Marché public : quand le minimum est dû !

Quand un pouvoir adjudicateur s’engage, dans le cadre d’un marché public, à commander des prestations pour un minimum déterminé, son prestataire a droit à ce que ce minimum soit honoré. Deux hypothèses sont envisageables.

Première hypothèse : le marché ne prévoit rien quant à l’indemnité que l’acheteur public s’engage à verser, en pareil cas, à son cocontractant. Ce dernier a alors droit à l’indemnisation du bénéfice net que lui aurait procuré le montant minimal des prestations prévues. Mais, attention : si l’opérateur économique se contente de mentionner le pourcentage correspondant à sa marge commerciale brute, le juge peut fixer son bénéfice en fonction du taux de marge net habituellement retenu dans le secteur d’activité en cause. Pis, le juge peut rejeter l’intégralité des demandes indemnitaires du titulaire du marché, si celui-ci se borne à mentionner un montant irréaliste de marge brute. En plus du bénéfice net, le titulaire peut aussi prétendre à l’indemnisation des coûts afférents au personnel demeuré à son service sans pouvoir être affecté à d’autres tâches.
Seconde hypothèse : le contrat détermine les modalités de fixation de l’indemnité à verser par l’administration. C’est le cas, par exemple, de l’article 16.2 de l’actuel cahier des clauses administratives générales (CCAG) travaux, qui énonce : “Lorsqu’au terme de l’exécution d’un marché à bons de commande, le total des commandes du pouvoir adjudicateur n’a pas atteint le minimum fixé par le marché, en valeur ou en quantités, le titulaire a droit à une indemnité égale à la marge bénéficiaire qu’il aurait réalisée sur les prestations qui restaient à exécuter pour atteindre ce minimum. Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution qui n’aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées.”
Si cette clause figure dans le marché, l’opérateur économique pourra évidemment s’en prévaloir. Pour ce faire, il lui importera d’être attentif aux dispositions contractuelles relatives aux différends opposant les parties aux contrats. En effet, de deux choses l’une : soit le contrat est muet sur le sujet et, dès lors, le titulaire devra adresser au pouvoir adjudicateur une demande indemnitaire dans le délai de la prescription quadriennale ; soit, le plus souvent, le marché impose au titulaire de formaliser sa demande dans un “mémoire de réclamation” envoyé à l’administration dans un délai déterminé (le plus souvent, de l’ordre de 15 jours à un mois). En cas de réponse négative de l’acheteur public, il restera au titulaire de saisir le juge administratif, le cas échéant en référé, ce qui lui assurera une “réponse” judiciaire sous un mois. Il pourra aussi préférer transiger.
En tout état de cause, on ne saurait trop lui conseiller d’apporter le plus grand soin à la démonstration de son préjudice. Ainsi, le calcul de la marge nette susvisée gagnera à être étayé par des pièces aussi précises que parfaitement intelligibles. On ne compte plus les jugements aux termes desquels les magistrats – dont l’office n’exige pas d’être doués de compétences approfondies en comptabilité – ont rejeté les prétentions indemnitaires parce que dénuées de pièces justificatives probantes. Ainsi, la seule attestation du commissaire aux comptes certifiant que les calculs de l’opérateur économique sont “cohérents” n’est-elle pas suffisante. Dans le cadre d’une transaction, le titulaire du marché est tenu aux mêmes exigences. Là encore, sous peine de recours du préfet issu de son contrôle de légalité, le cocontractant de l’administration devra détailler les modalités de calcul de son préjudice via des pièces comptables irréfutables. A ce prix, et à ce prix seulement, le titulaire sera rempli de ses droits. Considérant la consécration que la réalité donne à ces quelques lignes, ce serait justice…

Etienne COLSON,
avocat au barreau de Lille (contact@colson-avocat.fr)