Entretien avec Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers
«Nous allons vers une restriction de l’accès au logement»
La Fédération des promoteurs Immobiliers est profondément déçue par les annonces de la Première ministre sur le logement, à l’issue des travaux du CNR, Conseil national de la Refondation. Elle estime, en particulier, que certaines mesures qui ne représentaient pas un coût pour l’État auraient pu être retenues. Avec d’autres fédérations professionnelles, la FPI compte aujourd’hui sur le Parlement pour porter les sujets du logement.
La Gazette. Le
6 juin dernier, Élisabeth Borne, Première ministre présentait les
propositions retenues par le gouvernement en matière de logement à
l’issue du CNR. Quelle est votre réaction ?
Pascal Boulanger. Entre
la déception et la colère. Depuis sept mois, toutes les parties
prenantes concernées par l’acte de construire, l’immobilier et
le logement ont beaucoup travaillé. Dans le cadre du CNR, tout le
monde a joué le jeu, a parlé d’une même voix pour proposer des
mesures très intéressantes. Avec quel résultat ? Le
gouvernement n’en a retenue pratiquement aucune. Cela nous met hors
de
nous. Lors d’un récent rendez-vous avec des promoteurs,
Bruno Le Maire nous a expliqué ses contraintes du fait de la
situation difficile des finances publiques, des enjeux de notation,
des règles de l’Europe en matière de déficits publics…
Nous
nous félicitons d’avoir un ministre de l’Économie rigoureux. En
revanche, nous ne comprenons pas que des mesures que nous avions
proposées
qui
ne représentent pas un coût pour l’État n’aient pas été
retenues. Nous avons le sentiment que nous allons vers une
restriction de l’accès au logement.
En
dépit de la déception globale, jugez-vous qu’il subsiste des
mesures de nature à favoriser l’activité des promoteurs qui
subissent à la fois une diminution de la demande et une crise de
l’offre ?
Il
faut vraiment réfléchir longtemps pour les trouver… Une mesure
pourrait, en effet, aider à stimuler la demande. En plus de la
prolongation du rythme mensuel de révision du taux d’usure, Bruno
Le Maire, qui préside le Haut Conseil de stabilité financière
(HCSF), va faire pression pour que les banques soient autorisées à
lâcher un peu de mou sur le taux d’endettement… Une autre mesure
relève d’une bonne intention, celle du rachat de 17 000 logements
par CDC Habitat. Mais en fait, ils en achètent déjà 15 000. De
plus, il faudra voir quelles sont les conditions précises de ce
rachat.
En effet, de nombreux adhérents nous signalent que ces
propositions sont inférieures au prix de revient. Pour bien faire,
il faudrait que l’État abonde aux côtés de CDC Habitat qui a ses
propres impératifs. On me parle aussi souvent du PTZ, Prêt à Taux
Zéro. Il est vrai qu’il est prolongé de trois ans, mais de
nombreuses communes ont été retirées du dispositif, ainsi que la
maison individuelle. L’impact est moindre pour la FPI spécialisée
dans la construction verticale, mais les constructeurs de maisons
individuelles sont vent debout !
Quelles
mesures vous sembleraient indispensables à relancer l’activité,
et comment les défendre, après cet échec auprès du gouvernement ?
Parmi
les mesures que nous demandions, trois me semblent particulièrement
importantes. La première est une aide aux «maires
bâtisseurs». Les plus actifs se verraient reverser une partie
de la TVA sur les travaux, mesure qui aurait aussi bénéficié à
Bercy. Nous voulons aussi à revenir à l’ancien dispositif Pinel,
le nouveau ne fonctionnant pas. Et enfin, nous demandons des mesures
d’exception avec une exonération de droits de succession des
logements neufs achetés,
sous
certaines conditions.
Notre activité est à l’arrêt, alors que la
période est favorable à l’achat dans l’immobilier neuf :
les taux d’intérêts sont plus bas que l’inflation, et
contrairement à ce qui se passe dans l’ancien, les prix ne vont
pas redescendre, car ce sont des prix techniques. Les dispositions
gouvernementales annoncées sont très décevantes, mais nous ne
pouvons pas nous résigner, car les perspectives d’activité pour
2023 sont
pires
encore.
Avec plusieurs autres fédérations,
nous avions écrit une lettre ouverte mi-mai au président
de la République.
Nous
n’avons pas eu de réponse. Nous allons donc nous tourner vers les
parlementaires qui semblent
être
plus
à l’écoute... Ce qui ne passe pas par la voie réglementaire
pourrait passer par celle législative.