Les réseaux à l’ère des communautés d’entrepreneurs

On les appelle réseaux d’entreprises, clubs entrepreneurs/dirigeants, touchant de nombreux domaines. En France, ils sont plus de 10 000. Dans les Hauts-de-France, la Chambre de commerce et d’industrie Hauts-de-France en recense près de 300. Orientés business ou tournés vers le partage de compétences, quelle est la physionomie de ces réseaux localement ? Leurs finalités ? Leurs formes juridiques ? Comment y rentre-t-on ?

© mast3r
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Lister les réseaux d’entreprises œuvrant dans notre région tiendrait à dresser un inventaire à la Prévert. On serait tenté de dire : un réseau, un visage. C’est dire la dimension de cette mosaïque. Cette nébuleuse, parfois absconse pour les non-initiés, répond à des codes très précis. Les Hauts-de-France comptent près de 300 clubs et réseaux qui fédèrent environ 15 000 professionnels. Ces dernières années, le chiffre va croissant, ici comme partout en France. Une certitude : à l’heure de la communication virtuelle, les réseaux sociaux, malgré leur omniprésence, ne suffisent toujours pas à lancer une entreprise et à la développer.

Dès lors, pour un dirigeant, intégrer un club d’affaires s’avère essentiel. Une étape décisive dans son parcours. La première vertu de ces cercles est d’enrayer la solitude du chef d’entreprise, presque en permanence le nez dans le guidon dans la conduite de sa société. Ils permettent de discuter entre pairs, de bénéficier de l’expérience d’un mentor, d’agrandir son réseau, d’optimiser ses compétences et ses affaires. Accélérateur quand tout va bien, le réseau aide aussi à affronter les moments plus ardus dans le cycle de vie d’une entreprise. Clubs locaux à l’échelle d’une ville, chapeautés par les chambres de commerce et d’industrie, réseaux nationaux, déclinaisons territoriales de fédérations, ramifications locales, on estime à plus de 10 000 leur nombre dans notre pays. 25% des chefs d’entreprise sont membres d’un réseau.

Figure emblématique de ce mouvement : le Business Network International. Plus connu sous l’acronyme BNI, il est un réseau d’affaires professionnel axé sur la recommandation mutuelle, rassemblant des dirigeants d’entreprise, multisectoriel et multidimensionnel, des grands groupes, des professions libérales, des TPE et PME. BNI regroupe plus de 227 000 membres répartis dans plus de 8 300 groupes à travers le monde. En France, il s’est implanté en 2004, et compte actuellement plus de 400 groupes et plus de 10 000 membres, dont une implantation active dans le Nord – Pas-de-Calais avec près de 1 400 membres. L’objectif est ici, comme dans les autres réseaux, de coconstruire une communauté d’entrepreneurs.

Associations ou sociétés ?

Les motivations poussant un dirigeant à frapper à la porte d’un club sont hétéroclites. Il peut même en créer un. Dans ce cas, le statut juridique choisi doit être bien préparé et ciselé dans ses moindres détails. En effet, dès lors que l’ambition du réseau conduit soit à des transferts de compétences, au partage de clients, à la mutualisation de ressources ou d’investissements, il devient nécessaire de le formaliser. Le premier statut venant à l’esprit est l’association loi 1901 : il y en a 1 500 000 en France. Elle peut se former librement, sans autorisation ni déclaration préalable. Toutefois, pour exister légalement, demander des subventions, employer du personnel, soutenir une action en justice, acheter ou vendre en son nom, elle doit être déclarée. Elle peut avoir une activité économique, dégager des bénéfices pour nourrir sa croissance.

Le statut d’une association ne peut se transformer en société, sauf en GIE ou en SCOP. Le GIE, justement, ou “groupement d’intérêt économique”. C’est une structure à mi-chemin entre l’association et la société, permettant à des entreprises aux compétences complémentaires, déjà constituées, de mettre en commun des moyens. Elles peuvent partager leurs coûts. En émettant des factures, le GIE se pose en un interlocuteur unique de ses clients et consolide dans une offre globale l’ensemble des prestations des membres associés à une mission.

Variante, le groupement d’employeurs. Sur un même bassin d’emploi, il permet à des chefs d’entreprise de s’associer pour recruter durablement du personnel qu’ils n’auraient pas seuls les moyens d’employer. Les petites entreprises trouvent ici une solution efficace pour ajuster leurs besoins en ressources humaines selon leur activité, sans alourdir leurs charges fixes. Les salariés travaillant en temps partagé bénéficient d’un contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée. Un réseau peut par ailleurs être une société de type SA, SARL, société civile de moyens (SCM). Cette dernière est fondée par des membres de profession réglementée – médecins, experts-comptables, avocats. Ils ont la possibilité de mettre en commun du personnel, matériel, locaux. Une SCM se constitue librement, composée de membres exerçant à titre individuel comme des personnes morales (associations, SCP).

Pourquoi rejoindre un réseau ?

Ce volet juridique exploré, reste au dirigeant souhaitant rejoindre un club réservé aux professionnels à se poser cette interrogation : pousser la porte d’un club d’entrepreneurs ou d’un club affaires ? Les nuances entre les deux sont bien définies, même si des parallélismes existent. Si on veut rencontrer des personnes spécialisées susceptibles d’aider de diverses manières, elles n’apporteront pas nécessairement un soutien selon que l’on recherche de l’accompagnement, des recommandations. Fleurissent ci et là des clubs de jeunes entrepreneurs. Il n’est pas forcément aisé de prendre ses marques en démarrant. D’où la création de groupes visant à aider les néo-entrepreneurs. Y sont dispensés des accompagnements par des professionnels plus aguerris. Parfois, cela va jusqu’à des financements. La finalité reste de permettre aux débutants d’intégrer le monde de l’entrepreneuriat avec un cercle de relations étoffé.

Plus largement, ces clubs d’entrepreneurs concentrent leur activité sur le retour d’expérience, au cours de réunions régulières durant lesquelles les membres parlent de leurs parcours, de leurs difficultés. En confiant leur expérience professionnelle aux autres, les adhérents du réseau s’ouvrent, incitent à l’écoute, alimentent la conversation. De cette façon, les membres élargissent leur cercle de relations en favorisant la discussion et en entretenant le réseau au quotidien. Les structures s’adressant à des professionnels confirmés tendent à privilégier les rencontres avec des personnes occupant le même type de fonctions dans des secteurs plus ou moins proches. De nouveaux contacts pouvant aboutir à des partenariats. Le club d’affaires, lui, répond une problématique différente. Il s’affirme comme un espace dédié au business. Ses membres les rejoignent pour recommander les autres et échanger leur carnet d’adresses. Ces réseaux visent à faire se rencontrer des professionnels spécialisés dans un domaine précis. Principe : ces personnes échangent au sujet de leur situation au cours de réunions express, où leur interlocuteur tente de trouver le référent amené à résoudre leur problème et/ou les aidera à accroître les résultats de l’entreprise.

Depuis trois ans, Place de la communication organise la Nuit des réseaux qui, cette année, a rassemblé plus de 450 participants. ©Université de Lille – Nuit des Réseaux 2019

Acteurs socio-économiques des territoires

Les clubs d’affaires régionaux ont un atout majeur : ils ont une connaissance aiguisée du tissu économique local, via leurs relations étroites avec les CCI et les acteurs économiques et politiques. Les professionnels les composant sont souvent très représentatifs de leur activité en région et appréhendent parfaitement les actualités business locales. Certains clubs allient toutes les facettes de la vie entrepreneuriale, dans le but de faire gagner aux dirigeants, visibilité et compétences. De plus en plus, certains allient loisirs et sport pour permettre aux professionnels de tisser du lien par un biais ludique. Le précepte, en affichant sa volonté de rejoindre un réseau, est de ne pas se précipiter. C’est-à-dire, en amont de la démarche, cerner minutieusement ses besoins. Un réseau construit ne s’entretient pas tout seul. Être membre, c’est ne pas perdre l’intérêt des autres, y être actif et force de proposition. Le gage pour une efficacité individuelle et collective. Rendre lisible les réseaux : vu leur densité et leur diversité, cela peut s’apparenter à une gageure. Pourtant, cette clarté est essentielle pour donner une cohérence et une puissance à l’action de développement économique territorial.

Les Hauts-de-France comptent près de 300 clubs et réseaux qui fédèrent environ 15 000 professionnels. © Samuel Dhote

En termes d’éclectisme, le périmètre régional est plutôt un modèle du genre. On retrouve là des entités incontournables comme le Medef, la CPME, Réseau Entreprendre, le Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise, la Jeune Chambre économique… mais aussi des réseaux professionnels proactifs tels Les Places tertiaires, Club Business, Réseau Alliances, Place de la communication… Sur les parcelles du territoire, d’autres contribuent à la dynamisation locale et à la vitalité de pépinières et autres pôles commerciaux. À l’observation de ces réseaux et clubs, on notera des actions parfois ciblées sur une thématique ou un public particulier à l’exemple de Femmes chefs d’entreprises s’appuyant sur 60 délégations locales et plus de 2 000 membres..

Dans ce vaste paysage des réseaux et clubs d’entreprises et d’affaires régionaux, le panachage est grand, des structures de moins de dix personnes à celles de plusieurs centaines. Elles constituent toutes des trésors d’expériences et de savoir-faire, authentique vecteur de notre essor économique. Le Nord – Pas-de-Calais regorge de femmes et d’hommes de talent et de passion. Le maillage de ces atouts est une mine d’or. Se creusent au quotidien les sillons dont germeront les succès de demain.

Laurent SIATKA

 

Phrase en exergue :

«On estime que 30 à 35% du chiffre d’affaires du chef d’entreprise est généré par son propre réseau»