Le tournant

Alors que l'entreprise franco-britannique est victime de sévères problèmes liés à l'afflux de migrants sur le site du tunnel depuis le début de l'été, Groupe EuroTunnel (GET) a publié fin juillet ses résultats semestriels. Ils montrent la bonne santé financière du groupe, le développement continu du transport et la bonne gestion des infrastructures.

« Le Rodin occupé depuis fin juin dernier est toujours à quai au port de Calais ».
« Le Rodin occupé depuis fin juin dernier est toujours à quai au port de Calais ».

 

Le Rodin, occupé depuis fin juin dernier, est toujours à quai au port de Calais.

Le Rodin, occupé depuis fin juin dernier, est toujours à quai au port de Calais.

 À regarder les chiffres à mi-bilan 2015-2016, GET va bien en ce premier semestre 2015. Ce “11e semestre consécutif de croissance du chiffre d’affaires” donne à voir de sérieux gages de développement : le chiffre d’affaires de toutes les activités culmine à près de 650 millions d’euros, en hausse de 9%. 

L’excédent d’exploitation croît dans les mêmes proportions, avec 252 millions d’euros. Le résultat net du semestre s’affiche à 39 millions d’euros. L’activité majeure de la gestion du lien fixe est en hausse de 6%, à 443 millions d’euros, grâce aux navettes qui prennent 8% de progression pour les camions et 4% pour les voitures. Les passagers d’Eurostar sont également toujours plus nombreux avec +2 %. Les trains de marchandises ne sont pas à la traîne et génèrent 4% d’activité en plus. Largement majoritaire dans l’activité globale (avec 68% du total), le lien fixe va bientôt bénéficier de nouveaux outils avec l’arrivée du nouveau terminal, en partie terminé à Coquelles et livré totalement à Folkestone cet automne. En outre, GET a commandé trois nouvelles navettes destinées aux camions. La flotte sera dotée en tout de dix-huit navettes et devra absorber une augmentation de l’activité chiffrée à 20% : “nous continuons d’investir (…) pour que nous soyons en mesure de transporter 2 millions de camions en 2020“, contre près d’1,5 million l’an dernier. En période de pointe, GET lancera jusqu’à huit départs par heure contre six actuellement. Concernant les passagers, Eurotunnel profite de la bonne santé d’Eurostar qui a lancé une liaison directe Londres-Lyon-Marseille depuis le 1er mai.

Un semestre très positif, le suivant plus problématique… Chez Europorte, filiale du groupe et pilier du futur, la croissance est soutenue (+13%, à 154 millions d’euros). Son résultat d’exploitation explose de +46%, à 11 millions d’euros : de nouveaux contrats, des investissements (pour 30 millions d’euros dans des matériels roulant) ont ponctué les premiers mois de 2015. Eurotunnel affiche aussi une bonne santé financière. Ses frais financiers chutent de 20 millions d’euros (grâce à l’impact de l’inflation sur une partie de la dette et aux écarts de change). Son résultat net sur le semestre (39 millions d’euros) est en effet loin des 5 millions de pertes sur la même période l’an dernier. Le free cash flow passe de 12 à 77 millions d’euros sur la période. Enfin, la trésorerie s’élevait fin juin à 389 millions d’euros. Le groupe peut donc être “confiant” et pointer d’autres objectifs ambitieux grâce à un “environnement favorable“, comme l’application des règles Marpol de protection de l’environnement qui gêneront probablement des concurrents maritimes plus pollueurs, le lancement de nouvelles dessertes ferroviaires ou encore une livre sterling appréciée… Mais même en sortant du maritime (nonobstant le fréteur Nord-Pas-de-Calais sur lequel une décision de la CMA est attendue), la liquidation de la SCOP SeaFrance devrait peser financièrement .

L’ultime configuration maritime d’Eurotunnel ?

Le “segment MyFerryLink” ne sera plus dans les comptes d’Eurotunnel en 2016. Il ne fait plus partie des “perspectives” dressées par Jacques Gounon dans son rapport semestriel. Le PDG de GET justifie sa volonté de vendre ses navires en indiquant que c’est la Competition And Market Authority (CMA) “qui considère que deux opérateurs maritimes sont viables sur le Détroit”. MyFerryLink l’était quasiment devenue en moins de trois exercices : ses derniers chiffres publiés font état de 52,1 millions d’euros (et 54 millions d’euros de charges d’exploitation) ces six derniers mois, contre 39,1 sur la même période l’an dernier. Une progression de 33% qui se traduit également par une part de marché sur le maritime qui frôle les 15%… Mais cette filiale est en redressement judiciaire vu que la maison mère n’a pas renouvelé son contrat avec elle, les navires devant passer à DFDS. Eurotunnel indique sobrement que “le secrétaire d’État aux Transports français s’efforce d’établir un dialogue entre les parties pour dénouer cette situation” (cf. nos autres articles parus sur ce dossier).