Les fleuristes, espèce en voie de disparition ?

La France compte deux fois moins de fleuristes qu'il y a dix ans, selon une étude Xerfi Spécific qui dresse un panorama de la profession. En faisant l'impasse sur un phénomène pourtant crucial : l'exposition des fleuristes aux pesticides, qui fait actuellement l'objet d'une étude des autorités sanitaires.


Le secteur représente 22 938 actifs (salariés + non salariés). En 2023, son chiffre d'affaires s'est élevé à 1,52 milliard d'euros. © kay fochtmann
Le secteur représente 22 938 actifs (salariés + non salariés). En 2023, son chiffre d'affaires s'est élevé à 1,52 milliard d'euros. © kay fochtmann

Profession modeste, risques majeurs et étude à trou. Le 23 janvier, lors d'un webinaire, FranceAgriMer, organisme d'informations et d'échanges sur les filières de l'agriculture et de la pêche dépendant du ministère de l'Agriculture, et VALHOR, l'Interprofession française de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage, présentaient une étude sur les "chiffres clés des fleuristes", réalisée par le cabinet Xerfi Specific, sur la base d'un sondage réalisé au premier semestre 2024, complétées de données statistiques Klesia. D'après l'étude, en 2023, la profession regroupe 7 692 entreprises. Dix ans plus tôt, on en comptait plus de

15 000. Pour l'essentiel, il s'agit de TPE. Les trois quarts des fleuristes comptent zéro à deux salariés et, en moyenne, chaque entreprise gère 1,1 points de vente. Côté emploi, le secteur représente 22 938 actifs (salariés + non salariés). En 2023, son chiffre d'affaires s'est élevé à 1,52 milliard d'euros. A périmètre constat, cela représente une hausse de 3% par rapport à l'année précédente, mais l'étude ne précise pas si cette augmentation est supérieure à celle du coût des matières premières.

Les fleuristes, dont plus de huit clients sur dix sont des particuliers, se répartissent sur le territoire de manière « assez homogène », par rapport à la population, note Christine Achaz, directrice d'études au cabinet Xerfi Spécific. En revanche, ils sont proportionnellement sur représentés dans les petites communes. La profession est largement intermédiée : 69% d'entre eux travaillent avec un ou plusieurs intermédiaires (Interflora, Florajet) pour 11,5 % de leur chiffre d'affaires. Les fleuristes sont également très présents sur Internet : les deux tiers d'entre eux disposent d'un site et dans la moitié des cas, celui-ci est marchand. Côté livraison, les évolutions sont limitées. Neuf entreprises sur dix proposent la vente à livraison qui représente 15% du chiffre d'affaires, stable depuis 2020. Cette même année, le click and collect proposé par les trois quarts des entreprises avait connu un pic, mais la pratique a ensuite beaucoup diminué. Autre constat de l'étude, si neuf fleuristes sur dix proposent des végétaux français à la vente en 2023, ces derniers ne représentent que 14% du chiffre d'affaires, contre 22,5% en 2020.

Tout va très bien, madame la fleuriste

Une partie de l'étude Xerfi Spécific est consacrée à divers enjeux de société auxquels sont confrontés les fleuristes : conditions et pratiques de travail liées ou pas aux enjeux climatiques, situation économique, logistique.... Parmi les sujets abordés, par exemple, les ZFE, zones à faible émission mobilité, qui limitent la circulation. Concentrées dans les métropoles, elles ne concernent que peu les fleuristes. Et huit sur 10 ne connaissent pas le dispositif. En revanche, l'enjeu de la rareté de l'eau impacte directement la profession : 8% des fleuristes ont déjà été soumis à des arrêtés préfectoraux portant sur une limitation ou une interdiction provisoire d'utiliser de l'eau. Parmi eux, plus de la moitié ont subi des baisses de chiffre d'affaires. Certains fleuristes prennent des mesures : par exemple, 16% d'entre eux ont mis en place des systèmes de récupération d'eau de pluie. 

L'étude a aussi soumis aux sondés une liste de préoccupations, afin de connaître celles qui les touchent prioritairement. Les inquiétudes d'ordre économique arrivent en tête : 25% des fleuristes redoutent la concurrence de la grande distribution et 21% les prix des fournisseurs, l'inflation et les charges. Viennent ensuite des questions d'information et de connaissance sur la réglementation relative à la profession. Mais dans cette liste des préoccupations proposée par le sondage, un sujet manque : la santé des professionnels de la fleur. Pourtant, des drames se sont succédé, qui interrogent très fortement les conditions de travail des fleuristes : ils manipulent des plantes susceptibles d'être imprégnées de pesticides. Depuis plusieurs années, par exemple, plusieurs de leurs enfants sont décédés. Parmi eux, la jeune Emmy, fille de Laure Marivain, en 2022. Le lien de causalité entre sa pathologie- un cancer- et une exposition aux pesticides de sa mère, fleuriste, durant la période prénatale a été reconnu par le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides. En décembre 2024, l'Anses, Agence nationale de sécurité sanitaire, a été chargée d'une étude sur l'exposition des fleuristes aux pesticides. Un enjeu que la profession ne peut ignorer.