Marché public : quels recours pour les candidats évincés ?
Pour une entreprise, la perte d’un marché public s’avère souvent cuisante. Quand elle était titulaire du précédent marché dont elle tirait l’essentiel de son chiffre d’affaires, elle devient même dramatique. Certes, le candidat malheureux pourra inviter l’acheteur public à renoncer à l’attribution du marché. Espoir déçu, le plus souvent. Reste le procès. De fait, deux recours s’offrent à lui : le référé précontractuel et le recours en contestation de validité, les deux pouvant être exercés successivement.
Le référé précontractuel.
Tout opérateur économique ayant, par son activité professionnelle, un intérêt à conclure le contrat envisagé peut former un référé précontractuel. Ce recours doit impérativement être introduit avant la signature du contrat. Le requérant ne peut invoquer que les manquements de l’acheteur public à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, lors de la passation du contrat, susceptibles de l’avoir lésé. Ainsi ont déjà été sanctionnés : l’insuffisance d’information sur les quantités ou la nature du besoin; l’application de critères ou de souscritères de sélection non, ou insuffisamment, portés à la connaissance des candidats; une erreur de fait commise dans l’analyse des capacités ou de l’offre de l’entreprise évincée…
Le juge peut annuler la consultation litigieuse, ce qui oblige l’acheteur public à lancer une nouvelle consultation, ce qui offre une seconde chance à l’entreprise écartée. Enfin, en principe, le juge dispose d’un délai maximum de 20 jours pour se prononcer, ce qui n’est pas le moindre des mérites d’un tel recours.
Le recours en contestation de validité du marché public. Encore appelé recours “Tropic”, celui-ci ne peut être engagé qu’après la signature du contrat. Peut former un tel recours tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, alors même qu’il n’aurait pas présenté sa candidature, qu’il n’aurait pas été admis à présenter une offre ou qu’il aurait présenté une offre non conforme aux exigences de la consultation. La requête doit être exercée dans un délai de deux mois “à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées”.
Cette fois, tous les moyens susceptibles de remettre en cause la validité du contrat peuvent être invoqués : manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, illégalités des actes détachables du contrat (exemple : délibération autorisant la signature) et vices affectant le contrat lui-même. Le juge dispose de pouvoirs étendus (résiliation, annulation totale ou partielle, etc.) qu’il module en fonction de la nature du vice entachant le marché. Seule une irrégularité affectant gravement la procédure de sélection du titulaire du marché attaqué (exemple : modification des critères de sélection des offres en cours de consultation) peut entraîner son annulation. Encore faudra-t-il qu’une telle annulation ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général. A sa demande d’annulation du contrat, le requérant pourra ajouter celle de voir le juge condamner le pouvoir adjudicateur à lui verser une indemnité. Il devra d’abord en faire la demande à l’administration (sauf en matière de travaux publics), puis, en cas de rejet, saisir le juge. Trois possibilités se présentent alors. Si le candidat était dépourvu de toute chance de succès, il n’a droit alors à aucune indemnité. Si le candidat n’était pas dépourvu de toute chance de remporter le marché, il a droit au remboursement des frais de présentation de l’offre. Enfin, si le candidat avait des chances sérieuses d’emporter le contrat, il a droit à l’indemnisation de l’intégralité de son manque à gagner, déterminé en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché s’il l’avait obtenu. Toute autre demande (réparation du préjudice commercial, etc.) est en principe vouée au rejet.
Si le recours “Tropic” n’est donc pas dénué d’intérêt, force est de constater que le délai de jugement – qui dépasse souvent les dix-huit mois – peut rebuter plus d’un opérateur économique. On lui conseillera alors de former sa demande indemnitaire devant le juge du référéprovision, qui y accèdera pour autant que la créance de l’administration ne lui paraît pas sérieusement contestable. Le délai moyen de jugement n’est alors que de cinq à six mois…
Etienne COLSON,
avocat au barreau de Lille
(contact@colson-avocat.fr)