Les experts-comptables face aux transitions numérique et digitale

Les experts-comptables face aux transitions numérique et digitale

L’Institut français des experts-comptables et des commissaires aux comptes organise son congrès annuel sur le thème : «Réinventons le cabinet de demain» les 5 et 6 juillet, à La Grande Motte. 500 participants sont attendus pour participer aux débats et ateliers. Le président de l’IFEC (Institut français des experts-comptables et des commissaires aux comptes) évoque les pistes d’évolutions pour une profession qui sait se remettre en question.

 

Que représente l’IFEC aujourd’hui ?

En France, la profession regroupe 20 000 experts-comptables et 13 000 commissaires aux comptes dont 12 000 sont aussi experts-comptables, pour un corps professionnel estimé dans son ensemble à 21 000 personnes. Avec plus de 4 000 adhérents, l’Institut français des experts-comptables et des commissaires aux comptes est le syndicat majoritaire de la profession comptable. Nous avons aussi cette capacité à regrouper tous les modes d’exercice, de l’associatif à l’individuel, des structures de taille moyenne en termes d’associés, aux plus grands cabinets, puisque le Top Ten français est adhérent de l’IFEC. Cela permet de cerner, d’évaluer et de partager les attentes de chacun, d’échanger les bonnes pratiques et les innovations mises en place dans les plus petites structures comme dans les plus grandes.

 

«Réinventons le cabinet de demain», un thème récurrent pour des évolutions professionnelles qui s’enchaînent…

Nous devons réinventer le cabinet dès aujourd’hui ! La profession organise de nombreux événements qui abordent notamment les évolutions technologiques. L’ambition que nous avons pour ce congrès est de traiter des différents outils et technologies, mais pas uniquement. Le cabinet de demain devra être axé sur le conseil et sur de nouvelles missions qui sont autant de nouvelles ambitions pour la profession. Au niveau de l’IFEC, nous avons la certitude qu’un cabinet, c’est un métier – des métiers -, des hommes et des outils. Trois rapporteuses déléguées ont été chargées de trouver les nouvelles idées à partir de ces trois items, pour préparer les cabinets à un avenir de croissance. Ces solutions seront exposées à La Grande Motte.

 

Quel sera le contenu des ateliers ?

La communication d’abord. La profession communique, et l’on note qu’individuellement, certains cabinets font des choix assez forts en termes de communication soit locale, soit régionale, soit nationale. Mais cela reste limité à quelques acteurs. Nous souhaitons montrer que ces outils permettent à tous de communiquer avec des moyens innovants, à des coûts de communication accessibles à tous, pour une stratégie marketing pertinente. Au-delà de la mission régalienne traditionnelle – la tenue de comptes – il faut impérativement faire savoir quels sont nos savoir-faire. Nous avons aussi pour mission de faire grandir nos clients, et pour cela, il faut développer le conseil que la profession est en capacité d’apporter.

 

RH et attractivité… votre profession recrute-t-elle ?

Tout à fait. Notre profession présente de nombreux avantages, dont une offre de recrutement. Ce n’est pas le cas de toutes les professions en France, même en cette période de croissance nouvelle. Elle n’a d’ailleurs jamais cessé de recruter, même durant les crises. Nous avons d’une part un turn-over naturel et des besoins qui évoluent au sein de nos cabinets. C’est aussi une profession qui propose un véritable ascenseur social. Il est rare, même si cela existe, qu’un cabinet soit cédé de père en fils ou de mère en fille. Dans notre profession, on peut commencer avec un Bac + 2 ou + 3. À chaque étape du parcours professionnel, des métiers en cabinet sont possibles. Cela induit une attractivité forte pour une profession où l’on peut s’épanouir à différents stades de son parcours, que l’on soit étudiant ou que l’on poursuive ses études une fois intégré au sein d’un cabinet.

 

La transition numérique est-elle acquise ?

On l’espère, mais je sors de deux ans de tour de France en région – DOM compris – pour aller à la rencontre de mes consœurs et confrères. Et cette transition numérique n’est pas toujours intégrée. Pourtant, l’automatisation de certaines tâches libère du temps pour accompagner les clients et faire davantage de conseil. La transition digitale permet d’améliorer sensiblement la relation client et la gestion des prospects et de l’e-réputation. Mais la transition numérique doit s’organiser. Certains cabinets ne sont pas forcément bien équipés ou ne savent pas comment le faire. La mission de notre syndicat est d’accompagner les consœurs et les confrères sur ces sujets, de les aider à faire un état des lieux de leurs structures et des ambitions de leurs collaborateurs. Il est vital d’aller vers un cabinet digital pour permettre de focaliser les collaborateurs sur les tâches à valeur ajoutée. Les clients le comprennent, d’ailleurs. Ils attendent et perçoivent le conseil que nous leur apportons et apprécient la présence de nos collaborateurs à leurs côtés.

 

Pourquoi la blockchain, thème d’un des ateliers du congrès, doit-elle intéresser les commissaires aux comptes ?

C’est un sujet majeur au sein de l’économie. Le boom phénoménal du bitcoin, sous-tendu par le concept de blockchain, en est le symbole. De nombreuses réflexions sont conduites sur ce sujet et notamment dans le secteur juridique… à l’image des smart contracts – contrats intelligents – gérés par une blockchain qui permet de certifier les différents acteurs, intervenants et parties prenantes de ces contrats. Dès lors que l’on pense au juridique, on pense évidemment au commissariat aux comptes. Et si, à l’avenir, les prestations juridiques et légales se contractent via une chaîne, il est évident que cela aura un impact pour la profession. En tant que syndicat et institut, nous nous devons d’y réfléchir. D’où cet atelier sur la blockchain proposé lors du congrès, et décliné aux missions du commissaire aux comptes à court et moyen termes. Notre second atelier dédié à la profession, organisé sur les systèmes d’information, est aussi directement relié à cet item. Il s’agit d’auditer les systèmes d’information de nos clients en prenant en compte l’ensemble de l’écosystème du client, pour comprendre les flux et mieux contrôler le flux définitif qui permet d’établir les comptes.

 

Le prélèvement à la source est-il également une question d’actualité ?

C’est un sujet compliqué et éminemment technique. Nous avons alerté le ministère des Actions et des Comptes publics sur la complexité de sa mise en œuvre. Celui-ci a d’ailleurs édité des fiches pratiques pour le grand public en travaillant main dans la main avec la profession comptable. Nous suivons les avancées des éditeurs de logiciels pour la mise en place du PAS. Je rappelle que le prélèvement à la source est basé sur un taux d’imposition que le contribuable peut moduler. Cela suppose techniquement de recevoir un flux d’informations d’un nouvel acteur fiscal au sein d’un flux DSN, qui est un flux social. Une fois le taux récupéré, il faut conserver le montant de l’impôt puis le reverser aux services fiscaux. Ce que l’on sait, c’est qu’il reste encore un peu de travail aux éditeurs informatiques et de logiciels. Nous avons également un exercice de pédagogie et d’explication à mener auprès de nos clients afin de jouer pleinement notre rôle de courroie de transmission et d’information entre le marché, le public, le ministère et notre clientèle, soit plus de deux millions d’entreprises qui font battre le poumon économique de la France. Nous faisons également remonter les informations et les messages des concepteurs et des utilisateurs au ministère de tutelle. Un message d’inquiétude pour l’instant quant à la faisabilité de sa mise en œuvre. Le prélèvement à la source doit être effectif dans moins de six mois. Il faut que les éditeurs soient prêts, que nos clients soient prêts, que les cabinets soient prêts… Cela fait beaucoup de monde et d’outils à interconnecter dans un laps de temps plutôt restreint. Je ne doute pas de la volonté du gouvernement. Mais il s’avère que c’est déjà complexe pour les grands éditeurs avec lesquels l’IFEC travaille. Qu’en est-il des plus petits éditeurs de logiciels de paie ? Et si les caisses de mutuelle et de prévoyance – de grands acteurs – se sont donné un délai supplémentaire pour la DSN, c’est la preuve que de nouvelles contraintes seront complexes à intégrer.