Marché de l'emploi
Les embauches, aujourd’hui et demain
La crise de la Covid-19 a bouleversé le quotidien des entreprises. L’an passé, quelque 200 000 projets de recrutement avaient été déposés à Pôle emploi, près de 23 000 en Meurthe-et-Moselle. Entre embauches ajournées et annulées, difficile d’avoir une vision claire ce qui a été concrétisé. Pourtant, les statistiques laissent apparaître un trait commun, crise ou pas crise. De nombreux métiers cherchent preneurs. Parfois en vain. Et du côté des métiers de demain ? Transitions numérique et écologique, vieillissement de la population, organisation du travail portent des viviers d’emplois. Le point dans notre périmètre géographique.
La liste est longue comme un inventaire à la Prévert des métiers qui recrutent mais ne trouvent pas preneurs. Pour diverses raisons d’ailleurs. Mais le fait est là. De nombreuses entreprises cherchent la perle rare… qu’elle ne trouve parfois jamais. Le Grand Est, la Lorraine, la Meurthe-et-Moselle se ressemblent finalement sur ce point, au-delà des spécificités des territoires. Dans ces espaces, on cherche des électriciens, des plombiers, des chauffagistes, des charpentiers, des artisans du textile et du cuir, des ouvriers du bâtiment, des agents d’entretien de locaux, des aides ménagères et à domicile, des apprentis de cuisine, des conducteurs routiers, des soignants… On pense souvent en évoquant les métiers en tension aux secteurs du bâtiment, de l’hôtellerie et de la restauration, du BTP. Les statistiques de Pôle emploi sur les difficultés de recrutement en Grand Est, en Lorraine et en Meurthe-et-Moselle font apparaître des carences qui n’apparaissent pas forcément aux yeux du public. Souvent, le recrutement est difficile quand on cherche des techniciens d’assurances, des pharmaciens, des vétérinaires, des géomètres, des professeurs de droit, des médecins, des informaticiens. En Grand Est, en 2020, les entreprises avaient déposé 8 300 offres pour des postes d’agents d’entretien de locaux. 48 % de ces projets s’avéraient complexes. C’est plus compliqué ailleurs. 6 040 offres d’aides à domicile pour 84 % de difficultés à pourvoir les postes. Même topo pour les maçons (1 900, 83 %), les conducteurs routiers (2 670, 73 %), les employés de l’hôtellerie (1930, 72 %), les livreurs courte distance (2 700, 70 %), les cuisiniers (2 860, 72 %). En revanche, les postes d’employés libre-service, de manutentionnaires, de caissiers, de secrétaires bureautiques, de vendeurs en habillement, d’artistes, d’employés de banque sont pourvus plus aisément. En Grand Est, 52 % des projets de recrutement sont considérés comme difficiles.
Basculement dans le monde d’après
Quand on déplace cette loupe de l’emploi en Meurthe-et-Moselle, les secteurs embauchant le plus se centrent sur les postes d’agents d’entretien de locaux (1 380 offres), aides à domicile et ménagères (1 020), aides-soignants (740), aides et apprentis de cuisine (580), serveurs de cafés restaurants (550), employés de maison et personnels de ménages (520) et attachés commerciaux (450). 22 300 offres avaient été déposées pour 2020. On retrouvait dans les métiers soumis à des difficultés à recruter les aides à domicile et ménagères (96 %). Suivaient les maçons, les électriciens, les architectes, les bûcherons et pêcheurs salariés et des profils identiques à la tendance observée au niveau régional. Point particulier de la Meurthe-et-Moselle. Elle a aussi du mal à pourvoir des postes comme ceux liés à la sécurité et à la surveillance ou à l’appareillage médical. De même pour les coiffeurs, esthéticiens, agents immobiliers et syndics. Les difficultés de recrutement sont globales, allant des emplois non qualifiés à des niveaux d’ingénierie. Aux côtés de ces métiers en tension, le paysage sociétal en mutation, tendance renforcée par la crise, dévoile déjà les emplois de demain. Selon une étude publiée par Dell et l’Institut du Futur, 85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore. La généralisation de l’intelligence artificielle cognitive et la robotique vont transformer les métiers existants et en créer de nouveaux. On parle d’éthiciens, de psydesigners. Certains métiers de demain sont déjà une réalité : roboticien, data scientist, pilote de drone civil, imprimeur 3D, extracteurs de données, créateurs d’environnements virtuels. C’est une certitude, les métiers du futur seront plus écologiques, portée par la transition verte : ingénieur écologue, expert de la biodiversité, économe de flux chargé de réguler la consommation d’électricité, pour la rendre le plus économique possible. Le secteur du bâtiment est par exemple fortement impacté par les enjeux du développement durable.
L’enjeu de la silver economy
Selon France Stratégie, près de 800 000 postes sont à pourvoir chaque année d’ici à 2022, dont 80 % pour remplacer les départs à la retraite et 20 % liés à des créations de postes. Si la crise actuelle freine cet élan, elle ne l’éteindra pas. Il est un phénomène auquel nos sociétés contemporaines ne peuvent échapper : celui du vieillissement de la population. Un quart des Français ont actuellement plus de 60 ans. Cela va s’amplifier dans les années à venir et déboucher sur une croissance forte des métiers des services à la personne : aide à domicile, aide-soignant, infirmier. La silver economy, l’économie au service des personnes âgées, va créer de nombreux emplois. La gestion des ressources humaines avec la mutation du monde du travail, l’e-commerce sont aussi des vecteurs des emplois à venir. Finalement, d’une décennie à une autre, la donne reste la même : des métiers s’éteignent, d’autres naissent. Les problématiques sociétales d’aujourd’hui ne sont pas forcément celles d’hier. Le progrès humain n’est-il pas finalement le moteur de toutes ces évolutions ? Aurait-on imaginé voilà 50 ans, 30 ans même, les métiers qui nous sont courants en 2021. Probablement pas. C’est une constante remise en cause au demeurant et une réelle adaptation aux époques. Il est une chose immuable : l’humain reste le maître du jeu. C’est (presque) rassurant par les temps qui courent.