Entreprises

Les bijoutiers s'intéressent aux artisans venus d'ailleurs

Les professionnels de la bijouterie et l’association La Fabrique nomade, qui s’applique à révéler les talents venus d’ailleurs, ont signé un partenariat pour favoriser l'intégration professionnelle d'artisans immigrés. L'affirmation de valeurs, pour ce secteur qui doit beaucoup au talent des Arméniens arrivés dans les années 1920 et en recherche de main d’oeuvre, en raison d’une croissance forte.

Crédit : Anne DAUBREE  De gauche à droite, Inès Mesmar, la présidente de La Fabrique nomade, celle de la bijouterie (UFBJOP), Bernadette Pinet,
Crédit : Anne DAUBREE De gauche à droite, Inès Mesmar, la présidente de La Fabrique nomade, celle de la bijouterie (UFBJOP), Bernadette Pinet,

Chiffres modestes, grands enjeux. Le 10 octobre, à Paris, un partenariat a été signé entre l'UFBJOP, l'Union française de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, des pierres et des perles et La Fabrique nomade, association qui œuvre pour l'intégration professionnelle des artisans d’art immigrés. « L'association est fondée sur l'idée que l'immigration constitue une force et une richesse pour la France, plutôt qu'un fléau à combattre. Nous nous appliquons à révéler les talents qui arrivent sur le territoire », explique Inès Mesmar, fondatrice de l'association en 2016, à Paris. « Nous sommes totalement en phase avec ceci. Ce partenariat est avant tout une question de valeur », réagit Bernadette Pinet, présidente exécutive de l’UFBJOP et présidente de la Haute école de joaillerie. Laquelle rappelle l'apport de la communauté arménienne à la bijouterie française. Fuyant le génocide de 1915 dans l'empire ottoman, ces immigrés d'alors étaient joailliers, sertisseurs, lapidaires, diamantaires...Ils ont contribué à perpétuer leur savoir-faire, vivant aujourd'hui encore. Avec, par exemple, l'atelier du joaillier contemporain Jean Vendôme ou la maison Waskoll, sise rue de la Paix, à Paris.

Le partenariat signé le 10 octobre fixe plusieurs objectifs dont la sensibilisation des entreprises du secteur à la cause défendue par La Fabrique nomade et leur mise en relation avec les artisans soutenus par l'association. Ces derniers participeront aux « job dating » de juin où se rencontrent recruteurs du secteur et nouvelles promotions de la Haute école de joaillerie (gérée par l'UFBJOP). De son coté, le secteur prévoit 2 000 postes à pourvoir d'ici 24 mois, en raison d'une croissance très forte. En 2023, son chiffre d'affaires à l'export a atteint 7,7 milliards d'euros, soit 8% de plus qu'en 2022. Ce résultat est le fruit d'un écosystème d'environ 200 entreprises composé de grands groupes (Chanel, Hermès, Richemont, LVHM...), leaders mondiaux qui travaillent avec des PME sous-traitantes basées en France.

100% en emploi

Avant même la signature du partenariat, une vingtaine d'artisans passés par La Fabrique nomade ont déjà commencé à travailler au sein d'entreprises du secteur, dont Chaumet, Arpa, Bleu Platine, Orest ou Philippe Grand. Ils ont réalisé le parcours de formation de l'association, reconnue atelier d'insertion par l’État. A la base, la joaillerie figure parmi les savoir-faire artisanaux les plus fréquents chez les immigrés – en situation régulière –accompagnés par l'association. Au total, depuis 2016, elle en a soutenu 93 venus de 37 pays. 82% sont en actuellement en emploi, un score qui atteint 100% dans la joaillerie.

Dans son atelier de formation, La Fabrique nomade pourrait accueillir 12 élèves pour cette discipline, mais sept postes seulement ont été financés par l’État, cette année. Bernadette Pinet s'est déclarée prête à « booster » les adhérents de l' UFBJOP pour financer les cinq postes vacants (25 000 euros, chacun).

Par ailleurs, La Fabrique nomade et l'UFBJOP vont également réfléchir à des solutions afin de répondre aux besoins de main d’œuvre croissants hors région parisienne, liés au développement de projets menés par des entreprises du secteur. Quoi qu'il en soit, la petite association – un million d'euros de financement (public et privé) - ne pourra apporter qu'une contribution modeste, sur la plan numérique, aux besoins de main d’œuvre du secteur. Pour autant, la sensibilisation des entreprises à l'intégration des artisans venus d'ailleurs demeure un enjeu, estime Inès Mesmar. « Les entreprises mènent des projets qui intègrent une dimension d'inclusion, mais cela reste marginal. Ce n'est pas encore structurel dans leur démarche », explique-t-elle. Pour l'instant, les artisans de La Fabrique nomade ont notamment mené des projets avec les marques Vuitton et Chloé.