Les voies du management sont de plus en plus impénétrables...

Hybride, de confiance, intermédiaire, de transition ou encore transparent ! Jamais l’univers du management en entreprise n’a été aussi actif en termes de réflexion, de prospectives et de tentatives d’adaptation à un monde en mutation générale. L’écosystème économique régional et local n’échappent pas à la règle. L’ère des nouveaux managers est-elle réellement venue ?

Replacer l’humain dans la réflexion s’affiche comme la préoccupation principale des managers aujourd’hui. Le management autoritaire aurait-il vécu ? Pas si sûr !
Replacer l’humain dans la réflexion s’affiche comme la préoccupation principale des managers aujourd’hui. Le management autoritaire aurait-il vécu ? Pas si sûr !

Manager : «action de conduire, une équipe, définir des méthodes et des priorités permettant d’atteindre les objectifs de l’entreprise.» Définition de base de la notion même de management. Si elle apparaît applicable à toutes les périodes temporelles, celles que nous traversons entraînent aujourd’hui des interrogations quasi philosophiques, voire métaphysiques de l’action de manager et de celles et ceux qui la mettent en application. La complexité conjoncturelle (crise sanitaire et ses dommages collatéraux économiques et sociaux, guerre en Ukraine) apparaît mettre à rude épreuve ses maillons pourtant indispensables de la bonne tenue de l’entité Entreprise que sont les managers. «Depuis deux ans, tout a été tout simplement chamboulé et nous n’en sommes qu’au début d’une adaptation nécessaire, pour certains à marche forcée, de l’approche même de l’organisation managériale», assure un responsable régional d’une association de directeur de ressources humaines. Reste à savoir quelle approche car aujourd’hui les troupes apparaissent usées, fatiguées par deux années de crise sanitaire et des perspectives à venir loin d’être réellement optimistes. À la fin de l’année dernière, le baromètre sur la santé psychologique des salariés publié par le cabinet Empreinte Humaine mettait en avant que «38 % des managers sont en détresse psychologique et que 18 % sont tout simplement en burn-out.»


Entre le marteau et l’enclume

Trois mois plus tard, les choses évoluent, le retour à une certaine normalité pourrait être de mise. Eh bien, pas vraiment. «Nous sommes dans l’adaptation continue ! Si auparavant, nous tentions de bouger les lignes pour faire avancer les choses dans l’entreprise en termes d’organisation sur des sujets liés notamment aux conditions d’exécution du travail dans les organisations, aujourd’hui c’est un véritable changement de paradigme», assure un professionnel nancéien du secteur. Maîtriser son sujet, savoir gérer son stress, adopter une attitude positive et ouverte, garder une attitude professionnelle en toutes circonstances, fixer le cadre, savoir déléguer, communiquer efficacement, rester juste et cohérent, se rendre disponible, savoir imposer son autorité, savoir motiver, cultiver un esprit d’équipe, gérer les conflits, se remettre en question, savoir composer, être un leader, défendre son équipe et assumer ses responsabilités, cette vingtaine de qualités sont celles que tout bon manager se doit d’avoir à en croire plusieurs études et recherches sur le sujet. Reste qu’il y a la théorie et la pratique. «Le manager est toujours entre le marteau et l’enclume et la crise sanitaire avec ses différentes conséquences organisationnelles l’a révélé. Au plus fort de la crise, les managers ont été en première ligne pour mettre tout en œuvre pour faire continuer voire tout simplement sauver l’activité de l’entreprise», assure une manager d’une PME régionale. Conséquence directe : la charge émotionnelle a été intense avec des conséquences que l’on peut facilement imaginer. Certains ont tout simplement explosé en vol surtout que dans bon nombre de cas, la reconnaissance de leurs fonctions, de leurs actions, de leurs implications n’a été reconnue que tardivement, quand elle a été reconnue.

Manager, c’est trop dur ?

La quête de reconnaissance apparaît indispensable aujourd’hui pour cette fonction. Une urgence même ! D’après une récente enquête du moteur de recherche Indeed, 20 % des cadres (et 25 % des femmes cadres) assurent ne pas vouloir gérer d’équipe. Cette proportion est encore plus élevée parmi les 35-49 ans (27 %), la tranche d’âge la plus susceptible d’occuper des fonctions managériales. À l’inverse, 87 % des 18-34 ans, les plus jeunes sur le marché de l’emploi, assurent souhaiter encadrer. Une question légitime se pose : l’appétence managériale serait-elle d’autant plus forte que l’on ignore en quoi consiste cette fonction ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 66 % des managers actuels assurent que la fonction est stressante (72 % pour les femmes). 43 % affirment que cela représente trop de responsabilités (49 % chez les femmes). «La fonction de manager, essentielle à la performance et à la cohésion de toute l’entreprise, a été mise à mal depuis deux ans. Il est urgent que les entreprises réinventent ce métier pour qu’il ne soit plus synonyme d’épuisement, de stress et de difficultés», assure un expert du marché du travail. L’avenir même de la fonction de manager serait-il en perdition ? Le management d’hier sans aucun doute, reste à inventer le management de demain et surtout d’aujourd’hui. «Les collaborateurs ont plus que jamais besoin de retrouver du sens dans leur travail. Ils cherchent avant tout à s’accomplir et à travailler dans un environnement paisible, où ils peuvent se sentir heureux d’évoluer», assurent plusieurs observateurs du secteur. «La quête de sens, l’épanouissement, le bien-être au travail sont des choses naturellement légitimes mais ce n’est pas parce que vous mettez un baby-foot dans le hall de l’entreprise que vous allez résoudre tous les problèmes. Le monde des bisounours a tout de même ses limites», confie un responsable de ressources humaines. Sans tomber dans les travers d’un monde idéal au travail, il n’en demeure pas moins que la grande majorité des responsables d’équipes et de managers assurent qu’il faut réellement remettre l’humain au cœur de la réflexion. Une chose apparaît certaine, les deux années passées apparaissent avoir été un révélateur. Elle a mis à mal le management que bon nombre qualifie d’autoritaire. Le respect, la reconnaissance, cela se gagne, cela ne s’impose pas ! Les anciens formats managériaux où l’autorité et la hiérarchie permettaient à imposer l’autorité et par extension une stratégie générale à l’entreprise auraient-ils vécus ? Le management serait-il entré dans ce fameux monde d’après ? Pas si sûr... mais sa mutation semble bien en marche.

Télétravail : le frère ennemi ?

61 % des managers assurent que le télétravail a bouleversé leurs pratiques managériales ! Constat établi en recoupant les deux études sur le sujet de l’Apec (Association pour l’emploi des cadres) et l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail). «Le télétravail augmente le temps consacré aux tâches de gestion ressources humaines et administratives, à l’animation de l’équipe, au suivi individuel ainsi qu’à la coordination de l’action. En compliquant les échanges individuels et la cohésion d’équipe, le télétravail impacte aussi de manière principalement négative la gestion de l’équipe», assurent les deux organismes. Cette vision négative résulte du fait que 39 % des managers déplorent l’absence de directives claires de leur hiérarchie ou des RH sur l’organisation du télétravail. Cette absence de règles concerne majoritairement les TPE (82 %) et moins les grandes entreprises (25 %).