Maintenir la fluidité du trafic, priorité numéro un
Avant l'échéance du 1er janvier prochain, où le Royaume-Uni quittera effectivement l'Union Européenne, Eurotunnel met en place une solution pour que le fret puisse passer la frontière de la façon la plus fluide possible, même en cas de no deal...
Dans les cauchemars des transporteurs, il y a des files de camions interminables à l’entrée du Tunnel sous la Manche et du port de Calais le 1er janvier. À Eurotunnel, chacun travaille dans l’objectif que le Brexit se passe de la façon la plus sereine possible. Dans ce cadre, l’entreprise a développé Eurotunnel Border Pass, un formulaire en ligne à remplir en amont de la traversée, jusqu’à 30 minutes avant l’embarquement, pour déclarer les marchandises à la fois aux douanes, aux services vétérinaires ainsi que les marchandises potentiellement dangereuses avant de passer la frontière. «Nous avons présenté le dispositif aux quelque 2 000 à 2 500 clients», explique Christian Dufermont, directeur fret d’Eurotunnel. «Qu’il y ait un accord ou pas, il y aura de nouvelles formalités à remplir. La question principale est de savoir lesquelles exactement. Un accord pourra être trouvé, mais même en cas de no-deal, nous serons prêts.»
Des investissements massifs
Les chauffeurs dont la démarche aura été remplie en amont grâce à l’Eurotunnel Border Pass pourront passer au pit stop grâce à la lecture de leur immatriculation – des caméras disposées à l’avant et à l’arrière du véhicule lisent les plaques du tracteur et de la remorque – et passeront comme avant… à l’exception de ceux qui auront un contrôle plus poussé, qui auront une voie dite «orange» réservée et quitteront le flux à la sortie du Tunnel pour se soumettre aux contrôles douaniers, vétérinaires… Ceux qui n’auront pas choisi de remplir ces formalités par avance disposeront de codes-barres qu’il sera possible de scanner très rapidement pour les salariés du site – une soixantaine de salariés ayant été recrutés en anticipation du Brexit. Les données sont transmises directement aux autorités compétentes, d’une façon comme d’une autre. «Nous voulions à tout prix que ces contrôles se fassent en-dehors du flux de véhicules», précise le directeur fret. «Notre priorité est de maintenir la fluidité du trafic.» Au total, entre le site dédié à la douane et au SIVEP qu’elle a construit en propre (et qu’elle louera aux autorités), les équipements pour les contrôles frontaliers, les bâtiments pour les formalités à l’export, le nouveau parking de 260 places et l’augmentation de la capacité du pit-stop, l’entreprise aura investi 47 millions d’euros.
La «bascule»
Tous ces changements devront entrer en vigueur au 1er janvier 2020. Si pour l’essentiel, Eurotunnel a prévu de fluidifier les passages, les contrôles devront bien entrer en vigueur à une heure précise, au-delà de laquelle les changements interviendront : ce sera l’heure de la «bascule». C’est bien dans ces premières heures du Brexit que le trafic pourrait être perturbé, et le site être mis sous pression. «75% de nos clients passent au moins une fois par semaine. Passée cette période de rodage, les choses devraient vite rentrer dans l’ordre.»
Des changements sur le marché
«Les grosses entreprises de transport, habituées aux frontières, sont déjà prêtes, ce n’est qu’une frontières de plus, analyse Christian Dufermont. Les plus petites, en revanche, vont devoir s’adapter.» Un certain nombre d’entreprises disposent déjà d’un service douanier. Les plus petites structures, qui n’ont pas l’habitude de travailler vers le Maroc (comme certaines société espagnoles), la Suisse ou les pays de l’Est européen auront probablement plus de mal à s’adapter à ces nouvelles règles. C’est toute une filière qui est appelée à se restructurer, avec de petits acteurs qui deviendront sûrement des sous-traitants pour de plus grands acteurs, selon le directeur fret d’Eurotunnel.