Territoires

Le transport public cherche ses futurs clients

Une enquête effectuée pour les opérateurs de transport urbain montre que les habitants des villes préfèrent encore la voiture. Mais les transporteurs espèrent trouver de nouveaux clients parmi les jeunes générations, à condition toutefois que le service soit de qualité.

(c) Olivier RAZEMON pour DSI.
(c) Olivier RAZEMON pour DSI.

Tout le monde aime la voiture. Le 15 octobre, au moment où le Mondial de l’Automobile de Paris battait son plein, les dirigeants de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTPF, le dernier adjectif de l’acronyme ayant été ajouté en septembre), devaient se résoudre à cette évidence. L’organisation professionnelle des transporteurs, parmi lesquels Keolis, Transdev ou la SNCF, a demandé à l’Ifop d’interroger, pour son « observatoire » annuel, plus de 4 000 personnes résidant dans les agglomérations de plus de 20 000 habitants. Priés de livrer des « idées associées à la voiture », 87% citent des « marqueurs positifs » (liberté, confort, évasion, plaisir), mais seulement 64% font de même pour les transports publics urbains (facilité d’accès, écologie, adaptés à tous, interactions sociales). En miroir, si 62% des sondés expriment des « marqueurs négatifs » au sujet de la voiture (coût, pollution, tensions entre usagers, stress), 74% mentionnent les défauts des transports publics (insécurité, tensions, contrainte, stress).

Les responsables de l’UTPF ne sont pas surpris. Ils savent que quatre déplacements sur cinq, en France, mobilisent un véhicule motorisé, y compris pour des trajets très courts. Par ailleurs, le jugement général ne reflète pas celui des usagers des transports, bien plus indulgents pour leur mode de déplacement, comme l’ont montré les éditions précédentes de cet observatoire. Les transporteurs préfèrent souligner que ce sont les jeunes générations, incarnant l’avenir, qui associent le moins la voiture à des concepts positifs. La « liberté » n’est citée que par 50% des 15-27 ans (la « génération Z »), un chiffre qui croît progressivement avec l’âge avant d’atteindre les 72% chez les plus de 78 ans (« la génération silencieuse »). La « facilité d’accès » (25% chez les jeunes, 44% chez les plus vieux) et l’« évasion » (21% contre 40%) suivent la même pente.

Mais les jeunes ne sont pas pour autant ceux qui ont la meilleure perception des transports publics. Seuls 34% d’entre eux vantent la « facilité d’accès » des métros, trams et bus, contre 47% pour les plus âgés, et 11% évoquent « la fiabilité », contre 15% chez les plus vieux. Si les jeunes sont sévères, « c’est qu’ils sont exigeants », assure Stéphanie Lopes d’Azevedo, directrice du service « économie et technique » à l’UTPF. Ainsi, c’est la génération Z, bien plus que les autres, qui utilise les transports publics : 51% les ont empruntés durant les trois mois précédents dans les agglomérations de moins de 200 000 habitants, 73% dans les grandes villes et 81% en Ile-de-France. Et l’usage des métros, trams et bus décroît globalement avec l’âge. Parallèlement, la conduite automobile augmente de manière linéaire au fur et à mesure que l’on avance dans la vie. Dans les villes moyennes, l’Ifop dénombre même 97% de plus de 78 ans qui ont utilisé leur voiture récemment, contre seulement 61% des plus jeunes. L’« attachement » à la voiture, en revanche, ne suit pas exactement la même courbe. Il est faible au début de la vie, grimpe nettement chez les « millenials » (28-43 ans), avant de régresser progressivement ensuite. Les générations les plus attachées à l’automobile sont donc logiquement celles qui vivent en famille, le plus souvent dans une maison individuelle, pas toujours reliée aux transports publics.

Un enjeu territorial

Ainsi, pour les opérateurs, l’enjeu n’est pas seulement générationnel, mais territorial. L’étalement urbain, qui se poursuit, rend la desserte des quartiers éloignés et des « villages-dortoir » plus difficile. L’UTPF a identifié depuis plus d’une dizaine d’années un risque majeur : l’allongement des lignes de bus jusque dans chaque village de l’agglomération, pour un coût élevé et des recettes faibles. Les résultats de l’enquête ne sont pourtant pas, sur ce point, si alarmistes. 81% des sondés affirment qu’une offre de transport est disponible « à pied », à proximité de chez eux. De même, 68% des sondés disent aspirer à « vivre dans une zone avec la possibilité d’utiliser exclusivement les transports publics ou la marche ». Seuls 9% ne trouvent pas cela enviable.

Dans ce cas, pourquoi l’usage des transports n’est-il pas plus répandu ? Les transporteurs connaissent très bien la réponse, puisque c’est la réclamation qu’ils adressent depuis de nombreuses années aux pouvoirs publics : « il faut davantage d’offre ». Cela ne signifie pas seulement davantage de lignes, mais aussi des dessertes plus fréquentes, y compris aux heures creuses, en soirée et le week-end.

Les sondés confirment. Les premiers « freins » au recours aux transports urbains sont le rallongement du temps de parcours (34%) et les contraintes horaires (29%), devant « l’insécurité » (25%) et « le prix trop élevé » (25%). « Ce n’est pas une surprise. Cela fait 11 ans que le prix arrive, dans nos observatoires, en troisième ou en quatrième position dans la liste des freins », commente Stéphanie Lopes d’Azevedo. « On sait très bien que le choc d’offre est la première raison du report modal de la voiture vers les transports », ajoute Marie-Ange Debon, présidente de l’organisation professionnelle et de l’entreprise Keolis.

Les transporteurs s’inquiètent des politiques de gratuité pour les usagers, décidées par plusieurs collectivités, qui pèsent sur les recettes et, à terme, sur la qualité du réseau. Une meilleure offre nécessite davantage d’investissements, et c’est évidemment ce que voulait montrer l’UTPF en commandant cette enquête.