenu bon avec le maintien des instances de gouvernance, la mise en place d’une programmation riche de webinaires sur des sujets clés, l'animation des Clubs Busin’ESS 100% en visio, note la directrice. Nous enregistrons même 350 créations d'entreprise. En 2020, notre rôle a aussi été central et reconnu par le tissu associatif présent, mais aussi par la contribution aux cellules liées à la crise et à la relance ainsi que l'animation de la plateforme ESSHDF.»
La transition écologique, sujet phare
Evolution des mentalités, nombre de créations de structure ESS : la transition écologique est au cœur des nouveaux projets, notamment dans les domaines du réemploi et de l'énergie. Là encore, l'ESS est une réponse à des projets qui ont du sens : la CRESS n'a jamais autant enregistré de demandes d'ouverture et de conseils sur ces secteurs d'activité. «Durant la crise, les épiceries locales ont bien fonctionné, et ce sens a été retrouvé dans les projets, analyse Hager Khezami. De nombreuses personnes en reconversion professionnelle ont ouvert ou ont l’intention d'ouvrir une structure dans l'ESS car elles veulent retrouver un sens dans ce qu'elles font.» Dans cette perspective, les circuits courts et la seconde main ont fortement progressé dans la région, entre autres avec de nombreuses installations de friperies et de recycleries.
Si l'ESS enregistre de nouveaux projets, elle devient aussi systémique, ce qui représente la grande évolution de cette dynamique. Par exemple, les restaurants de la région se mettent à l'ESS en incorporant l'insertion dans leur évolution. Les élus intègrent l'ESS dans leurs projets de développement du territoire, avec l'ouverture de tiers-lieux par exemple.
Plus largement encore, la CRESS Hauts-de-France intervient au cœur même d'une impulsion générale. Le dernier exemple, qui date de 2020, montre ce chemin. Elle a ainsi initié une démarche de coopération dans le cadre du pacte Sambre-Avesnois-Thiérache. Celle-ci s’est formalisée dans le cadre du programme French Impact Territoires lancé en 2017 par l’État.
Ainsi, trois thèmes sont développés : l’inclusion numérique, l’entreprenariat social et la transition écologique. «L'ESS c'est un travail entre les habitants, les financeurs, les politiques et les associations. C'est une coconstruction», souligne la directrice.
Une ambition, des projets
Certes, l'ESS est le fruit du travail de ceux qui croient en un modèle économique social et solidaire. Mais il est aussi «rentable, précise la directrice. Simplement les richesses sont réparties différemment. Et elle pose des questions d'éthique»... Et donc un bousculement des modèles en place. Après avoir été une philosophie, cette économie est devenue, au-delà d'un effet de mode, elle représente «le bien-être pour soi et pour la société».
Aujourd'hui, la CRESS Hauts-de-France va à la rencontre des jeunes générations. En 2019, la Chambre s'est associée avec Sciences-Po Lille afin de générer une nouvelle dynamique : une formation dédiée à l'ESS est disponible depuis 2021. «L'objectif à cinq ans est de former et de créer des diplômes sur l'ESS. Nous travaillons aussi sur une grande école de l'ESS», prévoit Hager Khezami. Un travail commun est également fait avec La Catho à Lille, le plus gros employeur ESS de la région, dans le but de donner une autre dimension à l'ESS dans la région.
Chiffres clés de l'ESS dans la région en 2019/2020
. 14 708 établissements.
. 9,4% des établissements de la Région.
. 2,4 établissements pour 1 000 habitants.
. 198 818 salariés.
. 10,8% de l’emploi.
. 172 254 équivalents temps plein.
. 1,15 salarié pour une ETP.
. 11,71 ETP par établissement.
. 5 147 941 563 euros de masse salariale.
. 9,3% de la masse salariale régionale.
. 46,6% des emplois sont situés dans le Nord.