Les employeurs et la mobilité en 2020
La manière dont les salariés arrivent au travail le matin n’intéresse pas beaucoup leurs employeurs. A tort. Car ces trajets créent de nombreuses nuisances qui finissent par coûter cher, y compris à l’entreprise. Afin de limiter ces conséquences, la loi impose, depuis le 1er janvier, de nouvelles obligations aux employeurs.
La loi d’orientation sur la mobilité (LOM) a enfin été promulguée au Journal officiel le 26 décembre dernier. Après un parcours législatif de plus d’un an, ce texte foisonnant concrétise la volonté du gouvernement de «donner la priorité aux transports du quotidien», selon la promesse formulée dès juillet 2017 par Emmanuel Macron. La loi veut offrir à chacun, quel que soit son lieu d’habitation, «des solutions de mobilité», tout en encourageant les modes de transport alternatifs à la voiture.
Le texte s’adresse notamment aux employeurs. Les trajets entre domicile et travail structurent en effet les habitudes quotidiennes, et donc les autres déplacements. Dans la plupart des entreprises, ces millions de petits voyages n’obéissent à aucune rationalité. La situation suivante est même la norme, sans que personne n’y trouve à redire : des collègues de travail résidant à proximité les uns des autres empruntent chaque matin leur voiture personnelle, pour effectuer quelques kilomètres à peine et se garer sur le parking de l’entreprise, qui déborde. Cette multiplication d’allées et venues est absurde à plus d’un titre. Elle entraîne des dépenses superflues pour les particuliers et l’entreprise, et beaucoup de temps perdu ; cette désorganisation aboutit à l’occupation d’un espace, le parking, qui gagnerait à être valorisé, et contribue à la pollution atmosphérique et au dérèglement climatique.
En France, près des trois quarts des trajets domicile-travail sont effectués en voiture individuelle, pour une distance moyenne qui ne dépasse pas cinq kilomètres. Les accidents de trajet, qui se produisent dans la circulation à l’aller ou au retour, ou dans les déplacements entre plusieurs sites de la même entreprise, tuent 250 personnes par an et constituent un tiers des accidents liés au travail.
Afin que les employeurs se préoccupent davantage des déplacements de leurs salariés, la LOM contient trois dispositions qui les concernent directement. Tout d’abord, les «plans de mobilité» deviennent obligatoires pour les sites compris dans le périmètre d’une agglomération et accueillant plus de 50 personnes, au lieu de 100 jusqu’ici. Ces plans de mobilité sont le fruit d’une déjà longue histoire législative. Conçus par la loi de transition énergétique de 2015, ils sont les héritiers des plans de déplacements d’entreprise, imaginés par la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) en 2000. Ces documents contiennent des mesures destinées à rationaliser les déplacements, tout en limitant le trafic routier et la pollution atmosphérique. Ils doivent être communiqués par chaque employeur à la collectivité locale en charge des déplacements dans leur secteur géographique.
Sanctions inopérantes
L’Ademe (Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie), qui pilote la déclinaison des plans de mobilité, liste les dispositifs susceptibles d’y trouver leur place. Cela va de l’incitation au covoiturage, qui consiste à réserver, par exemple, des places de parkings aux covoitureurs, à l’amélioration des cheminements piétons et cyclables, en passant par la négociation avec la collectivité locale d’une meilleure desserte en transports publics. Une seule mesure ne suffit évidemment pas, mais leur combinaison peut amener les salariés à changer leurs habitudes.
Mais jusqu’à présent, l’obligation d’élaborer un plan demeure pratiquement lettre morte. En effet, les moyens de contrôle sur les employeurs sont très limités. Le respect du texte n’est assorti d’aucune sanction, si ce n’est la suspension d’aides techniques et financières de l’Ademe dont la plupart des entreprises n’ont pas connaissance, ou qu’elles ne réclament pas… Début 2019, seules 30% des entreprises concernées déclaraient avoir rempli cette obligation.
L’élargissement des plans de mobilité aux sites de 50 à 100 salariés sera-t-elle plus efficace que la loi en vigueur depuis deux ans ? La LOM ne crée pas de nouvelles sanctions mais oblige les employeurs à inscrire la mobilité dans les négociations annuelles obligatoires, aux côtés des salaires, de la durée du travail ou de l’égalité entre femmes et hommes.
Ces discussions avec les représentants du personnel incluront également le «forfait mobilité durable», la deuxième nouveauté de la LOM concernant les entreprises. Ce forfait, jusqu’à 400 euros annuels exonérés de cotisations sociales (pour la société) et de fiscalité sur le revenu (pour le salarié), est destiné à tout employé qui se rend au travail à vélo ou en covoiturage, comme conducteur ou comme passager. Le forfait, qui remplace l’«indemnité kilométrique vélo», plafonnée à 200 euros et créée par la loi de 2015, constitue un pendant des frais kilométriques, dont bénéficient les salariés automobilistes, et le remboursement de la moitié de l’abonnement aux transports publics.
Enfin, la LOM incite les détenteurs de grosses flottes de véhicules à opérer une transition vers des modèles moins polluants. Ces voitures, revendues sur le marché de l’occasion après quelques années d’utilisation, représentent une part importante du parc en circulation. Progressivement, à mesure des renouvellements successifs, les établissements disposant de plus de 100 véhicules doivent convertir une partie de leur flotte du thermique vers l’électrique. La part des véhicules électriques devra atteindre 10% début 2022, 35% en 2027 et 50% en 2030. A l’échelle nationale, la loi fixe à 2040 la fin de la vente des véhicules thermiques. Y compris pour les véhicules d’occasion.