Les fruits et légumes n’hibernent pas tous

Les légumes et fruits d’hiver sont une alternative aux fruits et légumes importés du bout du monde pour nous faire manger en toute saison la même chose comme si les cycles naturels n’existaient plus.

Le chicon ne dépare pas une belle assiette et accompagne bien la plus fine des viandes et les autres légumes de saisons. Puisse un certain snobisme régionaliste lui donner des lettres de noblesse.
Le chicon ne dépare pas une belle assiette et accompagne bien la plus fine des viandes et les autres légumes de saisons. Puisse un certain snobisme régionaliste lui donner des lettres de noblesse.
D.R.

Le chicon ne dépare pas une belle assiette et accompagne bien la plus fine des viandes et les autres légumes de saisons. Puisse un certain snobisme régionaliste lui donner des lettres de noblesse.

Il y a moyen de manger de la salade en hiver autrement qu’en ouvrant un sachet contenant des feuilles poussées à grand renfort d’engrais et de forçage. Il suffit de revenir à une salade d’hiver traditionnelle bien de chez nous, le chicon appelé maintenant communément endive. Qui plus est, cette salade se déguste aussi cuite et apprêtée de bien des façons. Seul défi, la faire aimer aux enfants bien souvent réticents, surtout sous sa forme cuite. Plus facile de leur faire déguster une mandarine, le fruit traditionnel du cœur de l’hiver, ou la carotte du baudet de Saint-Nicolas ou encore simplement une de ces pommes qui restent belles longtemps après la cueillette.

Infertel, Interprofession des fruits et légumes frais, a lancé une campagne sur les fruits et légumes d’hiver, un programme cofinancé par l’Europe pour faire mieux connaître la saisonnalité. Pour l’occasion, le restaurant Le Compostelle avait élaboré quelques recettes particulièrement alléchantes : une salade de Saint-Jacques avec chicons et vinaigrette à la clémentine ; un filet de bœuf accompagné d’une poêlée de chicon et carottes façon Grémolata ; et une série de desserts : macaron vanille et pommes façon tatin, moelleux de pain d’épices en strates de carottes confites et un fondant chocolat et marmelade de clémentine. Hélas, les chicons ne sont pas à la carte de cette grande table lilloise car peu prisée des clients qu’on a peur d’effaroucher. Preuve s’il en fallait qu’il y a encore du travail de pédagogie au menu des producteurs !

 

De toute la France. Si les producteurs de mandarine sont corses, si les carottes sont plutôt de l’Ouest et les pommes du Sud, quoique Cassel soit un haut lieu de production, les chicons sont majoritairement bien de chez nous. Tout cela est bon pour le “produisons français”, mais aussi très bon pour le bilan carbone en réduisant les transports.

Savez-vous que ces légumes et fruits d’hiver contiennent la vitamine C indispensable quand les jours sont courts, qu’ils redonnent le tonus et l’énergie nécessaires pour combattre le froid et lutter contre les épidémies hivernales ? Qui plus est, ils sont beaux dans les étals et les corbeilles, se conservent bien et se cuisinent à toutes les sauces. Sans oublier les soupes et veloutés ou les salades de fruits. Pour le plus simple car les gourmands trouveront quantité de recettes plus originales.

Puisque nous sommes dans le Nord, quelques mots sur la culture du chicon qui commence par le semis et l’obtention de belles racines de chicorée qui, une fois extraites, seront ensilées. Si vous avez un petit jardin, vous pouvez les produire vous-même et même en laisser fleurir car elles seront du plus bel effet dans votre potager. Cependant, si vous voulez passer à la phase suivante, arrachez les racines et conservez-les comme le font les producteurs réunis dans  l’association que préside Mme Decourcelles, productrice à Tilloy-les-Moflaines, et qui révèle la seconde partie de l’opération. Au fur et à mesure des besoins, les racines sont replantées dans des salles obscures. La végétation reprend alors et, cherchant la lumière, les racines produisent un gros bourgeon blanc, le chicon appelé witloof en Belgique et devenu endive sur les tables françaises. Reprenez vos racines que vous aurez gardées au frais et plantez les dans votre cave, au noir et au chaud dans un bac.

 

Un peu de fierté régionale. Si, à l’instar des Bretons, nous étions un peu plus respectueux de nos traditions et un peu chauvins, nous relancerions ce joli mot traditionnel du chicon qui sent si bon le terroir au lieu de nous pousser du coude avec la parisienne endive. Nos étals, aux magasins ou aux marchés, ainsi que les cartes de nos restaurants y gagneraient en folklore et en richesse linguistique.  Et peut-être cela stimulerait-il les consommateurs épris de tout ce qui sent le terroir plutôt que la grande distribution ?

Pouvons-nous suggérer une IGP autour du nom de chicon du Nord, voire une IGP transfrontalière autour de ce joli mot ancestral ?

Car, hélas, malgré tous les efforts, la consommation du chicon baisse, les consommateurs vieillissant et les jeunes préférant de ces salades fades et si vite fanées que l’on trouve maintenant en toute saison. Le chicon conserve longtemps à l’abri à l’obscurité. Malheureusement bien des magasins l’étalent en pleine lumière ce qui a pour effet de le faire verdir en quelques heures, détournant le consommateur.

Une féroce concurrence est venue aussi de la mâche. Le Nord continue de produire néanmoins 80 à 85% des chicons consommés en France. Alors les producteurs de chicons soulignent combien il est facile de préparer une endive qu’il suffit de couper en rondelles pour faire une salade agrémentée par exemple de dés de pommes et de cerneaux de noix. Et rappelant que depuis quelques décennies, la recherche a fait perdre de son amertume au bon vieux chicon, ils supplient que l’on initie les enfants à ce mets car ils sont les consommateurs de demain.

 

L’affaire de l’endive

 

D.R.

Mme Decourcelles a pris la tête des producteurs de chicons et attend beaucoup du jugement en appel dans les prochains jours.

Les producteurs d’endives on été condamnés globalement et solidairement à une amende de 3,6 M€ par la direction de la concurrence pour entente illicite. «Nous nous sommes entendus pour perdre de l’argent avec le même prix depuis dix ans !», commente Mme Decourcelles. Sur les 80 centimes du prix d’un kilo de chicon, on compte déjà 30 centimes de main-d’œuvre dont cette culture est très gourmande et qu’illustre un chiffre : 5 000 emplois dans le Nord-Pas-de-Calais sans compter les emplois induits du semencier à l’emballeur.

L’affaire de l’entente illicite reprochée aux producteurs de chicons est en appel. Le jugement, prévu en janvier, est attendu impatiemment par la profession.