Les Portugais se mobilisent contre la crise du logement

Des milliers de personnes ont défilé samedi après-midi dans les rues de Lisbonne ainsi que dans une vingtaine d'autres villes pour réclamer des mesures face à la crise du logement...

Manifestation pour réclamer des mesures face à la crise du logement, le 30 septembre 2023 à Lisbonne, au Portugal © Patricia DE MELO MOREIRA
Manifestation pour réclamer des mesures face à la crise du logement, le 30 septembre 2023 à Lisbonne, au Portugal © Patricia DE MELO MOREIRA

Des milliers de personnes ont défilé samedi après-midi dans les rues de Lisbonne ainsi que dans une vingtaine d'autres villes pour réclamer des mesures face à la crise du logement qui touche principalement les grands centres urbains.

"Stop!", "Aide", "des maisons pour vivre" pouvait-on lire sur les pancartes des milliers de manifestants qui ont défilé dans une grande avenue, qui traverse les quartiers populaires de la capitale portugaise, à l'appel d'une centaine d'associations.

"Lisbonne est devenue une ville pour les étrangers, les Portugais ne peuvent plus y vivre", dénonce Marta Saraiva, une jeune lisboète de 27 ans qui juge l'action du gouvernement socialiste insuffisante pour faire face à la crise du logement, malgré une série de mesures annoncées récemment.

La crise du logement couve depuis que le Portugal, menacé de banqueroute, a fait appel en 2011 à une aide financière internationale. 

Pour renflouer ses caisses et satisfaire aux exigences de ses créanciers, le pays s'est ouvert aux capitaux étrangers grâce à une série de mesures dont les "visas dorés" -- des permis de séjour accordés à des riches investisseurs -- ou des avantages fiscaux pour les retraités étrangers et les "nomades numériques".

Ces investisseurs ont largement contribué à la dynamisation du marché immobilier et à la rénovation des grandes villes, qui ont vu proliférer les logements touristiques de courte durée en réponse à l'afflux de vacanciers.

Entre 2012 et 2021, le coût du logement a progressé de 78% au Portugal, contre 35% dans l'ensemble de l'Union européenne, selon une étude de la Fondation portugaise Francisco Manuel dos Santos.

Alcina Lourenço, Lisboète de 49 ans rencontrée par l'AFP, a vu son loyer multiplié par 20, passant de 30 à 600 euros. Incapable d'y faire face, elle a été priée de quitter son appartement situé dans un quartier du centre de Lisbonne, où elle vit depuis l'âge de six ans.

- Un marché "déséquilibré"

L'arrivée des investisseurs étrangers a "déséquilibré le marché" en creusant l'écart "entre les salaires et les prix des logements", alors que près d'un quart des actifs portugais vit avec un salaire minimum mensuel de 886 euros, explique à l'AFP Agustin Cocola-Gant, chercheur à l'Institut de géographie et d’aménagement du territoire de l'Université de Lisbonne.

La hausse des taux d'intérêt décidée par la Banque centrale européenne (BCE) en réponse à la crise inflationniste a rendu la situation encore plus dramatique dans un pays où 87% des détenteurs de prêts immobiliers sont soumis à des taux variables.

"Ma mensualité est passée de 400 à 647 euros", avait témoigné à l'AFP Claudia Martins, une professeur de 40 ans, qui habite seule dans la banlieue nord de la capitale portugaise.

Elle avait choisi d'emprunter pour s'acheter un appartement en 2021, car cela lui avait permis de réduire considérablement son budget logement. Aujourd'hui, elle doit se résoudre à chercher un deuxième emploi pour payer ses mensualités. 

Pour venir en aide à près d'un million de familles, le gouvernement a décidé la semaine dernière de permettre aux emprunteurs de bénéficier d'un taux réduit pendant deux ans.

Ce dispositif s'ajoute au train de mesures présenté en mars visant à freiner la flambée des prix, qui prévoit notamment la fin des "visas dorés" ou la location obligatoire d'appartements vacants depuis plus de deux ans dans les régions les plus peuplées.

Mais ce programme est loin de faire l’unanimité. Après le veto opposé en août par le président, la majorité socialiste au Parlement l'a revoté la semaine dernière malgré les critiques de l'opposition, de gauche comme de droite.

"Ces mesures reposent surtout sur des avantages fiscaux pour tenter de convaincre les propriétaires de baisser un peu les loyers(...) mais nous ce que nous demandons c'est un encadrement des loyers", explique Rita Silva, une militante de l'association pour le droit au logement Habita, une des organisatrices des manifestations, à la télévision publique RTP.

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