Conjoncture
Mode : la vente de vêtements neufs en France s’effiloche
En 2023, les Français ont acheté moins de vêtements neufs qu'en 2022, selon les chiffres de Refashion, l'éco-organisme de la filière. Mais l'essor de la seconde main ne suffit pas à expliquer cette tendance.
Pour la première fois depuis 15 ans, hormis durant le Covid, les achats de textiles neufs et chaussures ont diminué en France en 2023. Le 11 juin, à Paris, Refashion, l’éco-organisme de la filière textile d'habillement, linge de maison et chaussures en France, présentait un «Baromètre annuel des mises en marché de textiles neufs et chaussures en France» et une étude Kantar consacrée au comportement des consommateurs. Les deux études confirment un même phénomène : les Français ont restreint leurs achats de produits textiles neufs. Au total, en 2023, 3,24 milliards de pièces neuves ont été achetées, contre 3,33 en 2022. «Nous constatons un tassement des ventes de l'ordre de 2,6%. Les Français ont acheté 86 millions de pièces neuves de moins que l'an dernier», note Sandra Baldini, directrice du pôle consommation de Refashion. Structurellement, les vêtements concentrent l'essentiel des ventes (2,6 milliards de pièces), devant les chaussures (250 millions) et le linge de maison (321 millions). En 2023, c'est la catégorie des vêtements qui a connu la plus forte baisse. En particulier, les Français ont réduit leurs achats de produits pour les enfants. En moyenne, ils ont acheté deux articles de moins sur l’année pour eux (52 pièces, contre 54 auparavant), tandis que le nombre de pièces achetées pour les hommes restait stable (18) et celui des femmes diminuait de un pour passer à 30. Autre tendance révélée par l'étude, en termes de produits, «l'essentiel de la baisse se concentre sur les sous-vêtements et les tee-shirts. Il est possible que les Français économisent sur les pièces qui ne se voient pas», avance Sandra Baldini. Le segment des chaussures a aussi connu une baisse de ses ventes en 2023 (- 2 %). À l'inverse, certaines (petites) catégories de vêtement ont vu les achats augmenter : + 57,5 % pour les costumes pour hommes, + 25,1 % pour les salopettes combinaisons. Et le segment du linge de maison a connu une hausse des ventes (+ 2,2 %). Concernant les circuits de distribution, «nous constatons une très forte progression des pure playeurs et des soldeurs», ajoute Sandra Baldini.
Toute petite seconde main
Les résultats de l'étude de Refashion, s'accordent avec les conclusions de celles de Kantar, qui dessinent un comportement des Français qui doivent réaliser des arbitrages budgétaires et d'habitudes de consommation qui évoluent. «En France, l'achat de produits petits prix est l'affaire de tous», confirme Hélène Janicaud, directrice Fashion Insights - Kantar Worldpanel. Aujourd’hui plus de sept achats sur 10 sont réalisés sur des produits dits d’entrée de gamme (inférieurs à la moyenne du marché). Côté distribution, de nombreux acteurs se sont spécialisés dans les produits très accessibles, comme Action ou Stokomani. Et même ceux généralistes proposent aussi une gamme de produits basiques. Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à se tourner vers cette offre, à commencer par les catégories plus modestes qui les achètent en quasi-exclusivité. «Mais il y a aussi un public plus large de consommateurs qui estiment que ces produits sont d'un rapport qualité prix satisfaisant et qu'ils répondent au besoin de s'équiper au quotidien», analyse Hélène Janicaud. De fait, sous-vêtements et produits chaussants (aussi achetés par lots) constituent l'essentiel des achats premier prix. En revanche, «les produits moyenne gamme sont achetés plutôt pour le plaisir, ou pour des occasions particulières», complète Hélène Janicaud. C'est par exemple le cas pour le prêt-à-porter. L'étude de Kantar tord le cou à une idée assez largement répandue - source d'optimisme pour certains, d'angoisse pour d'autres - : «le marché de l'occasion n'est pas le facteur clé du recul des ventes des produits neufs», affirme Hélène Janicaud. En effet, les chiffres de la seconde main, très modestes, ne sont pas d'ampleur à expliquer la baisse de la consommation. Les produits d'occasion ne représentent pour l'instant que 4 % des achats de vêtements. Et 13 % seulement des consommateurs en achètent régulièrement. La tendance est néanmoins dynamique, portée par une double logique d'économies et de responsabilité sociétale : le nombre d'adeptes a augmenté de 11 % l’an dernier, par rapport à 2022.
«Le marché de l'occasion n'est pas le facteur clé du recul des ventes des produits neufs.»
Hélène Janicaud, directrice Fashion Insights - Kantar Worldpanel.