Entretien avec Grégoire Héaulme, directeur régional de l'ADIE
«Notre rôle est de lever tous les freins à l'entrepreneuriat»
A travers un coaching et un suivi personnalisé auxquels s'ajoute un coup de pouce financier, l'ADIE accompagne toutes celles et ceux qui souhaitent entreprendre, même les plus fragiles. Pour de nombreuses femmes, l'entrepreneuriat s'apparente plus à des montagnes russes qu'à un long fleuve tranquille. L'ADIE1 intervient ainsi pour lever les freins à l'entrepreneuriat. Rencontre avec Grégoire Héaulme, directeur régional de l'association.
La Gazette : L'ADIE (Association pour le droit à l'initiative locale) existe depuis plus de 30 ans en France. Quel est son rôle auprès des porteurs de projets ?
Grégoire Héaulme : Ce qui nous anime avant tout, c'est d'aider toutes les personnes qui souhaitent devenir entrepreneurs à se lancer dans l'aventure entrepreneuriale. En France, nous accompagnons 33 000 personnes, 1 300 en Hauts-de-France. Aujourd'hui, le taux de pérennité des projets que nous soutenons s'avère très élevé, preuve en est : 81% des entreprises sont toujours viables au bout de trois ans.
Nous
accompagnons les porteurs de projets à la fois avant, pendant et
après la création. Au départ, nous analysons le projet, puis nous
étudions le besoin financier, la capacité de remboursement ainsi
que l'adéquation entre le projet et le porteur de projet. Si
celui-ci remplit ces différents critères, l'ADIE peut octroyer des
prêts de 4 000€ en moyenne et pouvant aller jusqu'à 12 000€.
En quoi consiste concrètement l'accompagnement des entrepreneurs ou futurs entrepreneurs ?
L'ADIE
propose un accompagnement à la carte en fonction de la maturité du
projet. Nous aidons au montage du projet lorsque celui-ci n'est pas
encore bâti. A travers des rendez-vous en one to one, nous
réfléchissons au prévisionnel financier, aux coûts qu'engendrera
l'activité et bien d'autres points. Nous proposons également des
modules de formation collectifs afin de briser l'isolement de
l'entrepreneur. Ces formations sont tournées par exemple vers
l'utilisation des réseaux sociaux, le digital ou encore le
développement commercial. Une fois que l'entreprise est lancée, l'ADIE continue de suivre les entrepreneurs.
Quelle est la typologie des entreprises accompagnées ?
Ce
sont principalement des micro-entreprises et à 75% des entreprises
individuelles. En région Hauts-de-France, nous avons reçu 1 977
candidatures en 2021 et sélectionné 1 300 dossiers. 52% des projets
retenus concernent le commerce, 28% les services, 6% les transports,
5% la restauration et 3% l'artisanat.
Il existe de nombreux freins à la création d'entreprise, chez les femmes notamment. Quels sont-ils précisément ?
En 2021, les femmes représentaient 42% des créateurs d’entreprise financés par l'Adie Hauts-de-France. Malheureusement, il existe encore un décalage, pour beaucoup d'entre elles, entre l'envie d'entreprendre et le passage à l'acte. A travers une étude que nous avons réalisée récemment auprès de 500 femmes et avec le cabinet Egae, nous avons constaté que de nombreux freins persistaient encore.
L'accès au financement représente le principal écueil :
les femmes effacent deux fois plus de refus de la part des banques
que les hommes, et pourtant les femmes affichent des montants
prévisionnels généralement plus prudents que leurs homologues
masculins. La conciliation vie de famille et vie professionnelle
représente le deuxième obstacle, avec très souvent le discours du
conjoint qui freine l'envie de se lancer. Le manque de soutien de la
part de l'entourage, qui est une forme de sexisme, ainsi que le manque
de confiance en soi représentent les derniers freins à
l'entrepreneuriat féminin. Cette étude a permis à l'ADIE de mieux
comprendre les problématiques des porteurs de projet et donc de
mieux agir.
Comment l'ADIE agit pour lever ces freins ?
Nous
travaillons sur différents volets, à la fois la sensibilisation, la
formation et la communication. Les équipes en interne (salariés et
bénévoles de l'ADIE) sont formés sur la posture d'accompagnateur,
le discours et les bonnes pratiques pour accélérer l'envie
d'entreprendre. Sur le volet sensibilisation, notre objectif est de
convaincre les femmes de se lancer, leur donner confiance en soi, les
mettre en réseau et leur prouver qu'un panel de solutions existe.
Enfin, sur le volet communication, notre rôle est de faire bouger les
lignes. Nous préparons un livre blanc et notre mission consiste
également à interpeller les politiques sur l'égalité
femmes-hommes dans l'entrepreneuriat.
La crise a-t-elle insufflé une nouvelle dynamique d'entrepreneuriat ?
Nous
avons effectivement observé une envie d'entreprendre plus forte en
période post-covid. De nombreux Français ont décidé de quitter
leur emploi pour vivre de leur passion. Derrière cette tendance,
il y avait deux motivations, celle d'être autonome et indépendant, mais aussi celle de donner plus de sens à son travail et à sa vie.
Quelles sont les ambitions de l'ADIE dans les années à venir dans les Hauts-de-France ?
Tout
simplement d'aider le maximum de personnes à se lancer dans la voie
de l'entrepreneuriat. Nous accompagnons 1 300 entrepreneurs en
région, l'enjeu est d'aller encore plus loin, d'être le plus près
possible du public et d'avoir davantage d'impact sur
l'entrepreneuriat en région.
1. L'ADIE compte une soixantaine de salariés-bénévoles en
Hauts-de-France répartis sur les différentes agences de Lille,
Valenciennes, Dunkerque, Lens, Calais, Amiens et Nogent-sur-Oise.
«On aurait abandonné sans l'ADIE»
Chraibi El Kebira a ouvert son restaurant de spécialités orientales à Malo-Les-Bains il y a cinq mois. Baptisé Kabi, cet établissement de 120 m², installé dans la zone commerciale du Méridien, compte aujourd'hui 40 couverts. Face à des difficultés de financement rencontrées auprès des banques, la cheffe d'entreprise, accompagnée de son mari, a sollicité l'ADIE pour pouvoir réaliser son projet. «Nous avons déposé un dossier à l'ADIE et avons eu plusieurs rendez-vous individuels par la suite. Cette association nous a donné un vrai coup de pouce et a tout débloqué au niveau du financement avec un prêt octroyé à hauteur de 10 000€. Sans l'ADIE nous aurions sûrement abandonné le projet, ils nous ont sauvé», témoigne Chraibi El Kebira. Comme elle, de nombreuses femmes se tournent vers l'ADIE pour concrétiser leur projet d'entrepreneuriat.