Les intercommunalités attendent des « clarifications »

Finances, relations avec l’État... Intercommunalités de France attend de nombreuses réponses de la part du gouvernement. Les premières déclarations de Michel Barnier apportent quelques éléments. Avant le projet de loi de Finances 2025.


©Olivier Le Moal
©Olivier Le Moal

L'heure est à l'attente de «clarifications». Le 30 septembre, lors d'une conférence de presse en ligne, Intercommunalités de France, fédération nationale des métropoles, agglomérations, communautés urbaines et communautés de communes, exprimait ses incertitudes et ses attentes vis-à-vis du nouveau gouvernement de Michel Barnier. «Nous attentons plusieurs clarifications», a expliqué Sébastien Martin, président de l'association. Ces clarifications portent en premier lieu sur les enjeux financiers, et ce, à double titre. Tout d'abord, le nouveau gouvernement va-t-il lui aussi «jouer les collectivités contre le reste de la France ?», interroge Sébastien Martin. 

Cet été, en effet, une forte polémique a opposé Bercy et les élus locaux. Bruno Le Maire, alors ministre de l'Économie, avait pointé «une augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités», comme facteur majeur de la dégradation – imprévue, selon Bercy - des comptes 2024 de la nation. Une analyse qu'Intercommunalités de France juge particulièrement non fondée. L'association rappelle ainsi que les collectivités locales ne représentent que 18% du total de la dépense publique, le reste étant le fait de l'Etat et de la protection sociale.
Par ailleurs, entre 2010 et 2022, la dette des collectivités locales est restée stable entre 7 et 9% du PIB, tout comme la part des dépenses des collectivités locales, aux alentours de 11%, «alors que nous avons été amenés à exercer de plus en plus de responsabilités», rappelle Sébastien Martin. S'il persistait avec le nouveau gouvernement, ce potentiel différentiel d'analyse sur la responsabilité des collectivités locales dans le déficit public pourrait peser lourd dans le futur projet de loi de Finances. En effet, personne ne peut être «exclu du débat» sur la nécessité de réduire les dépenses publiques, accorde le président d'Intercommunalités de France. Toutefois, «expliquer que demain, les collectivités devront dépenser moins, et notamment en investissements, c'est un mensonge», estime-t-il.

Pour l’heure, en attente de la présentation du projet de loi de Finances à l'Assemblée nationale, «nous n'avons jamais été autant dans le flou (…), nous avons besoin de visibilité sur nos recettes», pointe Sébastien Miossec, président délégué de l'association. Plusieurs hypothèses circulent qui inquiètent. La DGF, Dotation globale de fonctionnement, va-t-elle diminuer ? Qu'en sera-t-il du «fonds vert», dédié aux projets d'accélération de la transition écologique des collectivités et doté de 2,5 milliards d'euros en 2024, mais qui, selon des documents préparatoires au budget, consultés par l'AFP, pourraient être réduits à 1,5 milliard d'euros ? Que deviendront les programmes «territoires d'industrie» ?

De son côté, Intercommunalités de France plaide pour une suspension de la baisse de la CVAE, Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Celle-ci, qui a vu son taux baisser depuis 2020 de 1,5 à 0,28%, devait normalement s'éteindre par palier d'ici à 2027.

Une certitude, des efforts à venir

Le 1er octobre, lors de son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre, a proposé un «contrat de responsabilité» avec les collectivités locales. À propos de la nécessité de diminuer les dépenses publiques, il a évoqué celle de réaliser des choix. «Ces choix, nous les ferons avec les collectivités locales», a-t-il promis. Une position qui confirme celle de Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, intervenue au Congrès des Régions de France à Strasbourg, le 27 septembre. La ministre avait évoqué l'effort financier à venir. «Les efforts seront importants, nous devons tous y prendre notre juste part. Mais pour qu'elle soit juste, cette part doit être discutée sereinement et en responsabilité», a-t-elle déclaré, selon le quotidien économique Les Échos du 27 septembre. Catherine Vautrin a également affirmé : «Je sais combien les responsables des départements, des régions, des intercommunalités, des communes sont avant tout animés d'un souci exemplaire de la bonne gestion des deniers publics». Et elle s'était déclarée prête à ouvrir «un nouveau chapitre de la relation avec les collectivités locales». Reste à l'écrire.

Lors de sa prise de parole, Sébastien Martin s'est dit «très heureux» de la création de ce «super ministère» qui comprend notamment les transports, la ruralité, et les collectivités. Pour autant, sur les sujets de la décentralisation, «je ne me fais pas d'illusions», a-t-il ajouté. En effet, pour lui, le contexte politique fragile ne se prête pas à des transformations majeures. Intercommunalités de France espère la poursuite des discussions entamées avec le précédent gouvernement sur la décentralisation de la politique de l'habitat.

Des «clarifications» devraient commencer à être apportées ce mois-ci. Le 10 octobre, avec - normalement - la présentation du projet de loi de Finances pour 2025, en Conseil des ministres. Et du 16 au 18 octobre, Catherine Vautrin ainsi que plusieurs autres ministres participeront à la 34e Convention des Intercommunalités de France qui se tiendra au Havre.

Les collectivités locales, premières acheteuses publiques

Selon la dernière édition du « baromètre de la commande publique », publié par Intercommunalités de France et la Banque des Territoires, en 2023, la commande de l'ensemble des acteurs publics s'élève à 89 milliards d’euros, soit une progression de 4 milliards d’euros (+ 4,4 %), par rapport à l’année 2022. En volume, cela représente un retour au niveau de 2021. Les collectivités locales sont le premier acheteur public depuis dix ans. En 2023, elles représentent 50% de la commande publique.