L’inexorable densification des villes et villages
De nombreuses règles d’urbanisme, imposées aux communes, visent à rendre incontournable, sinon obligatoire, la densification. Une arme de lutte contre l’étalement urbain à manier avec précautions.
La croissance démographique et l’éclatement des foyers rendent nécessaire la construction massive de logements. Ce phénomène consomme beaucoup d’espace, d’autant que beaucoup de nos concitoyens souhaitent habiter un pavillon individuel. La multiplication des lotissements dans les communes périurbaines traduit cette tendance. En outre, pour développer l’activité économique, les communes multiplient également les zones d’activités. Le tout nécessite des infrastructures (routes etc.). Hélas notre territoire n’est pas extensible et cet «étalement urbain» se fait au détriment des espaces naturels ou agricoles. Environ 60 000 hectares de terres naturelles ou agricoles disparaitraient chaque année en France sous l’effet de l’urbanisation. Les surfaces artificielles (routes, bâtiments, parkings, etc.) augmentent trois fois plus vite que la population. Face à ce constat alarmant, les urbanistes préconisent de densifier les espaces urbains existants. En concentrant une population plus importante sur un même espace, on limite le grignotage des espaces agricoles ou naturels, on optimise les investissements publics, en particulier les transports publics et les réseaux divers (assainissement et autres), on limite les déplacements… A priori, on ne peut qu’être favorable à la préservation des espaces naturels ou agricoles. Tant qu’il s’agit de combler les dents creuses ou de reconquérir les friches urbaines, la population approuve la densification, mais lorsqu’il s’agit de densifier leur environnement, nos concitoyens se montrent généralement hostiles. La réaction est légitime car on ne peut nier que la densification emporte des conséquences tangibles pour les populations qui redoutent une dégradation de leur qualité de vie, liée notamment à la promiscuité et à l’augmentation des nuisances qui en découlent.
Retournement de tendance
Les règles nationales et locales imposent cette densification, désormais érigée au rang de véritable dogme. Les dernières grandes lois en matière d’urbanisme, et notamment la loi Grenelle 2 de l’environnement, ont fixé des règles toujours plus exigeantes, au point que le Code de l’urbanisme prévoit désormais, à tous niveaux, de nombreuses règles visant à rendre incontournable sinon obligatoire la densification. Ainsi, le droit de l’urbanisme connaît probablement, depuis quelques années, un véritable changement de paradigme. En effet, depuis plusieurs décennies, une des principales préoccupations des règlements d’urbanisme consistait à limiter la densification des espaces urbains en y imposant un «coefficient d’occupation des sols» (COS) qui limitait les surfaces constructibles en fonction de la superficie du terrain. Désormais, la tendance est plutôt à la suppression des coefficients d’occupation des sols en secteurs urbains voire même, dans certains cas particuliers, à imposer un COS minimum à proximité des principaux axes de transports en commun. On assiste donc à un véritable retournement de tendance dans la philosophie du droit de l’urbanisme. Et le processus n’est probablement pas encore fini… Nous nous trouvons probablement à une époque charnière.
Quels outils ?
La mesure la plus emblématique de ce bouleversement de la philosophie de l’urbanisme réside dans la possibilité, pour les communes qui le souhaitent, d’imposer, depuis 2010, un COS minimal à proximité des principaux axes de transports en commun. Dans le prolongement de cette tendance, en ville l’espace pourrait donc devenir un luxe. Les Schémas de Cohérence Territoriale (Scot) ont l’obligation légale de lutter contre l’étalement urbain et peuvent, par exemple, interdire aux communes de prévoir des COS ou des hauteurs trop faibles. De nombreuses autres règles encore visent à faciliter la densification et dérégulent l’urbanisme, comme par exemple la possibilité de régénérer les droits à construire d’un terrain à chaque division de parcelle. Naturellement, il ne faut pas voir dans cette énumération, non exhaustive, un péril grave qui risquerait de défigurer villes et villages, car la densification ne s’applique évidemment pas de la même manière dans un bourg rural ou en centre-ville. Néanmoins, si l’on veut bien s’affranchir de la vision angélique du dogme de la densité, il faut alors reconnaître que la densification urbaine est un phénomène probablement utile mais périlleux et qu’une densification mal maîtrisée est ravageuse. L’arme de la densité, peu acceptée par la population, doit être expliquée de manière pédagogique et maniée avec discernement en s’adaptant très finement aux circonstances locales.