Les acheteurs publics encouragés à adopter l'affacturage inversé
Bercy encourage les acheteurs publics à adopter l'affacturage inversé collaboratif, destiné à alléger la trésorerie des fournisseurs et à nouer des relations partenariales profitables aux deux parties. Le dispositif est encadré dans la loi Pacte.
Encourager la participation des PME et TPE à la commande publique en allégeant leurs problèmes de trésorerie : tels sont les enjeux qu’adresse l’amendement intégré à la loi Pacte, votée le 11 avril dernier, et qui définit et encadre le recours à l’affacturage inversé collaboratif pour le secteur public. Pierre Pelouzet, le Médiateur des entreprises, chargé d’aider entreprises et organismes publics à résoudre leurs différends par la médiation, et de faire évoluer les pratiques d’achat, organisait récemment à Paris une matinée intitulée «Acheteurs publics, osez l’affacturage inversé», afin d’encourager cette solution.
Le principe : initié par le donneur d’ordre, l’affacturage inversé collaboratif est un dispositif proposé aux PME ou TPE sous-traitantes, via une plateforme. Ces sociétés peuvent, si et quand elles le souhaitent, se faire financer une ou plusieurs factures en touchant les montants avant la date prévue et en bénéficiant d’un taux d’intérêt avantageux. Ce dernier a été contracté entre le «factor» et le donneur d’ordre. Les éventuels retards de paiement de ce dernier lui seront facturés par le factor, lequel règle le fournisseur normalement.
Pour Guillaume Delaloy, chef de bureau à la direction des Affaires juridiques à Bercy, il s’agit d’un «dispositif gagnant/gagnant, qui apporte un gain pour l’entreprise mais aussi, à terme, pour l’acheteur public». Le cercle vertueux attendu est celui d’une fidélisation des fournisseurs à la santé financière renforcée par une diminution des risques de retard de paiement, lesquels sont reportés sur l’intermédiaire financier. Une démarche qui se traduit par un gain de trésorerie pour l’entreprise, et donc potentiellement par une baisse des prix pour l’acheteur. Du côté des acheteurs publics, reste aussi à trancher la question de la nature juridique du contrat entre acheteur public et intermédiaire financier. Cet achat est-il dispensé de procédure préalable de mise en concurrence et d’obligation de publicité ? Guillaume Delaloy invite à «rester prudent» et préconise d’avoir recours à une procédure adaptée jusqu’à ce que la juridiction administrative tranche sur le statut exact de ce contrat.
Un dispositif complexe à mettre en place
Certains pionniers se sont déjà lancés. «Nous avons engagé le programme en 2015 (…). Nous avions deux motivations : l’intérêt des PME, dont on connaît les enjeux en matière de trésorerie, et aussi la performance de l’achat qui se décline en deux points – le prix et la qualité de service», a témoigné Fadéla Khaldi, chef du département «Offres financières, assurance et innovation» à l’UGAP (Union des groupements d’achats publics), centrale d’achat publique généraliste. D’après elle, la démarche permet effectivement d’initier un partenariat bénéfique sur le plan de la qualité. Quant au Centre hospitalier intercommunal (CHI) de Créteil, il a initié cette même démarche – pour l’heure limitée à quelques fournisseurs, cinq grandes entreprises et trois PME – pour tenter d’améliorer une situation critique : l’établissement présentant des délais de paiement pouvant aller jusqu’à 130 jours, il devait faire face à des fournisseurs qui finissaient par retenir les livraisons…
Le dispositif n’est pas simple à mettre en place. «La difficulté réside dans l’enrôlement des petites entreprises qui ne comprennent pas le dispositif», a témoigné Ilia Pustilnicov, directrice des affaires financières au CHI, qui pointe aussi la nécessité d’un «travail de réingénierie du circuit de la dépense». Enjeu : «le niveau de technicité au niveau des flux qu’il faut intermédier, car il s’agit d’une relation tripartite», complète Fadéla Khaldi.
Du point de vue des entreprises, «cette mesure s’inscrit dans la politique de simplification des marché publics et dans la volonté de faire participer plus les PME et les TPE», rappelle Guillaume Delaloy. Le dispositif s’ajoute à d’autres mesures prises par le gouvernement, comme l’augmentation de l’avance forfaitaire de 5 à 20% pour les PME qui ont signé un marché public avec l’Etat, l’abaissement du taux retenu de garantie de 5 à 3%, et l’expérimentation en matière d’achat innovant, qui cible en grande partie les PME innovantes. Il s’inscrit aussi dans les efforts réalisés pour réduire les délais de paiement du secteur public. Mais, à ce sujet, il est un point essentiel que l’affacturage inversé collaboratif ne résout pas : la performance du processus qui conduit à atteindre le moment où est émis le bon à payer, qui déclenche toute la chaîne de l’affacturage…