Les jeunes et l'emploi : «je t'aime... moi non plus» ?
Travail, prudence, stabilité, les nouveaux maîtres mots de la jeunesse française? C'est ce que semble révéler la nouvelle édition du Baromètre Prism’emploi - OpinionWay du 11 mars sur «Les jeunes et l’Emploi», dévoilant les réalités de cette relation faite d'envies et d'angoisses.
23,7 %, c’est le taux de chômage des moins de 25 ans en France en juillet 2014, une donnée au réel impact sur les objectifs des jeunes. De plus, au deuxième trimestre de l’année dernière, selon l’Insee, la part des CDD avait atteint son maximum historique à 84,2 % des embauches. Enfin, une enquête d’insertion professionnelle menée en 2013 par le Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) montre que, trois ans après leur entrée sur le marché du travail, seuls 59 % des emplois de la «génération 2010» sont des contrats à durée indéterminée. Dans cette conjoncture peu engageante, l’étude Prism’emploi (1), qui regroupe les professionnels du recrutement et de l’intérim, analyse le rapport de ces moins de 25 ans à l’emploi, oscillant entre inquiétudes collectives et optimisme individuel.
L’importance du travail
La valeur travail reste ancrée dans l’esprit des moins de 25 ans. Pour 86 % d’entre eux, réussir sa vie professionnelle est un objectif essentiel de l’existence et 47 % considèrent le travail comme l’une des valeurs les plus importantes, après la vie de famille (67 %). Une motivation réelle pour décrocher le meilleur emploi mais aussi accéder à une certaine stabilité : 51 % des jeunes interrogés déclarent que, s’ils avaient le choix, ils aimeraient travailler toute leur vie dans la même entreprise et un peu plus, 55 %, pensent exercer le même métier durant toute leur vie professionnelle. Prudence et stabilité, telle est la nouvelle ligne de conduite que paraissent adopter les jeunes d’aujourd’hui. Constat peu surprenant au regard d’un taux de chômage persistant à 10 % au quatrième trimestre 2014… Trouver un poste est fondamental mais encore faut-il en être satisfait. L’ambiance au travail s’impose comme le critère le plus important pour que les jeunes y soient heureux (65 %), devant la rémunération (57%). Cependant, de fortes différences de perception apparaissent suivant la situation, le sexe…
Pessimisme et précarité
«La jeunesse n’est qu’un mot», cette assertion du sociologue Pierre Bourdieu (2) s’applique dans le rapport des moins de 25 ans à l’emploi. En effet, le critère de la rémunération s’affirme davantage chez les hommes (76 %) que chez les femmes (48 %) pour être heureux à un poste. Les jeunes françaises accordent plus d’importance à l’environnement de travail (41 %) que leurs camarades masculins (10 %). L’étude met aussi en exergue de fortes différences de perception entre situation individuelle et conjoncture générale mais aussi entre jeunes demandeurs d’emploi et ceux dans l’emploi. Ainsi, seulement 17 % des jeunes se déclarent optimistes sur la situation générale de l’emploi en France (un point de moins qu’en 2014), cette donnée plonge à 9 % chez les jeunes demandeurs d’emploi. Parallèlement, 51 % des jeunes actifs se déclarent optimistes sur la situation de l’emploi dans leur secteur d’activité / leur métier. Un sentiment qui reste fragile et s’érode puisque le résultat baisse de 10 points comparé à 2014. Un optimisme déjà relatif partagé par seulement 26 % des jeunes en recherche d’emploi. Le sociologue au CNRS et spécialiste des questions de jeunesse, Olivier Galland, résume : «cette dichotomie entre demandeurs d’emploi et les jeunes dans l’emploi reflète la jeunesse française d’aujourd’hui. L’une est diplômée, plus optimiste, et l’autre, traverse une situation de plus grande précarité ». La solution à cette situation délicate ? L’intérim est perçu par 64 % des jeunes comme un bon moyen de construire son parcours professionnel, 70 % d’entre eux se déclarent même intéressés par le CDI intérimaire.
(1.) Étude réalisée sur un échantillon représentatif de 1 025 jeunes français âgés de moins de 25 ans, interrogés en ligne sur le système CAWI du 5 au 13 février 2015.
(2.) Entretien avec Anne-Marie Métailié, paru dans «Les jeunes et le premier emploi», Paris, Association des Âges,1978, pp. 520-530.