Le texte d'Attal sur la justice des mineurs à l'épreuve de l'hémicycle
Comparution immédiate, sanction des parents, dérogations à l'excuse de minorité: l'examen d'un texte risqué de Gabriel Attal visant à durcir la justice des mineurs, soutenu par le gouvernement mais honni par la gauche...
![Gabriel Attal, ancien Premier ministre et député Ensemble pour la République, à l'Assemblée nationale, le 23 octobre 2024 à Paris © JULIEN DE ROSA](/thumbs/1368×1026/articles/2025/02/36XM6QX.jpg)
Comparution immédiate, sanction des parents, dérogations à l'excuse de minorité: l'examen d'un texte risqué de Gabriel Attal visant à durcir la justice des mineurs, soutenu par le gouvernement mais honni par la gauche, débute mercredi dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
Cette proposition de loi visant à "restaurer l'autorité" de la justice, à l'égard des "mineurs délinquants" et de "leurs parents", reprend une série de mesures annoncées au printemps par Gabriel Attal, alors Premier ministre.
Le texte se veut une réponse aux violences urbaines de l'été 2023 - après la mort du jeune Nahel, tué par un policier à Nanterre - selon l'ex-chef du gouvernement qui, après être redevenu député, a décidé de le porter dans l'hémicycle.
Il bénéficie de l'appui de la coalition de François Bayrou, qui a manifesté son soutien au texte dans la foulée du meurtre d'Elias - un adolescent de 14 ans mortellement poignardé à Paris pour son téléphone portable le 24 janvier.
Mais son adoption est loin d'être assurée. La gauche est vent debout contre ce texte "directement inspiré par les idées de l'extrême droite", selon les mots du député socialiste Hervé Saulignac qui défendra au nom de son groupe une motion de rejet préalable.
"Cette proposition de loi va tellement loin, qu'il y aura un front commun à gauche", affirme l'élu, soulignant que "la question sera combien ils seront face à nous, dans le bloc central et sur les bancs du Rassemblement national".
Dénaturé en commission
Car lors de son examen en commission fin novembre, la gauche a réussi à dénaturer le texte, supprimant trois articles sur cinq, en l'absence d'un grand nombre de députés du centre, de la droite et de l'extrême droite.
Gabriel Attal a déposé des amendements pour rétablir toutes les mesures supprimées.
D'abord, la création d'une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de 16 ans pour des faits graves.
Ensuite, "en finir avec l'excuse systématique de minorité", selon M. Attal dans une interview donnée début février au Journal du Dimanche. Le texte prévoit ainsi de ne plus appliquer d'atténuation des peines, sauf décision motivée du juge, pour des mineurs âgés de 16 ans et plus, auteurs de faits graves, et multirécidivistes.
Le texte, dont l'examen débutera à 21H30 et devrait se poursuivre jeudi matin, contient également deux mesures pour accroitre les sanctions envers les parents de mineurs délinquants.
Quelle mobilisation ?
Rien n'est gagné d'avance pour Gabriel Attal.
Dans ses rangs, le texte est très bien reçu par l'aile droite, ravie de "propositions fortes et radicales", mais il suscite un certain malaise chez d'autres.
"Il n'est pas complet (...) et ne traite qu'une partie du problème", déplore le député macroniste Ludovic Mendes, qui aurait aimé y voir des mesures pour "protéger" les mineurs de l'exploitation des adultes, par exemple. "J'ai dit au président que potentiellement il ne compterait pas sur moi."
Un élu redoute "qu'il ne passe qu'avec l'appui de l'extrême droite", et une autre députée pense même qu'il "a peu de chance" d'être adopté.
Plus largement, "dans la majorité, il n'y a pas un enthousiasme débordant", confie à l'AFP un député LR.
Sur la délinquance des mineurs, "on veut un signal fort" et "avec ce qui est proposé on rate un peu l'objectif", estime cet élu, qui y voit "un texte mal ficelé" et regrette que Gabriel Attal n'ait pas pris le temps de construire une majorité claire autour.
Selon lui, l'épreuve de l'hémicycle a valeur de "test" pour l'ancien Premier ministre.
Gabriel Attal est dans le creux de la vague, après des revers essuyés par Renaissance, le parti qu'il préside, lors de récentes élections, et des critiques nombreuses sur sa méthode employée comme chef du groupe.
Plusieurs élus macronistes interrogés par l'AFP lui reprochent de ne pas avoir réussi à insuffler le "dynamisme" nécessaire pour "mobiliser" les troupes ces derniers mois.
En dehors de l'hémicycle, dans le monde judiciaire, le texte provoque une levée de bouclier.
Dans une tribune publiée par le Club de Mediapart, plus d'une dizaine de syndicats d'avocats, de la magistrature, et de la protection judiciaire, appellent à des rassemblements mercredi contre cette proposition de loi et "l'instrumentalisation de la justice pénale des mineurs à des fins sécuritaires".
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