Paradis des impressionnistes et médaillée de la "France moche", le paradoxe Honfleur

Son port, ses maisons à colombages et... ses panneaux publicitaires : Honfleur, connue comme un lieu de pèlerinage des peintres impressionnistes, a été portée en novembre 2023 par l'association "Paysages de France"...

L'entrée de la ville de Honfleur, le 14 janvier 2024 dans le Calvados © Lou Benoist
L'entrée de la ville de Honfleur, le 14 janvier 2024 dans le Calvados © Lou Benoist

Son port, ses maisons à colombages et... ses panneaux publicitaires : Honfleur, connue comme un lieu de pèlerinage des peintres impressionnistes, a été portée en novembre 2023 par l'association "Paysages de France" en étendard de la "France moche".

En cause, l'entrée de ville et sa dizaine d'enseignes publicitaires pour un supermarché discount, une chaîne de garages automobiles, une boutique de produits régionaux ou une station de lavage... le tout sur quelques dizaines de mètres.

D'où le prix décerné par l'association, dans la catégorie "Foire à l'enseigne", à cette commune normande de l'estuaire de la Seine, qui accueille pourtant 5,2 millions de visiteurs à l'année, selon la municipalité.

Courbet, Boudin, Manet..., Honfleur a, du XIXe au XXe siècles, inspiré certains des plus illustres peintres du romantisme et de l'impressionnisme.

C'est justement le paradoxe. "Honfleur est une jolie ville attractive, pourquoi nous demander de passer par +les chiottes+ pour y entrer ?", s'insurge Olivier Saladin, comédien et ancien Deschiens, membre du conseil d'administration de l'association "Paysages de France", qui lutte contre l'affichage publicitaire. 

Pour accéder à ce petit port et ses maisons à colombages, "on est soumis en entrée de ville, comme souvent, à un harcèlement publicitaire avec ces gros panneaux qui bouffent le paysage", dénonce "Monsieur Saladin".

"On ne dit pas que Honfleur est la ville la plus moche de France, ce prix est attribué sur une photo pour que les élus soient plus vigilants", précise l'acteur, rappelant que depuis le 1er janvier "c'est aux maires de faire respecter la loi sur la publicité".

Sylvain Naviaux, vice-président en charge des questions d'urbanisme à la communauté de communes du pays de Honfleur-Beuzeville (CCPHB), pense lui que "cette entrée de ville n'est pas aussi détestable".

On combat le laid

"Nous (la municipalité, ndlr) pensons que c'est une question d'ordre national et non local", estime l'élu.

Frédéric Zywica, patron de l'escape game "L'Evasion", dont l'enseigne est présente sur la photo, "ne comprend pas" ce prix.

"L'angle est trompeur, la 2x2

voies est boisée, ça n'est pas si moche", juge le commerçant, "et j'en ai besoin pour survivre, je suis en retrait de la route, personne ne sait qu'il y a un escape game à Honfleur, j'ai besoin de cette visibilité".

A la décharge des municipalités, "la législation est labyrinthique", glisse Olivier Saladin.

La publicité dans l'espace public est régie par le code de l'environnement depuis 2004. Selon le règlement national de publicité (RNP), la "réclame" est interdite hors-agglomération sauf dérogation, et soumise à des conditions de supports, d’implantation et de dimensions en agglomération.

En résumé, les enseignes signalant un commerce peuvent être installées sur son bâti ou son terrain. Les pré-enseignes, placées hors du foncier du magasin comme certaines à Honfleur, ne doivent pas dépasser 4 m2 dans les agglomérations de moins de 10.000 habitants, 12 m2 pour les autres.

"Le cadre de vie est un bien commun à tous, c'est très important pour la qualité de vie. Ce n'est pas la surface qui compte mais le nombre de gens qui passent devant", analyse le comédien, "les entrées de ville saccagées impactent 90% des Français tous les jours". 

"Les éoliennes, la tour Eiffel, Beaubourg (le centre Pompidou d'art contemporain au centre de Paris NDLR), c'est très subjectif", juge Olivier Saladin, "mais la publicité c'est immonde pour tout le monde, quand on aime le beau on combat le laid".

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