Les notaires au chevet des successions
En choisissant comme thème «la transmission», les notaires, qui ont tenu leur 108e congrès à Montpellier fin septembre, renouent avec leur coeur de métier. Les aléas de la législation et les soubresauts de la fiscalité les ont amenés à faire plusieurs propositions transmises à la Chancellerie.
Les notaires aiment citer les grands hommes disparus. «A l’heure de la Révolution, Mirabeau s’est élevé contre le testament», rappelle le notariat dans un document destiné à illustrer les travaux du 108e congrès de la profession, qui s’est déroulé à Montpellier du 22 au 26 septembre. Le révolutionnaire, élu de Provence, dénonçait ainsi le «despotisme testamentaire» : «n’est-ce pas assez, pour la société, des caprices et des passions des vivants ? Nous faut-il encore subir leurs caprices, leurs passions, lorsqu’ils ne sont plus ?» Le notariat récuse les propos de Mirabeau, qui s’inscrivent «dans les élans sans lendemains d’une révolution qui voulait mettre à bas les institutions de l’Ancien régime». Les praticiens se présentent à l’inverse comme des «hommes de la transmission», ainsi que le formule Bertrand Savouré, notaire à Paris, rapporteur général du congrès. Le testament, la succession ou encore les donations font partie non seulement de leur quotidien mais aussi de leur philosophie.
Législation mouvante
Le notariat a voulu aborder, cette année, un thème fédérateur. Quelque 3 900 professionnels ont pu participer, à Montpellier, aux débats initiés par l’équipe du congrès, une dizaine de confrères qui planchent depuis deux ans sur le sujet. Quatre commissions, dirigées chacune par deux ou trois spécialistes, ont examiné, une demi-journée durant, un volet de la transmission : la volonté de transmettre, le cadre de l’opération, les instruments nécessaires et enfin la planification de la transmission. Les notaires étaient ensuite invités à voter une vingtaine de «propositions», dont certaines très techniques, destinées à modifier le droit existant et qui seront transmises au ministère de la Justice ou aux parlementaires. La profession cultive d’ailleurs, à l’instar du Barreau, ses relais dans le monde politique. Le député du Nord Sébastien Huyghe (UMP) a ainsi participé aux travaux, n’hésitant pas à prendre position sur une proposition. Son ancienne collègue Valérie Rosso- Debord, (également UMP), battue en juin, travaille désormais pour le Conseil supérieur du notariat. La législation sur la transmission, comme beaucoup d’autres, change souvent. Le Code civil, en la matière, n’évolue certes que lentement. Les praticiens ont répertorié trois réformes depuis une quarantaine d’années, en 1971, 2001 et 2006. Mais la fiscalité applicable aux successions se fait beaucoup plus mouvante. Elle a été modifiée «chaque année, depuis dix ans, au rythme de multiples lois de finance et de lois rectificatives», observent les notaires.
Ambivalence face à la fiscalité
Face à la fiscalité applicable aux successions et aux donations, la profession cultive une certaine ambivalence. Leurs clients, ils le reconnaissent, souhaitent transmettre leurs biens «dans les meilleures conditions économiques et fiscales possibles», c’est-à-dire en payant le moins d’impôts possible. Bertrand Savouré, lors de la séance d’ouverture, l’a exprimé sans fard : «notre préoccupation n’est pas de savoir si l’impôt qui frappe les transmissions est excessif. Il l’est toujours». Philippe Potentier se montre légèrement plus mesuré. «L’Etat ne doit pas confisquer la transmission par une politique fiscale qui la rendrait impossible ou la découragerait », affirme-t-il, avant d’espérer qu’on ne laisse pas les successions «sans surveillance et sans contrôle». Résultat de ces tergiversations, la plupart des points de vue exprimés par le notariat au cours des commissions visent à limiter la pression fiscale. Parmi leurs propositions, les notaires ont par exemple demandé «une fiscalité cohérente» qui pourrait «encourager les libéralités entre vifs plutôt que les transmissions pour cause de mort». Fabrice Luzu, notaire à Paris, explique le voeu qu’il a défendu face à ses confrères : «le patrimoine moyen des Français atteint 150 000 euros, mais seulement 30 000 euros pour les moins de 30 ans et plus de 300 000 euros pour les plus de 60 ans. La logique voudrait que le transfert s’opère vers les plus jeunes». L’abaissement de la fiscalité sur les dons apporte selon lui une réponse valable à ces disparités. En revanche, la redistribution par l’impôt, notamment au profit des familles qui n’ont pas la perspective d’hériter un jour, ne fait pas partie des outils envisagés par la profession.