Le stationnement, au-delà des gros sous
Les maires fixeront bientôt le montant de l’amende de stationnement, qui devient dès lors une redevance. Au-delà de ses conséquences budgétaires, la mesure permettra aux élus de réguler l’occupation de la voirie et, du même coup, l’attractivité de leur ville.
Les élus locaux, qui se plaignent régulièrement de perdre des prérogatives au profit du pouvoir national, viennent de gagner une bataille : ils pourront bientôt fixer le montant de l’amende de stationnement. Jusqu’à présent, un automobiliste qui ne paie pas le prix de l’occupation du domaine public ou dépasse le temps qui lui est imparti, peut être condamné à payer une amende de 17 euros. Cette sanction, qui était fixée à 11 euros depuis 1986, avait été revalorisée, en août 2011. L’Assemblée nationale a voté, le 20 juillet dernier, dans le cadre de la loi sur la décentralisation, une disposition transférant au maire le pouvoir de fixer le montant de l’amende. Le Sénat avait voté le même texte quelques semaines plus tôt. Il faudra attendre l’adoption définitive de l’ensemble du texte pour que les maires indiquent à combien se montera l’amende dans leur ville. De ce fait, il ne s’agira plus d’une amende, mais d’une «redevance pour service rendu». Les municipalités empocheront directement la somme fixée, alors que, aujourd’hui, les amendes entrent dans le circuit complexe des sanctions pénales. Cette réforme ressemble beaucoup à ce qu’elle n’est pas : des élus locaux maîtrisent désormais des sommes qui leur échappaient, et en font bénéficier leurs collectivités menacées par les déficits. L’argument visant des élus avides et dépensiers est avancé par Didier Bollecker, avocat au barreau de Strasbourg et président de l’Automobile Club de France : «l’unanimité du vote des sénateurs est touchante et s’explique facilement par la composition de leur électorat, les maires des communes ayant tout à gagner dans l’opération », écrit-il dans une tribune parue sur la version française du site Huffington Post. L’argument porte : selon un sondage réalisé en juin, 63 % des Français sont contre la réforme. Tout n’est pas faux dans ce raisonnement. Les élus concèdent d’ailleurs euxmêmes que l’opération permettra un meilleur recouvrement. Le stationnement ne se résume pas à une affaire de gros sous. Il est l’une des clefs de la politique des déplacements. Les villes, aujourd’hui, souffrent d’une addiction à la voiture : la congestion et le bruit font fuir les chalands, le stress au volant menace la sécurité des piétons, la pollution nuit à la santé publique.
Amendes en mise au point
Partout, la voiture allonge les distances et favorise l’étalement urbain. Contrairement à ce que l’on imagine parfois, les grandes villes ne sont pas les seules touchées. Les habitants qui en ont les moyens ne veulent plus vivre au centre des villes et font leurs courses dans des centres commerciaux toujours plus éloignés. En conséquence, la plupart des préfectures, en France, se paupérisent et sont menacées de dévitalisation. Pour justifier son combat en faveur de la décentralisation de l’amende, le GART (Groupement des autorités responsables de transport) invoque la loi sur l’air de 1996, connue sous le nom de LAURE, et la loi solidarité & renouvellement urbains (SRU) de 2000. Pour retrouver un semblant de souveraineté sur le territoire dont ils ont la charge, les élus ne peuvent se contenter des fêtes de quartier et des terrasses autorisées en toutes saisons. Pour qu’une ville s’anime, il faut pouvoir s’y déplacer à pied ou à vélo. Le contrôle du stationnement, notamment par le prix, fait donc partie de la panoplie d’outils à disposition des élus. Contrairement aux craintes exprimées par les représentants des automobilistes, l’amende n’augmentera pas partout. Dans les villes où le tarif du stationnement demeure relativement bas, le montant de la nouvelle redevance devrait baisser. Le législateur a en effet évoqué le souhait que le forfait ne dépasse pas le prix d’une journée entière de parking. Or, dans les petites villes, ce montant ne dépasse pas la dizaine d’euros. En revanche, dans les grandes villes, l’augmentation sera nette.