«On ne peut pas prendre tous les risques en même temps»

Il fallait de l’audace pour reprendre Blancheporte, ce mastodonte de la vente à distance, à une période où Internet a révolutionné les modes de consommation et rendu les clients plus volatiles. Avec trois associés, Caroline Lemaire s’est lancé ce défi et gère aujourd’hui les ressources humaines du groupe ainsi que l’environnement de travail.

Arrivée chez Blancheporte en 2010, Caroline Lemaire en est aujourd'hui une des associées.
Arrivée chez Blancheporte en 2010, Caroline Lemaire en est aujourd'hui une des associées.

«J’ai toujours été attirée par les ressources humaines», avoue Caroline Lemaire, directrice associée DRH et environnement de travail chez Blancheporte, dont le siège est à Tourcoing. Si elle suit d’abord une formation en finance et commence sa carrière au sein de Dalkia puis de Cofidis, elle sent rapidement que sa place est au cœur du recrutement d’équipes. «Cofidis m’a confié un poste dans les ressources humaines, à un moment clé – le passage aux 35 heures –, et nous avons dû recruter 450 salariés. C’était un vrai défi professionnel, mais aussi personnel puisque j’attendais mon deuxième enfant. Ils m’ont vraiment fait confiance à ce poste», se rappelle-t-elle. Après une parenthèse pour élever sa troisième fille, elle arrive chez Blancheporte en 2010, où elle a vécu la réorganisation d’un leader régional de la VAD qui devait faire face à des baisses des ventes mais aussi à l’arrivée d’Internet dans la mode et l’habillement. Quelques années plus tard, le groupe allemand Otto, propriétaire de 3SI (3 Suisses International), se sépare de trois de ses filiales, dont Blancheporte. Un tournant dans la carrière professionnelle de Caroline Lemaire puisque, avec trois associés – Franck Duriez, directeur général, Salvatore Spatafora, directeur marketing, et Corinne Devroux, directrice achat –, elle choisit de reprendre l’actionnariat de l’entreprise en avril 2016. «On connaissait parfaitement Blancheporte. On voulait continuer sur la lancée de ce qu’on avait construit.» 175 salariés et un projet ambitieux : accélérer le développement d’Internet, rénover les outils informatiques et, surtout, développer un projet managérial, tourné vers une culture participative. Mais avec un avantage de taille : l’ensemble des investissements ne sont plus gérés par un groupe mais par les associés… «Bien entendu, c’est une plus grande liberté, mais c’est aussi une importante responsabilité. En devenant associée, tout a été radicalement différent. Les pensées autour de l’entreprise occupent mes jours, mes nuits, mes week-ends ! J’étais déjà très investie, mais je le suis désormais d’une autre façon. On se sent obligé de réussir.»

L’équilibre de vie
comme leitmotiv

Et même si cette responsabilité est partagée par quatre, Caroline Lemaire ne déconnecte «presque jamais». La maman de trois enfants prône l’équilibre, essentiel à son épanouissement personnel et professionnel : «Quand on prend la direction d’une entreprise, je pense que c’est important d’avoir une vie de famille stable et structurée. On ne peut pas prendre tous les risques en même temps. Je suis toujours connectée, mais cela ne me gêne pas, cela fait partie de ma vie. S’il y a peu de femmes présentes à des postes de dirigeantes, c’est peut-être parce que ce n’est pas leur priorité, même si des stéréotypes culturels et sociétaux persistent», pense cette adepte de la méditation. Mais surtout elle pense que les femmes ne croient pas assez en elles : «Sur un même poste, les femmes postulent parce qu’elles pensent avoir toutes les compétences. Un homme est plus joueur… Par contre, je suis persuadée que nous savons mieux détecter et écouter notre intuition.»

L’âme d’un
entrepreneur

«Je ne pense pas que j’aurais pu créer une entreprise en étant seule. J’ai besoin du partage de points de vue, et je n’ai pas toutes les compétences ! Mais j’ai quand même plein de projets de création comme celui de créer une galerie d’art. Je pense vraiment que plus tard, je le ferai ! On me parle de mon talent d’entrepreneur, mais j’aurais très bien pu faire autre chose. Pour moi, être entrepreneur, c’est prendre des risques et dans ce sens, oui, je le suis. L’entrepreneur qui crée et qui développe, c’est encore une autre histoire !» Et pour parfaire cette vie de femme dirigeante déjà bien remplie, Caroline Lemaire fait partie d’un réseau de dirigeants spécialistes des ressources humaines – Organic Lab –, mais aussi, d’un cercle de méditation féminine. «Mais attention, ce n’est pas que de la méditation, on discute aussi entre copines ! Cela fait partie de mon équilibre.»

Date marquante. «Le 1er avril 2001 : c’est la date à laquelle un manager de chez Cofidis a cru en moi. Je me suis positionnée sur un poste alors que je n’aurais pas forcément osé. Et avec la coïncidence que 15 ans plus tard, on reprenait Blancheporte.»

Lieu marquant. «Sans aucun doute La Passerelle, cet ancien entrepôt réhabilité en salle de pause, salle de travail, showroom pour nos clientes. C’est le premier projet après la reprise que j’ai géré avec les salariés. Quand j’ai besoin de me ressourcer, je viens ici. C’est un peu le ‘dedans-dehors’, ma maison dans l’entreprise.»

Femme inspirante. «Siham Jibril, une jeune trentenaire qui anime le podcast Génération XX. Elle reçoit des entrepreneuses qui parlent de leurs idées et de leur façon de faire. Je l’écoute toutes les semaines. D’ailleurs, je n’ai pas trouvé de podcast d’hommes qui partagent leurs tuyaux !»