Macron transforme le paysage de la recherche française
Emmanuel Macron a lancé jeudi les grands travaux pour réorganiser la recherche publique française afin que le pays reste "une grande Nation de savoirs", rouvrant au passage le chantier à...
Emmanuel Macron a lancé jeudi les grands travaux pour réorganiser la recherche publique française afin que le pays reste "une grande Nation de savoirs", rouvrant au passage le chantier à hauts risques de l'autonomie des universités.
Depuis l'Elysée où il avait réuni plusieurs dizaines de chercheurs, le chef de l'Etat a annoncé une "vraie révolution" de l'écosystème de recherche, souvent décrié pour sa trop grande complexité et ses lourdeurs bureaucratiques.
Objectif: remédier à un "morcellement" qui affaiblit la position mondiale des chercheurs hexagonaux, et in fine la capacité de la France à figurer au premier rang des innovations scientifiques.
"Ce morcellement désordonné nous prive de nous concentrer sur de grands défis partagés, nous empêche d’être réactifs en cas d’urgence et diminue notre capacité parfois d'être attractif aussi dans le monde", a-t-il estimé.
M. Macron a déploré l'"étrange défaite" du vaccin contre le Covid-19, la France ayant découvert le principe de l'ARN messager mais n'ayant pas su mettre au point le remède.
"La France est passée du sixième au neuvième rang entre 2005 et 2017 en termes de volume mais aussi de qualité des publications", a-t-il en outre rappelé.
Face au risque de déclassement, mais sans oublier de vanter son bilan depuis 2017 avec les milliards d'euros promis par la loi de programmation sur la recherche (+25 milliards d'euros sur 10 ans) et ceux du programme d'investissement France 2030, M. Macron a engagé une vaste transformation du rôle des grands organismes nationaux de recherche, comme le CNRS, l'Inserm, l'Inrae....
Un Conseil présidentiel de la science
Ces organismes doivent se transformer "en de vraies agences de programmes", qui seront "stratèges" dans des thématiques données pour tout l'écosystème de la recherche publique.
Le CNRS, premier organisme de recherche (28.000 scientifiques et environ un millier de laboratoires), se voit ainsi confier la mission de coordonner l'ensemble des recherches sur le climat, la biodiversité et les sociétés durables.
"Ce sont des enjeux majeurs et le fait qu'on puisse coordonner l'ensemble des acteurs, c'est plutôt une bonne idée", a réagi le PDG du CNRS, Antoine Petit, auprès de l'AFP.
Emmanuel Macron a aussi promis un "choc de confiance" pour les chercheurs qu'il veut débarrasser d'une "bureaucratie" qui "mange énormément de temps de recherche".
"Avec quel budget ?", s'interroge Catherine Nave-Bekhti du Sgen-CFDT. "En ce moment, ce dont nous parlent nos adhérents, c'est la faiblesse des financements récurrents qui les amène à passer trop de temps à chercher des financements", rapporte la syndicaliste.
Le chef de l'Etat a également installé un "Conseil présidentiel de la science" chargé de l'éclairer sur les enjeux scientifiques d'avenir, composé d'une dizaine de chercheurs dont les prix Nobel de physique Alain Aspect et d'économie Jean Tirole.
Cette instance "n'a pas vocation à jouer le rôle" du Conseil scientifique mis en place durant la pandémie de Covid-19, ni à se "substituer" à l'Académie des sciences, précise le président de la République.
"Il demande d'avoir un échange plus direct, plus franc. Ca ne peut être que bénéfique", a fait valoir le mathématicien Hugo Duminil-Copin, lauréat de la médaille Fields et membre du Conseil présidentiel de la science.
Mais pour Jean-Michel Minovez du Snesup-FSU, premier syndicat de l'enseignement supérieur et de la recherche, cette instance relève d'une "hyper présidentialisation" et d'un "pilotage par le haut" qui nuit à la "logique collaborative" dont les découvertes sont le fruit.
Sans tabou
En dévoilant cette nouvelle feuille de route, M. Macron en a profité pour prôner davantage "d'autonomie" aux universités pour qu'elles "organisent et gèrent la recherche" au niveau local.
"Ce que je leur propose, c'est d'ici à dix-huit mois d'ouvrir l'acte deux de l'autonomie et d'aller vers la vraie autonomie", a-t-il lancé.
"Il faut avancer sans tabou" sur "les enjeux de gouvernance, de modèle économique et, en effet, bâtir des vrais contrats d'objectifs, de moyens et de performance avec des financements beaucoup plus incitatifs", a-t-il ajouté.
Le président Macron s'est gardé d'évoquer une modification du "statut" des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche, un casus belli pour les syndicats du secteur.
L'acte un de l'autonomie, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avait donné lieu à un long bras de fer entre l'exécutif et les enseignants-chercheurs rejoints par les syndicats étudiants durant l'hiver 2007/2008.
La loi Liberté et responsabilités des universités (LRU) d'août 2007, dite "loi Pécresse", a transformé la gouvernance des universités en leur conférant plus d'autonomie: les établissements gèrent leur budget (les grands axes ne sont plus prédéterminés par l'Etat) et leurs ressources humaines (notamment la masse salariale).
"On a besoin de plus d'autonomie car on a besoin d’être plus agile, pour décliner des politiques publiques de recherche", a salué Guillaume Gellé, président de France Universités.
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