Mais où est passée la croissance ?

L’Insee annonce une croissance plus faible en 2018 qu’en 2017, soit 1,6%. Après un trou d’air assez marqué en début d’année, l’économie française évite cependant l’inertie. En conséquence, le pouvoir d’achat devrait progresser et le chômage continuer de baisser un peu.

Les immatriculations automobiles ont bondi pendant l’été. © Samuel Dhote
Les immatriculations automobiles ont bondi pendant l’été. © Samuel Dhote

Début 2018, moins d’un an après la dernière élection présidentielle, une croissance robuste, accompagnée de créations d’emplois, donnait le sourire aux partisans d’Emmanuel Macron, qui croyaient y voir une récompense du volontarisme présidentiel. Mais les mois ont passé et l’optimisme s’est terni. L’économie française «a enchaîné deux trimestres consécutifs de ‘trou d’air’ à 0,2% de croissance», communique l’Insee dans sa note de conjoncture, publiée début octobre. Ce coup de frein inattendu s’explique certes par la conjoncture internationale, marquée par la remontée des prix du pétrole et «l’incertitude liée aux tensions protectionnistes», écrivent les conjoncturistes. Mais les causes de la faiblesse de l’activité sont aussi hexagonales. En France, «la croissance s’est tassée davantage que dans la zone euro», indique l’institut. Au printemps, «la consommation des ménages a pâti des grèves dans les transports», assurent-ils, et les températures élevées enregistrées dès la fin avril ont limité la consommation d’énergie.

 

Retour de la consommation

 

Et pour la fin de l’année ? L’Insee n’est pas totalement pessimiste. Les conjoncturistes expliquent que «l’environnement international reste porteur, mais incertain». L’économie américaine «continuerait de progresser à vive allure», constate Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l’Insee. Mais la politique budgétaire de Donald Trump pourrait toutefois «faire apparaître, à terme, des risques de surchauffe». Par ailleurs, les tensions diplomatiques entre les Etats-Unis et certains pays émergents accroissent les difficultés liées au retour de l’inflation. Si le Brexit provoque une inquiétude lancinante, la Chine continue de produire et d’exporter à tout va. Le commerce mondial retrouverait donc un certain dynamisme d’ici la fin de l’année, affirment les conjoncturistes, en se basant sur le niveau élevé du climat des affaires enregistré dans l’ensemble des pays riches.

Dans la zone euro, l’Allemagne et l’Espagne s’en sortent avec une croissance plus élevée que l’Italie ou la France. La confiance des ménages et la consommation restent élevées, et la création d’emplois continue de progresser. La France devrait rattraper ses voisins européens, en cette fin d’année. Pour étayer cette conviction, l’Institut de statistique table tout d’abord sur un «retour à la normale» dans les secteurs des transports et de l’énergie : la grève à la SNCF est terminée et l’hiver va finir par revenir…

Par ailleurs, «la consommation des ménages bénéficierait de la vigueur retrouvée du pouvoir d’achat». Elle progresserait au même rythme que l’an passé (+1,1%). Enfin, il n’a pas échappé aux statisticiens que les immatriculations automobiles avaient bondi pendant l’été. Les constructeurs ont en effet cherché à échapper aux nouvelles normes de pollution intervenues le 1er septembre. Craignant que leurs modèles ne passent plus les contrôles, ils les ont immatriculés en août, afin qu’ils soient vendus à prix cassés par les concessionnaires.

Les immatriculations automobiles ont bondi pendant l’été. © Samuel Dhote

La combinaison de tous ces éléments amène l’Insee à prévoir, pour le PIB français, une croissance de 0,5% au troisième trimestre et de 0,4% pour le quatrième. Au total, la croissance atteindrait donc 1,6% pour 2018, soit une baisse par rapport aux 2,3% de 2017. L’OCDE, d’une part, et la Banque de France, d’autre part, tablent elles aussi sur une croissance de 1,6%. Le gouvernement sur 1,7 %, dans le cadre du budget 2019.

 

Légère baisse du  taux de chômage

 

L’emploi serait ainsi pénalisé par une croissance moins élevée que l’an dernier. L’Insee prévoit la création de 129 000 emplois en 2018, contre 342 000 en 2017. Le taux de chômage officiel continuerait tout de même de baisser, atteignant 8,9% à l’automne. La vigueur de l’économie française repose en partie sur l’enthousiasme des ménages à effectuer des dépenses. Celui-ci devrait se maintenir à la fin de l’année. Pour une raison mécanique, d’abord : les personnes qui travaillent consomment davantage que les chômeurs. Ensuite, si l’inflation, qui a atteint 2,3% en juillet et août 2018, contre seulement 0,9% un an plus tôt, ralentirait un peu le pouvoir d’achat, la matérialisation de la baisse de la taxe d’habitation pour certains et la baisse des cotisations salariales devraient donner un peu de répit aux ménages.

Mais les consommateurs ne sont pas dupes. Lorsque l’avenir s’assombrit, ils se mettent aussitôt à épargner. Un événement un peu anxiogène, comme la faible revalorisation des pensions de retraites et des allocations, fin août, incite les ménages à remplir leur bas de laine. L’Insee table tout de même sur une nouvelle baisse de l’épargne en fin d’année, après une nette augmentation dans les six premiers mois de 2018. Les entreprises se montrent moins timorées que les particuliers. Elles devraient continuer à investir, à peine moins qu’en 2017 (+3,6%, après 4,4 %). Enfin, de grosses ventes d’avions sont attendues d’ici la fin de l’année, ce qui renforcera les chiffres du commerce extérieur.

Comme toujours, l’Insee assortit sa note de conjoncture d’aléas. L’un des principaux périls vient cette fois-ci des Etats-Unis et de la guerre commerciale lancée par Donald Trump. «Les incidences du relèvement des barrières douanières ont été limitées jusqu’à présent, mais les échanges mondiaux pourraient être plus nettement affectés si d’importantes mesures supplémentaires étaient mises en œuvre», écrivent les conjoncturistes. Et chacun sait désormais que l’on n’est jamais à l’abri d’une surprise avec le président américain.