Loi d’orientation agricole : un premier train de mesures pour soutenir l’agriculture
Le Parlement a réussi, in extremis, à boucler l’examen de la loi d’orientation agricole juste avant l’ouverture du Salon de l’agriculture. Pour les agriculteurs, ces premières mesures ne sont pas suffisantes. Et la gauche et les Écologistes dénoncent un net recul sur le plan environnemental.

« L’agriculture est toujours en crise » en France, après une année 2024 marquée par les aléas climatiques qui ont affecté les récoltes et les crises sanitaires qui ont frappé les éleveurs, et « la tension reste importante », a déclaré Pierrick Horel, président du syndicat Jeunes Agriculteurs, lors d’une conférence de presse organisée juste avant l’ouverture du 61e Salon international de l’agriculture, à Paris.
« C’est loin d’être suffisant »
La veille, le Sénat avait définitivement adopté le projet de loi d’orientation pour « la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture », à l’issue d’une longue année de concertation organisée par les pouvoirs publics, suivie d’une autre longue année de débat parlementaire, interrompu par la dissolution de la chambre basse et la censure du gouvernement de Michel Barnier. Un texte qui va « dans le bon sens, mais c’est loin d’être suffisant », a poursuivi Pierrick Horel. « Ce ne sera pas le grand soir, parce que tout ce dont nous avons besoin n’y figure pas ».
Pour les Jeunes Agriculteurs, il faut notamment « rediscuter de la question des revenus », alors que les négociations commerciales annuelles entre producteurs et distributeurs vont s’achever, établir « un plan de défense de l’agriculture française à l’international », à l’heure de la réforme de la PAC (Politique agricole commune) et afin de se protéger des « attaques douanières qui peuvent être violentes pour l’agriculture ». Et aussi travailler à « une grande loi sur le foncier » pour permettre aux nouveaux agriculteurs d’y accéder et de le valoriser.
Un texte un peu « fourre-tout »
Initialement dédié à la problématique du renouvellement des générations en agriculture – formation, installation, transmission… –, la loi d’orientation agricole a été considérablement étoffée par le gouvernement pour répondre au mouvement de colère des agriculteurs qui s’était manifesté un peu partout en France, début 2024. Au point de devenir un peu « fourre-tout », ont estimé les parlementaires, tous bords politiques confondus.
Le texte prévoit notamment de modifier le Code rural et de la pêche maritime pour affirmer le caractère « d’intérêt général majeur » de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture qui garantissent la souveraineté alimentaire de la France, ainsi qu’un principe de non-régression de la souveraineté alimentaire – susceptible d’être censuré par le Conseil constitutionnel – destiné à contrer le principe de non-régression environnementale inscrit dans la Charte de l’environnement.
Supprimé lors de l’examen du texte par le Sénat, l'objectif inscrit d’atteindre 21% des surfaces agricoles cultivées en bio en 2030 a été rétabli par les députés. Parmi les dispositions relatives à la formation figure la création d’un « Bachelor Agro », diplôme national de niveau bac+3 dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Pour faciliter les transmissions et les installations, un guichet départemental unique, piloté par les chambres d’agriculture, sera créé pour accompagner les agriculteurs qui souhaitent céder leur exploitation et ceux qui veulent s’installer – le réseau « France Services Agriculture ».
Recul sur la protection de l’environnement, le ZAN, les pesticides
Certaines dispositions viennent fortement alléger le régime des sanctions prévues pour atteintes à l'environnement, via la dépénalisation des faits non intentionnels, et le remplacement de la peine maximale de trois ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, prévue par le Code de l’environnement, par une sanction administrative avec une amende d’un montant maximal de 450 euros.
Le texte, qui accorde aux départements de plus grandes facultés d’intervention en matière de gestion de l’eau, contient également des mesures visant accélérer le traitement des contentieux portant sur des projets de retenues d'eau ou des installations d’élevage. Il vient aussi alléger les règles applicables à la gestion des haies ou aux chiens de protection de troupeaux, par exemple, et exclut les bâtiments nécessaires à l’activité agricole de l’objectif du zéro artificialisation net (ZAN). Il prévoit également que le gouvernement doit s’abstenir d’interdire les pesticides « sans solutions économiquement viables et techniquement efficaces ».
Des « renoncements graves » et des « lendemains sombres »
Reculs sur le plan environnemental, promotion d’un modèle productiviste sans prise en compte des enjeux de transition écologique… La droite sénatoriale, qui a largement remanié le texte, a fait face à des critiques virulentes de la part des parlementaires de gauche. « Ce texte comporte des renoncements graves sur le plan environnemental », « nous nous apprêtons à voter une loi (…) qui coupe à la tronçonneuse des protections environnementales durement acquises au fil des années », a dénoncé la députée LFI, Aurélie Trouvé, lors du vote sur le texte issu de la commission mixte paritaire. Le sénateur Yannick Jadot, (groupe Ecologiste, solidarité et territoires) a reconnu la victoire « totale » de la majorité sénatoriale, « Mais la fête risque d’être courte et les lendemains sombres », a-t-il lancé, lors du vote définitif au Sénat. Car cette victoire se fait pour lui « au détriment de la majorité des agricultrices et des agriculteurs qui expriment chaque jour leur colère et le mal-être qu’ils vivent face à la précarité de revenus trop souvent indignes, face à l’isolement et à l’épuisement, face à une bureaucratie parfois absurde, face à une nature et un climat aujourd’hui malades ».